L1: donc je vous disais que je j' ai actuellement quarante-trois ans je suis cadre infirmier je dirige cette maison de retraite ce qui est une volonté pure puisque j' aime beaucoup les personnes âgées et que je trouve un petit peu toute la profondeur de mon métier au sein des personnes âgées j' ai eu malheureusement dans ma vie plusieurs étapes difficiles qui m' ont permis de progresser à la fois dans mes valeurs et dans mes concepts et qui m' ont donné une certaine euh école de vie qui me permet actuellement d' avoir une autre une autre idée de ce qu' est de la vie une autre approche hein bon la première comme je vous le disais ça été malheureusement un un divorce en quatre-vingt-quinze après dix-huit ans de mariage ce divorce a été malheureusement suivi de la mort de mes parents à deux mois d' intervalle euh décès qui est survenu je dirais dans un contexte suite au divorce mes mes parents euh j' ai divorcé à l' âge de quarante ans mes parents ont vécu ça vraiment de façon très difficile et ça les a quelque part euh amenés tout doucement à un cheminement de fin de vie ça été vraiment la première grosse étape de ma vie parce que ils étaient jeunes ils avaient soixante-deux ans tous les deux et j' ai vécu ça vraiment seule à l' époque divorcée premièrement et fille unique donc j' ai supporté un peu le poids et je sortais juste d' un milieu pénitentiaire où j' avais fait trois ans d' exercice et là aussi je dirais que ça été une école de vie qui m' a permis euh bien souvent à savoir euh et à apprendre à me taire avant de juger parce que malheureusement on est parfois amené à porter beaucoup de jugements de valeur sans savoir où l' on va et ce qu' on fait et ces trois ans d' exercice en milieu pénitentiaire m' ont appris beaucoup ma vie n' a pas été faite que d' échecs bon en particulier j' ai deux enfants euh qui me permettent quand même de d' avoir euh un rebond suite à ce divorce j' ai rencontré quelqu' un qui je l' avouerais quelqu' un de charmant mais qui souffre d' une maladie de longue durée un diabète insulino-dépendant quand j' ai rencontré cette personne elle était je dirais renfermée sur elle-même puisqu' elle aussi divorcée bon ça malheureusement à l' époque actuelle c' est plus une tare non c' est malheureusement très fréquent par contre c' est quelqu' un qui souffrait de sa maladie pour la bonne raison que sa maladie n' avait pas été acceptée par sa famille donc mon ami a lui aussi euh quarante-quatre ans et quand je l' ai connu il cachait sa maladie comme une maladie honteuse alors c' est vrai que moi en tant que professionnelle de santé ça m' a beaucoup choquée de un qu' on puisse à tel point le rejeter parce qu' il était malade entre guillemets et de deux de voir un petit peu toutes les difficultés que ce rejet entraînait parce qu' en fait il se cachait de sa maladie ce qui l' entraînait à faire des fautes qui étaient néfastes pour son diabète donc j' ai cherché un petit peu à comprendre au niveau de la famille ce qu' il se passait parce que bon je ne comprenais pas pourquoi il n-~ il n' osait pas en parler je me suis rendue compte en fait que cette maladie du diabète est une maladie héréditaire et en fait toutes les personnes de la famille euh craignaient plus ou moins elles aussi d' être atteintes un jour ou l' autre du diabète alors la meilleure façon bien entendu de d' éviter le diabète c' était de ne pas en parler et de s' en cacher L2: hum hum L1: donc j' ai fait un long travail au niveau de la famille euh d' abord auprès de lui mon ami pour qu' il accepte de parler naturellement de son diabète il travaille c' est quelqu' un qui travaille quatorze heures par jour hein qui travaille lourdement difficilement il n' a jamais rencontré de problème dans son travail L2: hum hum L1: enfin il y a quand même quelque chose à signaler qui est important c' est que la médecine du travail lui a demandé de ne jamais parler de son diabète à son employeur donc ça c' est quand même quelque chose d' assez grave qu' il faut encore noter parce qu' on rentre