_: L' hôpital public menacé par la pénurie d' argent et de personnels Les 1 500 établissements et leurs 750 000 agents traversent une crise sans précédent , aggravée par la mise en place rapide des 35 heures . Les syndicats jugent que le plan « Hôpital 2007 » du gouvernement ne répond pas à l' urgence . Ils appellent à une journée d' action le 16 décembre Les hôpitaux traversent une crise aiguë , amplifiée par la mise en place très rapide des 35 heures . Le plan « HÔPITAL 2007 » , lancé par le gouvernement en novembre 2002 , prévoit notamment la rénovation des établissements vétustes , mais il ne répond pas aux problèmes urgents : pénuries dans certaines disciplines , CHARGE DE TRAVAIL de plus en plus lourde . La crise s' inscrit dans un contexte financier difficile , puisque l' assurance-maladie accuse un déficit de 30 milliards d' euros sur 2002 - 2004 . Jean-François Mattei a soumis des propositions aux SYNDICATS ( renforcement du pouvoir des directeurs , regroupement de services ... ) . Plusieurs d' entre eux appellent à une JOURNÉE D' ACTION le 16 décembre . ( voir aussi le dossier « Les urgences en souffrance » en édition abonné du Monde.fr ( onglet références ) . C' EST une octogénaire , en phase terminale de cancer , que l' hôpital du Val-de-Grâce renvoie chez elle , à l' Ascension , faute d' infirmières . C' est un adolescent , accueilli aux urgences de Cochin , à qui l' on diagnostique une appendicite aiguë et qui est aiguillé , faute de chirurgien , sur une clinique privée . Ce sont ces listes d' attente qui atteignent parfois trois mois pour une consultation spécialisée . L' hôpital public est au bord de la rupture . Asphyxié par le manque de personnel , paralysé par sa bureaucratie et par son organisation taylorienne , menacé de banqueroute . Les normes sanitaires de plus en plus contraignantes et la baisse de la durée du travail ont exacerbé cette crise . Le déficit chronique de l' assurance-maladie ( 30 milliards de déficit cumulé sur 2002 - 2004 ) n' arrange rien . « La situation budgétaire des hôpitaux est telle que certains , s' ils n' étaient pas des établissements publics , seraient en redressement judiciaire » , pointe le docteur François Aubart , président de la Coordination médicale hospitalière ( CMH ) . Sauf à fermer des lits , les budgets ne seront pas tenus en 2004 , du fait de l' augmentation insuffisante accordée par le gouvernement ( + 4 , 2 % , après + 5 , 6 % en 2003 ) . Lancé en novembre 2002 , le plan « Hôpital 2007 » , qui prévoit , entre autres , la rénovation d' un parc vétuste et l' introduction d' une tarification à l' activité ( réforme du financement prenant en compte les pathologies traitées ) , a été conçu pour apporter des remèdes à l' horizon de la législature . Or tous les hospitaliers l' assurent , il y a urgence , car l' hôpital est « en danger » . Les effectifs sous tension . Pendant longtemps , les personnels n' ont pas compté leur temps . Jusqu'à ce que les 35 heures , introduites en septembre 2001 , modifient les comportements . Les jeunes générations ne veulent plus faire de leur métier un sacerdoce . Le repos de sécurité , l' intégration des gardes dans le temps de travail et l' application à l' hôpital de la directive européenne limitant à 48 heures la semaine des médecins ont changé la donne . La conjonction de ces dispositions , des 35 heures sans création d' emplois ni réorganisation du travail suffisante et du manque d' effectifs est dévastatrice . Dans une lettre ouverte à Jean-François Mattei , plus de 180 grands patrons de l' Assistance publique-Hôpitaux de Paris ( AP-HP ) viennent de réclamer des mesures d' urgence contre « la pénurie aiguë de personnel médical » ( Le Monde du 15 novembre ) . Selon eux , le nombre d' internes à l' AP-HP a diminué de 50 % au cours des dix dernières années et de 25 % depuis cinq ans . L' « augmentation raisonnée » du numerus clausus en médecine ( 5 600 places en 2004 ) et dans les écoles d' infirmières ( 30 000 ) n' y changera rien dans l' immédiat . D' autant que près de 40 000 agents employés