MAR: alors j' étais très embarrassée hein pour euh donner un titre exact alors finalement ben j' ai j' avais donné comme titre le rapport des vieux à leur vieillesse hein et puis en préparant euh j' ai précisé ceci le rapport des vieux à leur vieillesse et le désir indestructible bon et puis je préciserai peut-être chemin faisant enfin oui sûrement je vais le préciser que c' est quand même c-~ ce désir qui sous certaines conditions peut nous ouvrir à autrui que ce soit des gens de l' aire privée la famille comme on dit hein ou que ce soit l' étranger dans son sens très large alors ben la vieillesse bon on va en parler toute la journée hein c' est un temps de la vie mais ce qui m' intéresse bien sûr hein vous savez que je parle en me référant à Freud l-~ la vieillesse c' est quoi pour le sujet vivant je citerai Malraux parce que je crois que c' est très concis et très précis quand il dit que toute vieillesse est un aveu un aveu alors toute la question c' est qui s' avoue et qui avoue quoi bon nous constatons euh que nous vieillissons pas tous de la même manière hein alors qui avoue quoi ben celui qui s' avoue c' est le sujet que nous sommes et le sujet défini non pas par rapport à la philosophie mais par rapport à la théorie psychanalytique et qui sommes-nous ben je sais pas trop hein nous ne sommes pas toujours ce que nous croyons et nous ne savons pas toujours très bien qui nous sommes et dans notre différence en dépit à travers notre différence il y a quand même quelque chose comme ça qui vient se répéter et donc on est bien renvoyé quand même à une question théorique au premier chef que je vais aborder juste pour qu' il y ait pas trop de malentendu entre nous hein quel est donc ce sujet de la psychanalyse qui s' avoue en d' autres termes le vieillard de la psychanalyse ben le sujet de la psychanalyse bon hein grosso modo permettez-moi de rappeler comme ça des choses un peu banales hein eh bien c' est c' est d' abord un sujet parlant hein on n' est pas des machines on est un sujet parlant c' est Pierre Legendre qui définissait l' humain d' une façon qui me paraît très simple et très parlante quand il dit l' humain c' est de la vie qui parle et ce sujet parlant ben bien sûr il a un corps et il est pris dans un héritage génétique mais il a aussi un esprit alors je suis dans mes petits souliers là en théologie hein l' âme l' esprit mais enfin si vous permettez c' est des c' est des notions dont je me sers quelquefois quand je parle du sujet humain j' y reviendrai tout à l' heure mais dans notre esprit ben écoutez qu' est-ce que nous sommes nous sommes ce que nous sommes devenus à travers aussi tout ce qui nous a été dit raconté tout ce que nous avons entendu qui nous a marqué je dirais tout ce qui nous a parlé parce qu' on peut entendre un tas de choses mais tout ne nous parle pas de la même manière et ce qui se structure chez cet humain-là à l' intérieur de son esprit ou de son âme en fait Freud quand il parlait du psychisme il disait l' âme puisqu' il faut quand même pas oublier que ce qui a été traduit en français par appareil psychique c' était seele apparat c' est hein c' est quand même tout à fait intéressant à ra-~ rappeler en passant eh bien là-dedans il y a effectivement quelque chose qui est structuré le sujet de l' inconscient est héritier de tout un ensemble d' éléments symboliques qui ont été véhiculés à travers ceux qui l' ont institué alors élever qu' un enfant est-ce instituer un enfant j' y reviendrai peut-être tout à l' heure hein mais tous ceux qui l' ont élevé nous sommes pris dans ce double héritage à la fois génétique et symbolique qui fait que euh il y a des choses étonnantes concernant par exemple ce corps qui parle quelquefois travers des symptômes et cette outrecuidance freudienne qui n' a pas seulement mis en oeuvre ce que lui avaient enseigné ses maîtres que le symptôme dans la maladie a des causes mais qui comme ça s' est permis de dire que la maladie avait aussi un sens un sens pour le sujet ce qui fait effectivement que le savoir du médecin est souvent mis en échec par ce sens que la maladie a pour le sujet à son insu bon alors ce sujet parlant puisque je viens de parler de l' insu moi-même euh je voudrais souligner mais je pense que vous l' aurez entendu c' est avant tout un sujet divisé il y a la surface sociale hein notre statut social nos fonctions le rôle que nous jouons et puis il y a le sujet de l' inconscient parce que à statut égal et fonction égale on joue pas son rôle de la même manière et si le rôle bien sûr c' est comme le personnage de théâtre qui joue et qui s' avance masqué derrière le masque il y a un sujet et c' est ce sujet de l' inconscient structuré je pense que c' est celui-là qui s' avoue qui se construit en début de vie et qui s' avoue en fin de vie alors qu' est-ce que je raconte quand je dis ça eh bien je raconte quelque chose d' assez précis hein du point