en l' an deux mille quand même hein L2: oui oui L1: pour qu' il ne puisse pas être embêté parce qu' il euh il conduit toute la journée donc c' était le problème majeur et en faisant une approche et un travail avec lui euh j' ai réussi à lui faire comprendre que sa maladie était l' affaire de tous mais pas l' affaire uniquement de sa personne et j' ai réussi à faire un travail de longue haleine en lui faisant comprendre que s-~ son diabète il ne pouvait que mieux supporter que si la famille l' acceptait et que si tout le monde jouait un petit le jeu du diabétique donc ça je peux vous dire que ça été un travail qui a été difficile premièrement lui faire changer ses habitudes c' est-à-dire euh savoir dire aux gens bon ben telle chose je peux pas la manger parce que ce qui est stupéfiant quand même c' est que dans la famille tout le monde le savait tout le monde le savait et tout le monde voulait l' ignorer donc c' est quelque chose d' encore plus grave L2: hum L1: donc on faisait euh très facilement des écarts alimentaires en particulier le propre frère de mon ami est un sportif euh qui fait à peu près deux cent cinquante à trois cents kilomètres de vélo le dimanche mais ça ne le gênait pas de se présenter à un repas de famille à trois heures de l' après-midi donc tout le monde attendait que ce monsieur arrive pour prendre le repas mais euh tout le monde savait très bien que ça portait préjudice à mon ami mais personne ne disait rien c' est manger sa liberté un petit peu euh pour pouvoir évoluer donc à partir de là euh je dirais que j' ai réussi à faire un travail euh qui a été l-~ long important aidée du diabétologue quand même à l' époque qui était quelqu' un une dame formidable et qui qui a très bien compris de qu-~ qui avait très bien compris depuis des années ce qui se passait mais elle n' avait jamais pu réussir à rentrer en contact avec la famille pour faire comprendre que le diabète était déséquilibré à cause de ça alors premier gros travail faire comprendre à la famille que bon en se surveillant le diabète n' était pas une fatalité sûr que les complications ne sont pas luxuriantes mais en se protégeant et en ayant un diabète euh très équilibré on évite toutes ces complications et de deux faire admettre à mon ami que bon il fallait qu' il prenne des dispositions pour mieux se soigner alors en l' occurrence il avait jusqu' à présent refusé les deux piqûres alors qu' elles étaient importantes parce que pour lui faire sa piqûre le matin au lever c' était quelque chose de très protecteur parce que personne le voyait donc si il se déplaçait dans la journée il n' était pas amené à faire une autre piqûre donc à dire aux gens j' ai besoin de m' isoler pendant cinq six minutes euh euh pour faire une piqûre parce qu' il n' osait pas en parler L2: hum oui L1: donc euh rapidement avec la diabétologue nous sommes passés à deux injections son diabète s' est tout de suite mieux équilibré et à partir de là il a osé en parler avec la famille et c' est vrai que j' ai vu si vous voulez bon certaines personnes refusent encore hein cette maladie c' est clair en particulier son frère hein mais au niveau de ses s oncle et s tante et toutes les personnes qui sont le plus proche de lui on s' est un petit peu euh amené à plus le protéger à plus l' écouter et à faire attention à lui c' est-à-dire donner un tout petit peu de son temps et de sa vie pour lui permettre à lui de ne pas acquérir de s complication alors ça ça m' a paru quelque chose de de facétieux mais nous y sommes arrivés le premier combat que j' ai gagné c' est envers son petit garçon qui était âgé de douze ans et qui ne savait pas du tout que son père était diabétique ce qui fait que lorsque l' on partait en vacances eh ben il se cachait pour effectuer ses glycémies capillaires et pour effectuer ses injections donc j' ai fait un petit travail avec cet enfant NNAAMMEE qui s' était bien rendu compte de certaines choses mais qui n' avait posé aucune question jusqu' à présent alors c' est d' autant plus grave que