la nuit doivent passer , début 2004 , à 32 h 20 par semaine . Le malaise des personnels . Les conditions de travail se dégradent . Dans le rapport qu' il a consacré au « désenchantement hospitalier » , à la suite d' une mission d' information parlementaire , René Couanau , député ( UMP ) d' Ille-et-Vilaine , a constaté un « malaise généralisé » et relevé des indicateurs objectifs de « lassitude » . L' accroissement de l' absentéisme pour « maladie ordinaire » , l' augmentation des démissions et de la conflictualité , le nombre de postes vacants , qui atteint 40 % dans certaines spécialités et dans plusieurs régions . « Il y a 3 400 postes non pourvus . 8 000 médecins à diplôme étranger font fonctionner l' hôpital public à raison de 50 à 60 heures par semaine » , relève le docteur Rachel Bocher , présidente de l' Intersyndicat national des praticiens hospitaliers ( INPH ) . Personnels soignants ( infirmiers , kinés ... ) et médecins se plaignent de leur charge de travail , des cadences et de la « déshumanisation » de leurs tâches . Le Syndicat national des cadres hospitaliers ( SNCH ) , majoritaire chez les directeurs d' hôpital , parle d' un syndrome de « burn out » ( épuisement professionnel ) des administratifs . La réduction des horaires d' ouverture des secrétariats désorganise les services , et la montée en charge des urgences au détriment des opérations programmées génère des tensions . Autant de sujets de crispation , qui émergent à l' occasion des restructurations hospitalières . Un univers bureaucratique . Dans un monde de plus en plus judiciarisé , l' hôpital travaille sans filet et n' a pas de pilote . Son conseil d' administration ne peut ni faire exécuter son budget ni choisir ses managers ou ses principaux chefs de service , nommés par le ministère de la santé . Les cadres hospitaliers sont constamment tiraillés entre les exigences de l' Agence régionale d' hospitalisation et celles de l' administration centrale . « Ces dernières années , nous avons mis en oeuvre des réformes de fond comme les 35 heures ou l' accréditation , tout en assurant le tout-venant . On nous en demande toujours plus . On veut nous faire courir un 100 mètres avec des boulets aux pieds » , résume Florence Quiviger ( SNCH ) dans une allusion implicite aux rigidités statutaires , qui ne permettent guère de valoriser le travail bien fait . Les praticiens hospitaliers , pratiquement nommés à vie , défendent « leurs » lits . L' hôpital étant balkanisé , la défense des territoires prime souvent sur l' intérêt collectif . « Le mal principal dont souffre l' hôpital en 2003 est d' ordre managérial . Il n' a ni une gestion ni un commandement à la mesure de l' extrême complexité de fonctionnement d' un grand hôpital moderne » , note Dominique Coudreau , magistrat à la Cour des comptes et ancien directeur de l' ARH d' Ile-de-France dans la préface de « Ré-inventer l' hôpital » , un rapport que l' Institut Montaigne , proche de Claude Bébéar ( AXA ) , s' apprête à rendre public . Les scénarios de l' avenir . Les années qui viennent s' annoncent difficiles . Entre 2005 et 2015 , plus de 383 000 hospitaliers partiront à la retraite . Soit un agent sur deux ( et une infirmière sur deux ) . Le pic sera atteint en 2012 avec 30 000 départs . A la même date , les établissements de santé devront faire face à la demande d' une population vieillissante , comptant plus de 2 millions de personnes de plus de 85 ans . Sans réforme , l' hôpital sera bien en peine de répondre à toutes les demandes et à tous les patients . Une partie des syndicats hospitaliers ( CGT , FO , SUD , CFTC ) redoute qu' il ne soit contraint de se recentrer sur les urgences , de redevenir un « hôpital-hospice » , les activités les plus rentables étant transférées aux cliniques privées . Ce scénario , qu' ils accusent M. Mattei de défendre au nom de l' idéologie libérale qui est la sienne , n' est pas le moins improbable . En Allemagne , faute d' avoir su ou voulu changer à temps , une partie des hôpitaux publics de Berlin et de Hambourg est à vendre .