L1: alors nous écoutions huit grands flûtistes de renom dont Jean-Pierre Rampal qui nous a quittés récemment jouer les deux premiers mouvements de ce concerto de Joseph Bodin de Boismortier on peut rappeler d' ailleurs les noms des flûtistes qui étaient là L2: oui donc il y avait donc Jean-Pierre Rampal que vous avez entendu Alain Marion et Maxence Larrieu qui vient de quitter d' ailleurs son poste de de Genève il vient de quitter son poste oui euh Geneviève Amar moi-même bien sûr Marius Beuf Jean-Louis Baumadier et Philippe Pierlot et puis je répète encore la même histoire non je le répète pas tu ne jouais pas il nous dirigeait la soirée enfin c' est lui qui présentait a-~ L3: la je ne jouais L1: pas alors donc Georges Gallician critique musical et flûtiste qui va nous parler de de Jean-Pierre Rampal à mais sous ses deux casquettes alors d' abord le flûtiste parce que bon vous avez eu un premier prix au conservatoire de Marseille L4: bon j' aurais bien aimé et j' ai eu surtout l' honneur de travailler avec un homme merveilleux qui s' appelait Joseph Rampal parce que c' est ce le fait que tous ces ces grands flûtistes soient venus était un hommage à Joseph Rampal c' était c' est évidemment ça la la le thème de la soirée vous parliez de thème tout à l' heure j' ai donc eu l' occasion de le rencontrer pendant attendez trois quatre ans je m' en souviens plus ouais à peu près c' était un homme d' une ponctualité extraordinaire et il nous parlait de son fils il parlait de Jean-Pierre parce que Jean-Pierre c' était la référence absolue c' était c' était le modèle parfait quoi et puis et en même temps le contact parisien parce que dès qu' on avait fini ses classes ici qu' on avait son prix on avait des contacts avec Paris c' était avec avec euh avec Jean-Pierre Rampal non pas au conservatoire mais chez lui c' est je me trompe pas voilà et et on parlait de Jean-Pierre et il nous racontait quelquefois certains certains de ses exploits parce qu' il étonnait même techniquement il racontait je me le suis rappelé tout à l' heure à LX: à exactement exactement Jean L4: les les les histoires de doigtés de on a des doigtés facilités quelquefois pour pour dans les trilles quelque chose comme ça et lui il les faisait en doigté réel et son père était absolument stupéfait il me disait mais comment fait-il voilà euh L1: alors donc euh une admiration de de père à fils L4: et une voilà et et aussi des exemples vous avez de petites anecdotes vous savez que nous a on n c' est on ne doit pas en principe je sais pas en principe mais avoir des aliments trop peu qui qui risquent de de rendre né-~ les astringents qui risquent d' atteindre si vous voulez la la souplesse des lèvres mais lui se moquait éperdument c' était un homme qui aimait la bonne chair Jean-Pierre Rampal et il mangeait les couscous les plus épicés ça n' avait absolument c' était une force de la nature et ça il nous en p-~ évidemment bon euh p~ pour lui c' était c' était la réussite absolue mais beaucoup ad-~ continuent à admirer Joseph Rampal L5: autant c' était une force de la nature L4: quelquefois sinon plus que Jean-Pierre dans au au sur le plan de la sonorité et son p-~ son fils évidemment n' en n' aurait été jamais pas jaloux sur le domaine de la pureté de la sonorité je veux dire qu' effectivement Jean-Pierre Rampal est sorti du conservatoire sorti entre guillemets du conservatoire de Marseille donc des mains de son père il est allé dans la classe de Gaston Crunel mais qu' a-t-il appris de plus que ce que son père le lu euh lui avait appris donc sa renommée sa réputation qui a démarré tout de suite pratiquement après la guerre avec notamment euh euh l' extension du dom-~ du du du répertoire baroque euh du contemporain aussi parce qu' il faut pas oublier qu' il est dédicataire de la sonate pour flûte de Poulenc c' est c' est elle il a écrit pour lui Poulenc l' a jouée pour lui et l' a jouée avec lui l' a crée avec lui je veux dire donc il y a des des enfin on pourrait parler des heures entières sur sur Rampal c' était la f-~ la flûte du Comte Rémusat et alors à ce moment-là effectivement ça participait de la légende L1: alors vous parliez de sonorités euh les médias se sont penchés à l' occasion de sa disparition sur sa flûte en or qui a priori a beaucoup frappé les auditeurs L4: euh de euh de Jean-Pierre Rampal on parlait de sa flûte en or parce que maintenant beaucoup de flûtistes en ont des flûtes en or pourquoi c' est même pas que la sonorité soit tellement supérieure d' après ce que je crois savoir mais c' est en raison de la qualité du travail c' est en raison de la qualité de la finition enfin ce qui du moins ce qui m' a été dit j' en ai