ce petit garçon a lui aussi des prémices de diabète hein depuis des années que bon euh il a fallu un petit peu faire comprendre qu' il fallait qu' il ait une certaine éducation une certaine école de vie pour lui permettre justement de ne pas devenir de ne pas basculer dans le diabète NNAAMMEE a trois enfants sur ses trois enfants deux sont pré-diabétiques hein donc c' est quand même quelque chose d' important alors c' est vrai que ça paraît peut-être euh simple comme histoire mais c' est malgré tout une histoire qui me tient à coeur parce que je n' aurais pas pensé qu' on puisse ainsi par manque d' amour par manque de reconnaissance laisser une personne euh malade s' enfoncer dans sa maladie par non reconnaissance de celle-ci c' est vrai que ça me choque d' un point de vue soignant c' est une chose qui touche ma vie personnelle mais pour avoir travaillé en milieu hospitalier j' ai vu bien des personnes se laisser diminuer se laisser régresser et voire se laisser mourir parce qu' elles n' avaient pas de contact avec leur famille la chose la plus difficile que j' ai vue c' est en travaillant auprès de malades sidatiques parce que la plupart des malades sidatiques malheureusement étaient ou homosexuels ou comme vous le savez toxicomanes L2: hum hum L1: et la peur d' en parler à leur famille a été à long terme la peur de leur annoncer la maladie donc mourir seul alors ça je trouve ça très grave quand on n' ose pas parler peut-être qu' on n' a pas qu' on n' a pas euh la franchise d d' évoquer ses problèmes à sa famille mais je pense que la famille doit savoir aussi quelquefois savoir relancer la balle à quelqu' un qu' on sent en difficulté et pas vivre chacun dans son petit cocon dans son petit nombrilisme et puis continuer à vivre comme ça en voyant qu' il se passe plein de choses autour de nous en étant assez égoïste hein pour pas voir l' autre pour pas découvrir l' autre et quand on peut partager je pense que on est d' autant plus heureux c' est un petit peu l' école de vie que j' ai appris en pénitentiaire ça m' a é-~ permis de de comprendre certaines choses comme je vous l' ai dit tout à l' heure d' apprendre à me taire de ne plus porter de jugements de valeur encore que quelquefois ça m' arrive je n' en suis pas très fière mais quelquefois j' ai j' ai certains jugements de valeur mais je reviens toujours en arrière sur ce que j' ai vécu et ça me permet de dire que euh mettant à part ma mon éducation catholique hein qui est tout à fait personnelle je pense qu' on vit actuellement dans un monde égoïstes où chacun vit pour soi où chacun pense un petit peu à son propre plaisir à sa propre façon de d' évoluer dans la vie en s' imaginant que l' on peut vivre heureux sans penser à l' autre or je pense qu' on ne peut être heureux que quand on est aimé et on est aimé que quand on est heureux alors il faut savoir recevoir il faut savoir donner il faut savoir travailler sur tous les tableaux alors ça c' est un petit peu pour quoi j' aime la gériatrie parce que c' est le milieu où on se sent le mieux parce que les personnes âgées ont beaucoup de demandes beaucoup d' amour en attente mais ils savent tellement donner et quand on les écoute quand on les regarde il se passe plein de choses et croyez-moi il ne faut pas prendre un petit peu la personne âgée comme une personne en fin de vie il faut prendre la personne âgée comme une personne qui à une certaine étape de la vie étape que nous allons connaître nous aussi et la meilleure façon de comprendre ce qu' il se passe c' est de les aider dans leur cheminement et c' est ce qui permet à la personne d' avoir ma~ moins peur pour plus tard c' est vrai qu' on a tous peur de vieillir c' est pas facile de regarder une personne âgée en face vous avez fait l' expérience de deux personnes que vous avez vues en plus je dirais qu' on a facilement un un report un transfert on pense à sa grand-mère on pense à on pense à sa grand-mère on pense à son père L2: exactement L1: euh on pense à plein de choses on pense à des personnes qu' on