de vue théorique à savoir longtemps ça été une observation courante tout le monde a dit ben c' est marrant les vieux ils retombent vraiment enfance hein et on disait ça parce qu' effectivement comment nommer autrement ce qui se défait et ces conduites chez un sujet qu' on connaissait autrement pendant toute sa vie et qui tout d' un coup là elle est plus ce qu' elle était il n' est plus ce qu' il était lui qui était si économe voilà que il dépense ses sous avec une danseuse enfin bon la danseuse c' est entre guillemets hein ça peut être n' importe quoi c' est pas forcément quelqu' un qui danse mais c' est sûrement quelqu' un qui me fait marcher enfin bon alors au fond euh ce qui moi m' est apparu quand j' ai commencé enfin ça je l' ai déjà raconté mais je le répète ici parce que euh euh il y a des gens avec qui j' ai travaillé d' autres pas enfin et qui sont présents en fait euh ce n' est pas que nous retombions en enfance mais en référence à la théorie de Freud et ce que je viens de dire du sujet du point de vue théorique on peut très bien argumenter que le fin de vie la les fins de vie c' est le retour du refoulé le retour de ce qui s' est inscrit à l' orée des jours et ce qui s' inscrit dans cet appareil psy~ psychique cette âme alors âme esprit je soulignerai là juste un petit détail en me rappelant le poème de Lafontaine Comment l' esprit vient aux filles que vous connaissez sûrement avec son côté coquin mais effectivement l' esprit vient aux filles dans la rencontre entre certains événements et quelque chose du désir qui fonctionne en elles alors donc le retour du refoulé le retour de ce qui s' est inscrit nous le constatons assez couramment parce que ce retour du refoulé se manifeste à travers ces conduites étranges inconnues et inhabituelles ces conduites étranges qui effectivement nous amènent à rencontrer chez les vieux un autre on reconnaît certains traits mais qu' on ne connaît pas vraiment cet enfant qu' il était qui fait retour et qui s' avoue à lui-même et à autrui et celui qui s' avoue ne plaît pas toujours ni à lui-même ni à autrui enfin nous le savons bien qu' il y a des vieux qui ne se supportent pas vieux que la rencontre avec cet autre là qui fait retour est quelque chose d' insupportable bon alors je soulignerai encore quelque chose c' est-à-dire que la vieillesse aussi bien sûr c' est le temps des pertes sur le plan biologique certes puisque les fonctions s' amen-~ enfin oui les fonctions se délabrent ben alors on fait on lutte hein tant qu' on peut encore batifoler je dis toujours hein comme je le fais d' ailleurs moi-même ça va on s' en aperçoit pas trop mais enfin il y a quand même quelque chose là qui s' annonce et puis ces fonctions qui s' amenuisent le rapport à ces pertes n' est pas supporté de la même manière par tout le monde si le sujet n' a rien en échange de ce qu' il perd et souvent chez les vieux ce sont des pertes sèches et c' est vrai que ce qu' ils peuvent avoir en échange et ce que nous pouvons avoir en échange eh ben ça ça dépend aussi de ce qui nous habite et puis sur le plan du sujet social il y a des pertes hein il y a des statuts euh qu' on perd il y a des fonctions qu' on peut plus assumer on est contraint à des changements de rôle à travers toutes ces pertes et c' est vrai que c' est pas évident d' y arriver car comment assumer ces pertes eh bien je cr~ pense je pense oui c' est une hypothèse enfin qui me paraît maintenant comme ça au bout quand même d' un certain nombre d' années de travail dans ce domaine c' est une hypothèse que je crois qu' on peut avancer eh ben ces pertes qui sont autant de deuils le deuil c' est la mort de l' objet hein c' est c' est c' est le pas seulement y renoncer hein comme diraient les moralistes mais vraiment s' en détacher s' en défaire pour récupérer du désir qu' on peut investir dans autre chose mais dans quoi est-ce qu' on va l' investir et ces pertes alors effectivement euh je crois que chacun les accomplit à l' instar des pertes de la petite enfance l' enfant aussi a perdu hein bon je vais pas vous réciter toute la psychanalyse ça on connaît hein les premières pertes le premier objet est-ce le placenta le sein ou que sais-je enfin tous ces sacro-sacrifices accomplis pour pouvoir prendre place et rang dans l' espèce à laquelle nous appartenons et à l' étage supérieur enfin au-dessus à un autre niveau à la culture à laquelle nous appartenons seulement l' enfant qui perd gagne et les vieux qu' est-ce qu' ils les vieux que gagnent-ils bon alors évidemment du côté de Freud cette question est quand même extrêmement importante car le deuil qui permet de récupérer du désir pour l' investir dans d' autres objets comment ça se passe pour les uns et pour les autres et sur quoi ça bute en dernier ressort donc l' interrogation de la psychanalyse c' est une interrogation du désir et comme vous le savez bien sûr la psychanalyse ben c' est une