jamais eu moi de flûte en or j' étais beaucoup plus modeste d' ailleurs je ne la méritais pas et et donc c' était c' était pour la qualité la finition du travail un peu comme les grands pianos de concert je ne vais pas citer de marque particulière mais on le sait très bien qui sont fabriqués dans des conditions extraordinaires de po-~ de polis p- dans l' eau etc avec une je veux ce serait pas L1: mal remarquez s' il y avait un piano en or massif je rechignerais pas personnellement moi alors euh donc hum L4: il faut avoir les cordes L1: oui donc euh Jean-Pierre Rampal personnalité rayonnante est-ce que vous avez le souvenir de concerts autres que ceux qu' on a évoqués euh L4: ben écoutez je vais vous faire une confidence je pense que Jean-Pierre Rampal d' après ce que j' ai lu et entendu parce que je l' ai lu sous sa plume et je l' ai entendu se plaignait un peu que Marseille le néglige L5: un peu enfin Saint-Victor ne l' a pas oublié L4: ce n' est pas vo-~ c' est c' est c' est se pose je me permets de le dire à quelqu' un qui évidemment ne l' a pas négligé c' est-à-dire vous mais il pensait et ça je pense que il avait peut-être un petit peu tort parce que il avait on l' a pas oublié il a joué souvent il a même je me souviens même qu' il avait joué avec Pierre Barbizet sur scène encore récem~ enfin il y a quelques années enfin avant la avant quatre-vingt-dix évidemment la date de la disparition de Pierre Barbizet ils avaient joué une transcription de La Sonate De Franck pour violon et piano sur la l' opéra L3: ouais L4: et il pensait qu' on ne quand il venait ici qu' on n' en parlait pas assez je peux vous assurer pour être même à ce moment-là impliqué depuis quelques décennies dans la dans la presse marseillaise sur le plan musical qu' on en parlait qu' on lui donnait tout le volume et j' ai même une photo absolument superbe de lui là au euh dans le Vallon des Auffes donc là je pense qu' il n-~ il ne devait pas lire sans doute suffisamment la presse marseillaise mais je pense qu' il était traité comme il convenait ce n' est pas un reproche que je fais vous vous en doutez devant un un immense L5: Alain Alain Marion m' a souvent dit la même chose vous avez été la première à m' inviter à Marseille et il se plaignait un petit peu que Marseille ne l' ait demandé pas suffisamment eh bien moi je vais me plaindre à l' inverse lorsqu' un un grand monsieur comme Jean-Pierre Rampal ou comme Alain Marion disparaît L1: hum hum L5: on dit un grand flûtiste international rarement on dit d' origine marseillaise voilà alors moi je pense que euh euh nous avons des des valeurs internationales issues de notre ville il faut savoir le dire dommage L1: oui oui L4: vous savez c' est c' est vrai mais Jean-Pierre Rampal ne se réclamait pas tellement de de du fait d' être de Marseille il s' en un peu s~ moi Jean-P~ Joseph Rampal lui je j' ai j' ai une bande vid-~ euh de sonore d' enregistrement chez moi non pas une bande vidéo parce qu' av-~ c' est l' enregistrement que j' avais fait au conservatoire de Paris avec Jean-Pierre Rampal son père et Maxence Larrieu pour une émission sur le conservatoire et j' ai la bande son et Joseph Rampal dit que sa vie à Marseille a été un enchantement LX: tu parlais tout à l' heure de ça L4: effectivement puisqu' il v-~ il il allait pêcher avec son ami son ami le le le le flût~ le le l' hauboîste hein qui était un grand pêcheur devant l' Eternel lui aussi et mais alors pas pas écrit de la même manière et donc il il il était resté ici il était ré-~ ici parce qu' il voulait continuer à rester dans sa ville Jean-Pierre Rampal est allé à Paris et il disait dans cette émission qu' il disait évidemment que beaucoup des euh et euh de de de de de Parisiens sont tous originaires de de de villes de f-~ fran-~ françaises y compris d' ailleurs Marseille mais lui se considérait quand même je je pense non pas comme Parisien dans le sens dans un sens restrictif du terme dans un sens si vous voulez que chapelle du terme mais parce que il il il il il avait quitté sa ville depuis fort longtemps alors je ne sais pas si c' est si vous vous voulez si euh si les re-~ euh les reproches qu' il a pu faire quelquefois à certains organisateurs de ne pas l' appeler suffisamment étaient véritablement fondés mais effectivement peut-être notre vous savez euh mh je mh c' est curieux mais quelquefois les plus grands qui viennent ici à Marseille parmi les les plus grands artistes n' ont pas toujours le succès euh qu' on pouvait souhaiter c' est escompter je me souviens d' Emile Guilles je cite souvent cet exemple jouant devant trois cent vingt-cinq ou trois cent trente entrées payantes ce qui nous avait rendus absolument