a perdues on a un peu peur de l' avenir parce que c' est pas toujours facile de regarder une personne âgée en face mais quand on les écoute et qu' on le leur consacre un certain temps on se rend compte qu' ils ont tellement de choses à donner que ces choses vous permettent vous d' évoluer dans votre vieillissement sans avoir peur et ça c' est quelque chose d' important à mon avis L2: alors j' i-~ j' imagine que euh bon en travaillant par exemple dans ce dans ce milieu où ce sont des personnes âgées L1: oui L2: euh on L1: on pense à la mort oui L2: on y pense quand même je pense quand même à la mort hein de ces personnes et comment on peut faire comment vous arrivez à dépasser ce stade parce que ça vous touche ça vous touche forcément une personne part vous êtes touchée L1: à dépasser ce stade la peur de la mort tout à fait c' est vrai que l' adage qui dit qu' une soignante euh en vieillissant elle devient de plus en plus euh dure au mal c' est faux parce que je peux vous dire que plus je vieillis ça fait maintenant vingt-trois ans que j' exerce plus il m' est difficile d' accepter la mort et plus je vois partir un être cher difficilement ça fait partie de mon métier la mort donc il faut que je relativise ça comme étant le dernier acte la dernière chose que je vais offrir à la personne qui est là en train de mourir donc je l' accepte en tant que tel parce que c' est pas parce que la personne est morte que je n' ai plus de service à lui rendre j' ai un dernier service à lui rendre c' est l' ensevelir et l' aider à passer le pas ça peut être aussi tout simplement à l' aider à franchir euh le pas dans les dans ce qui est le travail de deuil alors bon le travail de deuil je vais pas l' aborder ici parce que je sais pas si vous savez ce que c' est mais il y a quand même cinq étapes difficiles à franchir dans le travail de deuil euh le dernier étant l' acceptation et l' acceptation c' est ce qui permet à la personne de passer le cap plus facilement qu' elle soit je dirais dévote ou qu' elle ne le soit pas chaque personne à un travail de deuil à faire l' important pour moi euh quand une personne est en fin de vie c' est de savoir lui dire au revoir c' est-à-dire d' accepter le fait qu' elle n~ qu' elle nous quitte quand on accepte qu' une personne euh vous quitte vous savez lui dire au revoir quand vous savez lui dire au revoir tout se passe très bien le difficile dans le travail de deuil c' est de ne pas savoir dire au revoir à une personne et de perdre un moment important qui vous oblige pendant tout le reste de votre vie à vous dire est-ce que j' ai pensé à lui dire que je l' aimais est-ce que j' ai pensé à lui dire que c' était quelqu' un d' important quand vous êtes capable de le faire à un moment donné quand la personne est en train de mourir c' est ce que j' ai fait avec mes parents le deuil est là monsieur vous souffrez toujours de l' absence mais vous savez que vous n' avez pas perdu les derniers moments et que vous avez pris le temps de dire au revoir à la personne et surtout que vous l' avez laissée partir en paix parce qu' elle sait que vous avez accepté qu' elle s' en aille alors la peur de la mort je peux pas dire que j' ai peur de la mort non par contre j' ai peur de souffrir la mort j' en ai pas peur parce que j' ai l' impression si vous voulez euh par l' éducation que j' ai reçue que bon euh pour parler un peu crûment et je dirais euh le plus simplement possible je pense que tout le monde est bien là-haut parce que personne ne redescend c' est un petit peu ma protection que j' ai puisque personne ne revient je pense que on doit y être bien L2: bon L1: non j' ai cette éducation catho qui me fait croire en l' au-delà par contre j' ai peur de souffrir et la soignante que je suis euh à d' autant plus peur qu' une autre personne parce qu' on relativise l-~ les choses et on connaît les choses on sait ce qui va se passer ce qui fait que dans mon dans mon tempérament de soignante je je sais je suis quelqu' un qui qui veut éviter la souffrance qu' elle