théorie c' est une théorie du désir hein alors une théorie du désir et une théorie du lien objectal je précise l' objet ben d' une façon générale dans la théorie psychanalytique c' est tout ce qui ouvre le sujet à autre chose que lui-même à autre chose que lui-même et chez les humains ce lien objectal qui se fait jour au niveau de l' inconscient lorsque les premières perceptions les premiers affects les premières émotions c'-~ c' est au niveau de l' inconscient que ça se passe et c ' est là où ça s' inscrit et ça fait effet alors au niveau du sujet social mais ça c' est comme ça que l' humain découvre l' altérité et cet objet-là est-ce que c' est un ami un ennemi plus tard les philosophes et Levinas en particulier il résume ça parfaitement bien il dit l' autre est toujours une énigme une énigme alors je voudrais rappeler un texte de Freud quand il parle comme ça de cette genèse du lien objectal un très vieux texte de dix-huit cent quatre-vingt-quinze qui a été perdu pendant des années retrouvé retraduit un peu toiletté par la fille de Freud qui s' appelle Esquisse Pour Une Psychologie Scientifique et qui n' a paru en France qu' en mille neuf cent cinquante faut quand même pas oublier que ce texte a été perdu pendant plus d' un demi-siècle ce qui est quand même assez frappant et là il dit quelque chose de tout à fait je trouve de tout à fait important en tous cas pour les questions qui me travaillent et que je travaille donc hein quand il dit faisons l' hypothèse qu' est-ce qui se passe au début de la vie comme ça faisons l' hypothèse que ce petit humain qu' est-ce qu' il perçoit autour de lui et il dit des masses mouvantes des masses mouvantes et dans ces masses mouvantes petit à petit il y a un truc un machin une chose qui se détache en allemand ça va il y a un mot en français il y a que le mot chose truc ou machin en allemand il y a Ding ein Ding alors je pourrais raconter un tas de trucs sur le Ding mais enfin je vais pas vous le raconter hein je vais vous en faire grâce il faut quand même que j' avance hein euh dans ce que j' essaye de proposer hein aujourd' hui alors ce Ding eh ben peu à peu il devient ein Sache comme on dit en allemand c' est-à-dire il y a la masse mouvante la chose et petit à petit l' objet cet objet qui va qui vient qui est présent et quand il est présent il y a quelque chose de bon qui se passe c' est quelque chose comme ça qui ben c-~ c-~ c' est de la bonne heure et quand il s' en va hein eh ben on est un peu perdu et on l' appelle alors les gens disent les parents l' entour~ l' entour~ mais qu' est ce qu' il a crier comme ça faut le laisser hein ça lui fait les poumons hein hein mais il vient de manger il a besoin de rien eh ben non il a besoin de rien et là c' est ça cette chose spécifiquement humaine qui se met en place si le besoin peut être satisfait il y a autre chose qui n' est jamais satisfait chez les humains c' est la demande du retour de la bonne heure car quand le bon objet n' est pas là Melanie Klein a théorisé ça après hein en appelant ça disant parlant du clivage de l' objet bon objet bon quand il est là mauvais quand il est pas là mais l' absence de l' objet c' est la mal heure c' est la mal heure alors qu' est-ce qu' il fait le môme ben il fait comme comme on fait de plus en plus en fin de vie quand l' objet est absent et quand il y en a même qui reviendront jamais on y pense on l' évoque dans les souvenirs l' enfant peut halluciner le bébé ben écoutez les vieux aussi et finalement c' est une manière de faire revenir ce qui est absent de manière qu' on ne soit pas perdu car quand on est perdu c' est pire que tout et c' est là où Freud dans ce texte utilise un mot difficile à traduire en français on l' a traduit par détresse mais je vais vous le dire en allemand parce qu' il est infiniment parlant die Hilflosigkeit l' impossibilité de se venir en aide à soi-même la détresse quand même mais avec cette espèce de connotation en allemand ben oui on est perdu il y a plus rien à faire alors évidemment tout ça bon c' est pas dans nos souvenirs conscients hein évidemment mais j' insiste là-dessus parce que je pense que c' est là où quelque chose de très important se joue en fin de vie et fait retour en fin de vie de façon ineffable sauf que ça se dit à travers des plaintes de solitude d' isolement il se passe plus jamais rien c' est plus jamais drôle aller voir les autres ben tant qu' on est chez soi et qu' on peut les recevoir chez soi il y a quelque chose qui se répète hein ou quelque chose qui d-~ d-~ d' un passé qui fut c' est vrai très souvent que dans les maisons où effectivement on peut pas faire autrement hein dans les maisons où les vieux se retrouvent là dans leur coin aller parmi les autres bof ils sont tous bêtes et méchants enfin c' est ce que disait ma mère d' ailleurs très précisément mais elle est pas la seule parce que je l' ai entendu chez beaucoup d' autres