rouges de honte quand on l' a vu entrer que lui-même a été stupéfait et Jean-Pierre Rampal et cette soirée Geneviève qui était une soirée extraordinaire qui aurait fait deux mille personnes au MET eh ou à ou à parce qu' il allait beaucoup aux États-Unis vous le savez où il avait où il avait toujours un succès fabuleux euh Jean-Pierre Rampal partout d' ailleurs dans le monde mais en particulier aux États-Unis il disait hein où il jouait notamment avec Claude Bolling des oeuvres qu' il oserait pas jouer ici parce que il n' y a pas de mauvaise musique il y a il y a il y a la bonne musique mais ici on a toujours un petit peu on est un petit peu resté sur des positions un peu un peu craintives dans ce domaine là alors oh chère amie c' est à moi que vous dites ça L5: quelquefois les gens disent je ne l' ai pas su c' est donc à la presse de le de faire savoir nous c' est de faire bien et à la presse de faire savoir L1: oui puis c' était aussi une époque où le festival peut-être de Saint-Victor mh continuait sa progression c' est vrai que maintenant on voit un festival qui a qui a beaucoup de public qui est repris d' ailleurs par des chaînes télévisées puisque le dernier concert des trois ténors a été filmé pour Mezzo et que ça va continuer donc euh L5: bien tout ceci c' est un travail de longue haleine vous savez le succès d' un festival comme le succès de n' importe quoi ça ne peut pas s' improviser en deux trois ans c' est un travail de longue haleine L4: euh je tiens je tiens à préciser je tiens à préciser que Jean-Pierre Rampal était venu en quatre-vingt-dix pour la mort de de Pierre Barbizet et il avait joué dans la le conservatoire il avait donn-~ il était venu pour jouer en hommage à son ami disparu en quatre-vingt-dix quand il est oui euh non non évidemment mais ce ce jour-là il avait il était venu spécialement spécial- non non non non non non non non ça il était dans dans une dans la salle de dans la salle de concerts L3: et ils sont plusieurs LX: exactement L5: oui je revois Jean-Pierre Rampal diriger dans la cour euh du conservatoire c' était peut-être à cette occasion non c' était pas ce jour-là ah d' accord L2: dans la salle de concerts hum L5: je le revois diriger dans la cour du conservatoire je me souviens L4: une fois peut-être ouais et parce qu' il avait fait aussi il avait dirigé il avait dirigé au Classique je me souviens il avait il est il est également il s-~ il s-~ essayait aussi à la baguette il a joué au Classique LX: hum hum L1: alors on a évoqué le rapport de Jean-Pierre Rampal avec la musique contemporaine on va le retrouver dans le final du concerto pour flûte de Khatchatourian alors c' est une histoire tout à fait particulière tout à l' heure on on évoquait Georges Gallician la dédicace à Jean-Pierre Rampal par Poulenc de sa sonate pour flûte et piano c' est quelque chose d' énorme et là c' est une histoire bien précise à savoir que Jean-Pierre Rampal a demandé au compositeur qui avait écrit un concerto pour violon d' en faire une transcription pour flûte et suivant le chemin inverse euh de celui qu' avait suivi Oïstrakh en son temps avec Prokofiev pour sa sonate pour flûte Oïstrakh lui avait demandé de faire une version pour violon c' est comme ça qu' on a des versions euh qui éclairent d' une manière différente les oeuvres qui sont peut-être pas conçues au départ pour l' instrument soliste qu' on va entendre mais qui prennent un charme un enchantement euh tout à fait savoureux eh bien voici donc le final de ce concerto pour flûte de Khatchatourian Jean-Pierre Rampal est ici en compagnie de l' orchestre euh national de l' O R T F dirigé par Jean Martinon L2: un instrument brillant un instrument soliste un instrument virtuose L1: on a réellement on a l' impression effectivement de dans cette période des années cinquante soixante que des instruments qui étaient des instruments de l' orchestre ont émergé sous l' impulsion de grandes personnalités on peut évoquer Cochereau pour l' orgue euh Maurice André pour la trompette L2: le public L5: on dit ça également de la harpe et de Lily Laskine et également euh ouais de la guitare et Alexandre Lagoya ce ce ce sont de grands solistes avec des dons exceptionnels qui ont mis à l' avant-scène des instruments qui peut-être n' y auraient pas été sans eux L4: c' est sans doute vrai mais je veux dire que la p-~ la la la flûte c' était quand même c' était quand même une tâche plus difficile Jean Jean Patéro L1: alors je crois que Jean Patéro a un témoignage pédagogique à nous livrer à ce sujet-là L6: je je pense que euh Jean-Pierre Rampal a apporté les l-~ la lettre les de noblesse de cet instrument finalement parce que lorsqu' on