soit morale ou qu' elle soit psychique ou qu' elle soit physique et c' est vrai que je pense que on est à une époque actuelle où on peut éviter à une personne de souffrir L2: donc L1: c' est donc peur de la mort non peur de souffrir oui L2: et c' est ce que vous essayez ou vous avez essayé de faire avec votre ami tout à fait toujours d' essayer la souf~ d' éviter la souffrance L1: parce qu' il était en pleine souffrance morale et qu' on on dérivait petit à petit vers une souffrance physique parce que son diabète était tout à fait déséquilibré qu' il commençait malheureusement à avoir certaines c-~ complications qui pouvaient être graves à l' avenir mais ça été un travail un petit peu comme je vous l' ai dit de longue haleine mais qui m' a renforcée un petit peu dans dans dans ce que je pense par rapport à à mes concepts et à mes valeurs bon c' est vrai que le le principal de mes concepts est le respect et ça c' est quelque chose euh contre laquelle je n' arrive pas à déroger nonobstant il y a rien à faire il faut que je j' ai ce respect même si je suis face à une personne euh qui qui me pose problème qui est pas respectueux je vais s~ toujours essayer de ramener euh sur le respect et puis le premier respect que j' ai la première euh cause de remerciements que je peux évoquer c' est envers mes parents parce que je suis une fille d' ouvriers vraiment une fille d' ouvriers et que mes parents se sont battus pour que j' obtienne euh mon baccalauréat dans des conditions très difficiles puis mon diplôme d' infirmière et après mon école de cadre ça été vraiment pour eux un sacrifice et ça je pense que c' est quelque chose que je peux pas oublier et qui qui reste un petit peu dans dans toute mon dans toute ma vie qu' elle soit euh intime ou qu' elle soit professionnelle c' est ce respect c' est vraiment quelque chose d' important parce que je pense que sans respect comme sans amour on n' évolue pas dans la vie c' est pas possible on peut pas être marginal de la vie de la société d de son voisin sans qu' un jour quelque part ça nous retombe un petit peu euh sur nous et que ça nous complique un peu la vie L2: donc c' est une reconnaissance que vous avez envers le envers les autres L1: ah oui tout à fait L2: tout à fait et que vous espérez avoir peut-être L1: ben de toute façon si je donne c' est parce que euh j' espère beaucoup recevoir et que je ne je suis une soignante donc ma vie est basée sur le contact L2: hum L1: donc automatiquement euh il y a des jours où je suis vraiment pas en forme comme tout le monde mais quand je suis pas en forme et quand je suis agressive parce que ça m' arrive d' être agressive parce que il y a des moments où ça se passe pas bien ou parce qu' il y a des moments c' est le jour de l' anniversaire de la mort de ma mère ou parce que j' ai un enfant malade ou bon euh si je suis agressive je vais je vais essayer toujours de revenir m' excuser en m' expliquant plus ou moins avec ce que je peux dire bon je suis dans une mauvaise période euh je suis pas bien je sais très bien que j' ai pas été comme il fallait je vous prie de m' excuser je pense que c' est pas difficile de venir euh auprès de quelqu' un et de s' en excuser en disant même quelquefois avec les personnes âgées quelquefois euh je suis je suis vraiment débordée de travail et elles me demandent cinq minutes bon j' ai maintenant à quarante-trois ans je veux dire j' arrête hein si elles ont envie de me parler ben tant pis je pose là le dossier j' attends cinq minutes de toute façon si elle a envie de me parler je peux faire ce que je veux mais elle obtiendra de me parler donc autant que j' arrête tout tout de suite et que je lui parle et que je lui consacre cinq minutes je pense que j' ai gagné pas mal de temps pour plus tard parce que si je lui accorde pas les cinq minutes maintenant elle va revenir plusieurs fois dans la journée donc automatiquement je perdrai beaucoup plus de temps à pas l' écouter qu' à l' écouter pendant cinq minutes et ça c' est quelque chose que j' ai appris je dirais au cours de mes années de profession parce qu' au départ quand on est jeune eh ben on est un petit peu euh on est un petit pétant on est un petit peu impulsif L2: hum L1: et puis l' école de vie c' est ce que je vous disais tout à l' heure vous apprend que bon il y a certaines à choses à à respecter certaines choses à ne pas dépasser non plus hein il faut savoir euh euh protéger la bulle des autres vous savez le fameux triangle de substantation il faut savoir le protéger moi j' aime pas qu' on touche au mien donc euh ben je ne vais pas toucher non plus à celui des autres pourtant je peux vous dire que je je sais énormément de choses sur la vie privée des résidents ou parfois sur la vie privée du personnel parce que bon je suis la plaque tournante et euh je dois savoir tout écouter à la fois aussi un petit peu assistante sociale mais euh je je ne dérogerai pas ce qu' on m' a dit si on m' en a demandé le si on m' en a demandé le secret et ça ça fait aussi partie de d' une certaine école de vie oh vous savez c' est pas quelque chose qu' on vous apprend à l' école hein monsieur non c' est quelque chose qu' on vous apprend dans la vie de tous les jours mais pour avoir été je dirais moi-même éprouvée dans ma vie personnelle lors de mon divorce où tout un chacun s' est mêlé de cette histoire euh en essayant ou de me donner des conseils ou de donner des conseils à à mon ex-mari qui pour tout vous avouer un homosexuel bon je ne pense pas qu' il y avait de conseil à donner ni à l' un ni à l' autre la vie il fallait qu' elle se fasse il était comme ça il était comme ça je ne pouvais rien changer il passait le cap de la quarantaine il fallait l' accepter moi je l' ai accepté dans mon entourage on l' a pas forcément accepté et je regrette que les gens s' en soient mêlés parce que je peux vous dire qu' après euh maintenant quatre ans de divorce on est vraiment resté de grands amis et pour les enfants ça se passe très bien et c' est le principal dans cette affaire donc là aussi je vous dis c' est une école de vie qui m' a permis euh bien souvent de de respirer un grand coup et de repartir il y a f~ forcément des moments difficiles c' est clair mais la chose la plus importante c' est que moi j' ai rééquilibré ma vie que mes enfants se trouvent tout à fait bien équilibrés malgré la situation de leur papa et que je m' éclate dans mon travail donc je pense que à partir de là bon je pense que vous voyez un petit peu comment ça se passe dans cette résidence vous voyez que ça se passe plus ou moins bien je pense que euh je suis arrivée à un moment où j' ai envie de poser mes valises et où j' ai envie d' être tranquille et de pouvoir un petit peu profiter à la fois de mon travail de ce métier que j' ai choisi vraiment volontairement et de vivre un petit peu paisiblement pour que ça se passe bien pour le reste du temps qui va s' écouler qui je l' espère sera le plus long possible si Dieu le veut L2: très bien une dernière question L1: je vous en prie L2: euh dans dans votre donc dans votre vie il y a un moment donc hormis le divorce hormis euh les retrouvailles et puis euh les également euh faire accepter à cette personne euh L1: les deuils L2: euh sa maladie est-ce qu' il y a quelque chose également qui vous L1: a hum hum L2: qui vous a pas forcément personnelle mais qui vous a euh vraiment émue qui vous L1: a oui qui m' a émue L2: révoltée qui vous a vraiment qui vous a fait réagir non pourquoi malheureusement L1: oh je me souviens de euh malheureusement ça fait encore partie de de ma profession mais ça va toujours être ça euh bon parce que c' est vrai que c' est toujours la soignante qui va parler je me souviens d' une situation très ridicule que j' ai vécue dans ma vie professionnelle je me souviens d' un enfant de sept ans euh qui est mort sur mes genoux d' un cancer des reins alors que j' étais euh à deux jours d' accoucher de mon premier enfant et je me souviens que j' ai vécu ça comme un traumatisme en me disant que quelque part euh j' étais une bonne à rien et