arrivait de Marseille euh moi je suis rentré chez Marcel Moyse bien sûr vous venez de Marseille vous avez pas travaillé vous avez pas pris de vous avez pas fait les sons filés ce matin non pas du tout je n' ai pas fait les sons filés vous jouez naturellement oui d' une façon jalouse n' est-ce pas et chaque fois il me disait la même histoire je me suis rendu compte que dès que j' ai eu mon prix bien sûr très rapidement euh j' ai j' ai été nommé au conservatoire de Troyes il y avait trois élèves au conservatoire depuis vingt-cinq trente ans parce que en principe les filles on ne les prenait pas et principalement à Marseille Rampal ne ne ne voulait pas de filles chez je parle de Joseph je parle pas de de Jean-Pierre et euh ce qu' il y a de curieux c' est que euh mon é~ mon mon épouse actuelle c' est-à-dire Jacqueline Delle-Piane a été la seule qui a été acceptée par lui LX: Joseph Rampal L6: et ce que je vais ajouter c' est que parce qu' il il fallait un neuvième flûtiste sans quoi il aurait été euh embêté sur le plan pécuniaire hum alors ce que je peux rajouter même mieux que ça c' est qu' en fait elle était la première soliste à l' orchestre moi j' étais le second flûtiste et au moment où je me suis permis Jean Patéro le s~ pauvre petit Patéro de d' assurer la partie de partie de soliste parce que Mad~ Mademoiselle Del-~ Delle-Piane d-~ n' était était arrivée en retard euh et qu' elle qu' elle avait peur de rentrer elle était elle était repartie euh il y a il y a eu il me dit Mons~ Monsieur Jean Patéro euh faites contentez-vous de faire votre partie hum L1: oui là on est on retrouve L4: une vous règlerez vos comptes après cher ami L5: un bel hommage de l' époux à l' épouse L4: oui oui tout à fait oui oui c' est je suppose qu' il y avait aussi de la courtoisie dans le fait de s' effacer là non non non un petit peu quand même un petit peu oui L1: alors ce répertoire pour flûte on parle effectivement de l' émergence de Jean-Pierre Rampal et il a couvert pratiquement tout le répertoire de cet instrument euh qu' est-ce que vous euh par exemple vous sélectionneriez comme enregistrement euh Jean Gallician L4: c' est t-~ vraiment très difficile parce que dans la pér-~ dans la dans le domaine baroque il a apporté à la à la au répertoire baroque une un éclairage une vision qui évidemment est fort e éloigné me semble-t-il de certains éclairages de certaines visions qui ont été e adoptés et et e proclamés comme étant les seuls e vrais par la suite lui s' est toujours opposé à ça parce qu' il faut pas oublier ça c' est une chose qu' il faut faut bien préciser c' est que Joseph Rampal puisque je moi je c' est avec lui que je travaillais et donc Jean-Pierre étaient des j' allais presque dire des fanatiques de la pureté instrumentale il fallait que ce soit d' une justesse absolue j' écoutais la fin tout à l' heure du euh de la sonate de Poulenc non non de la sonate de Poulenc LX: et je revois encore Joseph Rampal qui à ce moment-là quand on finissait une phrase comme ça levait les yeux vers le ciel concentrait toute la toute s-~ son s-~ son son a-~ son acuité auditive pour que vous ne diminuiez pas le son à ce moment-là pour que ça ne fléchisse pas et il fallait aller jusqu' au bout parce que sinon évidemment on aurait droit aux re~ aux des remarques jamais violentes mais à la remarque quand même donc c' était des fanatiques de la pureté instrumentale un comme l' autre de sorte que le répertoire était aussi fonction de ça et euh si il a il a donné du baroque son baroque n' était pas un baroque si j' ose dire adopté maintenant au j' allais presque dire traditionnel mais il il il a il y inf-~ il inf il infusait dans son a-~ 0 baroque une une qualité de son une qualité de jeu qui évidemment n' avait rien de comparable avec certaines interprétations qui sont données maintenant L1: alors justement je vous propose de retrouver Jean-Pierre Rampal dans de la musique baroque il s' agira d' un extrait de la sonate pour flûte et basse continue BWV 1034 et ce qui est intéressant c' est que dans cet enregistrement de dix-neuf cent soixante-quinze Jean-Pierre Rampal est bien sûr en compagnie de Robert Veyron-Lacroix au clavecin mais on trouve également à la viole de gambe Jordy Saval un des premiers enregistrements de Jordy Saval ce qui prouve qu' il avait quand même une connaissance de des évolutions d' interprétation et qu' il ne refusait pas euh cette nouvelle lecture telle qu' elle progressait sans refuser non plus le beau son et la euh et le cantabile à la flûte L4: très bien ça oui le beau son un certain phrasé un certaine respiration un certain bon tout ce qui fait le style L1: de eh bien on le retrouve tout de suite