que mes cinq années euh de d' études après le bac ne me permettaient pas de pouvoir aider cet enfant à continuer à vivre et c' est vrai que sa tête posée sur mon gros ventre c' est un souvenir que je n' oublierai jamais jamais et cet enfant a choisi le moment où sa mère s' est absentée trente minutes pour aller prendre une douche à l' extérieur pour mourir pour que sa mère ne souffre pas et quand sa mère est revenue tout était fait et là c' est vraiment une situation ridicule où j' ai é~ essayé de me remettre en question et où forte de mes valeurs et de mes concepts je me suis dit ben oui c' est un échec mais l' échec fait partie aussi de ta profession et si tu es pas capable d' accepter l' échec que tu ne veux que des félicitations et que des des louanges c' est pas la peine de continuer il vaut mieux que tu t' arrêtes là hein alors la vie c' est aussi fait d' échecs et ça c' est quelque chose qui m' a marquée mais il y a des au-~ des autres réussites dans la vie euh pour tout vous dire comment je fais pour euh pour rester sereine pour euh pas péter un plomb eh ben je vais vous dire je fais de la moto ma passion c' est la moto et il y a rien de tel que de mettre ses bottes L2: oui L1: son casque et de son blouson et d' aller euh sur sa moto euh faire quelques kilomètres euh se faire bien décoiffée et à partir de là on revient plus disponible mais moi j' ai trouvé un moyen et mon moyen c' est la moto alors c' est vrai que quand vous me voyez dans mon petit tailleur euh avec mes petites chaussures à talon ça vous paraît certainement euh difficile à évoquer mais croyez-moi mes agents ont pris l' habitude euh mes personnes âgées aussi vous voyez que je dis mes personnes âgées les personnes âgées aussi L2: ah je L1: euh ils voient sortir la moto ils voient madame avec le casque ils savent qu' elle est partie décompresser qu' elle revient euh certainement mieux que quand elle repart parce que elle a elle a tout relâché d' un seul coup L2: c' est un exutoire L1: c' est ah tout à fait tout à fait c' est un exutoire comme vous dites qui est qui est important et bon euh comme euh comme mon mon cocooning est important L2: c' est nécessaire L1: donc c' est vraiment euh c' est le c' est un des moyens bon c' est sûr que j' aime faire du sport j' aime faire du footing euh j' aime j' aime marcher euh mais ce qui me permet vraiment de décompresser complètement et d' oublier tout autour de moi pour revenir en forme c' est ça c' est la moto c' est vraiment un truc euh une passion et comme c' est un n~ une passion aussi que euh qui est propre aussi à mon ami eh ben on a passé euh là à quarante ans tous les deux le permis et je dirais que c' est un vieux fantasme que j' ai euh mis à jour et que j' ai réalisé à quarante ans comme quoi la quarantaine on dit toujours que c' est un cap dans la vie non il est très bien passé puisque j' ai eu mon permis j' ai eu ma moto donc vous voyez quelque chose de bien je sais pas si il y a une question à laquelle je peux encore répondre L2: très bien je n' en vois plus vous avez très très bien parlé L1: ben L2: c' était émouvant euh ça rend euh ça prend puis on voit une une j' ai en face L1: de ah il y a des choses difficiles dans ma vie professionnelle mais bon euh une certaine émotion L2: moi une personne dévote L1: hein je suis quelqu' un de limbique hein ça c' est clair euh je peux pas empêcher d' abord je suis une femme donc euh je peux je peux pas être une cartésienne je suis une limbique mais c' est quelque chose qui parfois euh me joue des tours dans ma dans ma profession parce que bon c' est vrai que étant limbique les gens savent un petit peu utiliser mon côté humain et il faut que je me trouve comme vous dites un exutoire et l' exutoire ben c' est la moto c' est voilà L2: la grosse moto L1: la grosse moto oui c' est une sept cent cinquante c' est une grosse oui mais bon disons que c' est un moyen c' est vrai que euh je suis partie huit jours euh ave~ avec mon ami quand les enfants avaient bon ses enfants en études supérieures bon on est parti huit jours dans le Jura euh je me suis on s' est éclaté je suis revenue gonflée à bloc et en fait euh mon pôle c' est de me dire bon dans combien L2: de temps hum hum L1: je vais repartir et c' est ce qui me permet le matin quand je me lève c' est vrai quand je me lève je me suis jamais dit qu- oh là là quelle quelle corvée faut que j' aille au boulot déjà ça m' est jamais arrivé mais c' est vrai que quand je sors le matin de mon appartement je sais qu' il faut que je fasse abstraction de je vis là hein je vis sur place faut que je fasse abstraction de de tout ce qui est derrière moi il faut que j' avance et dès que j' ouvre la porte je me trouve en contact avec les personnes âgées L2: hum hum L1: et il faut que je sois assez forte pour euh pour savoir sourire pour savoir écouter pour savoir les aider il il me viendrait pas à l' idée d' arriver euh ben avec une mine déconfit parce que je pense que c' est pas c' est pas le but de la professionnelle de santé et même si c' est difficile bon euh ben il faut que je ch-~ j' y arrive à le dire il faut que ben il faut que j' arrive à dire ben aujourd' hui je suis vraiment pas en forme j' ai des soucis parce qu' ils sont tout à fait capables de l' entendre et ils sont contents de voir que il y a d~ des gens aussi qui ont des soucis comme eux faut savoir partager les choses hein ça je l' ai appris j' espère que j' en apprendrai encore beaucoup monsieur parce que des gens comme monsieur NNAAMMEE et monsieur NNAAMMEE madame NNAAMMEE sont des gens qui vous apprennent plein de choses parce que quand vous écoutez je sais pas si ils vont parler ils vous ont parlé de leur vie mais euh c' est une hécatombe hein pour tous les deux c' est euh c' est plein pot de s souffrance L2: oh ben oui oh oui si hum oui c' est c' est vrai que c' est c' est du passé mais ça reste euh très présent L1: oui ah ça reste euh très très présent bon euh L2: c' est c' est paradoxal mais c' est c' est ça L1: qui est tout à fait et ce qui est ce qui est important de voir monsieur NNAAMMEE c' est quand on connaît un petit peu sa vie quand on connaît ses deuils voir une personne qui est riche de tant d' espoir et de tant de euh je dirais de qualités de vie c' est quand même impressionnant parce que quand je parle à monsieur NNAAMMEE il me dit oh là là j' ai encore eu des mauvaises nouvelles aujourd' hui madame NNAAMMEE puis bon il me il me dit oh j' ai voilà ce qui se passe encore avec mon fils avec ma belle-fille bon ça fait rien de toute façon je suis là il faut avoir le moral et puis il y a pas de raison bon bon c' est vrai que c' est quelqu' un de très dévot aussi hein donc euh il trouve il trouve sa source et sa l-~ sa l-~ sa lumière dans dans la foi qu' il a bon il sait que quelque part je la partage un peu cette foi et bon euh au bout je me je me dis euh pourquoi je vais me plaindre moi quand je vois quelqu' un de cet âge-là L2: oui exactement il a vi-~ voilà oui ça l' aide beaucoup L1: euh qui qui a tant d' espoir et tant de richesse à donner j' ai j' ai pas le droit ça aussi c' est une école hein je dirais de se trouver face à des gens qu qui en ont pris je dirais si vous permettez l' expression vulgaire plein la figure pendant des années qui sont capables de de vous donner de l' espoir L2: oui oui L1: vous soufflez un grand coup vous dites oui j' ai pas le droit de me plaindre là il faut il faut que je sois plus forte que ça ah c' est une école de vie qui est formidable L2: c' est vrai que ça L1: vous la trouvez que là hein au sein des personnes âgées en gériatrie hein il y a qu' à ce niveau-là que vous trouvez cette cette force ben évidemment vous avez des gens qui baissent les bras mais quand vous avez quelqu' un comme monsieur NNAAMMEE comme madame NNAAMMEE qui sont capables de vous redonner l' espoir vous vous êtes capable de le faire passer à quelqu' un d' autre c' est ce que je vous dis le partage tandis que si chacun reste que dans son petit coin à se plaindre on n' évolue pas on n' évolue L2: pas c' est parfait L1: voilà