_: La réforme des retraites , véritable test pour la méthode Raffarin Les manifestations en faveur de la sauvegarde du secteur public et des statuts de ses agents ont rassemblé 100 000 personnes . Après avoir réglé le conflit avec les agriculteurs et les routiers , le gouvernement doit désormais affronter un dossier autrement plus périlleux Les manifestations qui se sont déroulées à Paris et en province ont rassemblé plus de 100 000 agents du secteur public inquiets pour la sauvegarde de leurs statuts et de celui de leurs entreprises . Après la mobilisation des agriculteurs et des routiers , ces défilés constituaient un troisième rendez -vous social pour le gouvernement Raffarin qui a , jusqu'à présent , réussi à juguler l' extension de ces conflits . Toutefois , le plus dur reste à faire avec le dossier des retraites . Face à des syndicats divisés et préoccupés par la préparation des élections prud'homales du 11 décembre , M. Raffarin entend continuer d' appliquer sa méthode : prudence , fermeté et communication . Pour françois fillon , l' objectif de 150 milliards d' euros pour le fonds de réserve des retraites est largement hors de portée . JEAN-PIERRE RAFFARIN est sorti indemne des premiers rendez -vous que lui avaient fixés les syndicats . En parvenant à régler coup sur coup les conflits des agriculteurs et des routiers avant les manifestations des agents du secteur public , qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Paris et en province , mardi 26 novembre , le premier ministre a remporté une première manche . Retour sur la méthode Raffarin , alors que se profilent à l' horizon - avec la réforme annoncée des retraites , promise pour le printemps 2003 - des nuages autrement plus menaçants . Gestion des conflits . Deux conflits ; deux poids , deux mesures . Par l' intermédiaire du ministre de l' agriculture , Hervé Gaymard , et du secrétaire d' Etat aux PME , Renaud Dutreil , le gouvernement a apporté un soutien sans faille au combat des agriculteurs contre la grande distribution , ancienne cible de M. Raffarin lorsqu' il était ministre des PME dans le gouvernement d' Alain Juppé . Relais traditionnels de la droite chiraquienne , la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont rapidement accepté , le 22 novembre , de cesser leur blocus des centrales régionales d' approvisionnement des grandes enseignes après avoir obtenu un engagement de principe des distributeurs de sanctionner les pratiques commerciales abusives . Le conflit des routiers s' annonçait autrement plus délicat à gérer . Pour parvenir à ses fins , le gouvernement a utilisé à la fois le dialogue - les négociations ont duré une trentaine d' heures - et la fermeté . Aux côtés de Gilles de Robien et de Dominique Bussereau , Nicolas Sarkozy , qui a lui-même reçu une délégation de la CFDT samedi soir , a joué un rôle non négligeable dans l' affaire . Un ministre souligne la cohésion du gouvernement en la matière : Quand Gayssot ministre communiste des transports du gouvernement Jospin allait discuter sur les barrages , il était difficile pour le ministre de l' intérieur de réclamer leur levée . Cette époque est révolue . Et l' on se félicite , à Matignon , de l' efficacité de la menace de retrait de permis de conduire brandie à l' encontre des routiers . Il s' agit de leur outil de travail , souligne -t-on dans l' entourage de M. Raffarin , en notant qu' un retrait de permis présente aussi l' avantage de ne donner lieu à aucune image violente à la télévision . Le gouvernement a également cherché à gagner du temps en misant sur la division syndicale . L' affaire s' est conclue , en coulisses , dès le samedi soir . Par toute une série de canaux proches et sûrs , on a alors compris que FO avait envie de signer , raconte un membre du gouvernement . Gestion du temps . Le souvenir des mouvements sociaux de l' automne 1995 a profondément marqué la droite . Afin d' éviter une réédition de ce scénario , qui fut désastreux pour Alain Juppé , M. Raffarin a pris soin d' échelonner ses chantiers , en reportant la réforme des retraites au printemps 2003 . En s' attachant , lors de ses premiers mois de gouvernance , à défendre un projet de décentralisation qui ne passionne guère les foules , le premier ministre a voulu prendre le temps de se forger l' image d' un réformateur consensuel . Au contraire de M. Juppé , qui s' était attaqué bille en tête aux régimes spéciaux des fonctionnaires , M. Raffarin a évité de braquer d' emblée une partie de l' opinion contre lui . Aujourd'hui , le gouvernement n' est pas mis en cause . Alors qu' en 1995 , le conflit était plus politique , soulignait récemment M. de Robien ( Le Monde daté 24 - 25 novembre ) . Il y a , il est vrai , une différence notable avec 1995 : aucun projet de réforme n' est à l' origine des conflits sociaux que le gouvernement Raffarin a dû jusqu'à présent affronter . Gestion de la communication . Si la décentralisation lui tient à coeur , le chef du gouvernement en est convaincu : il sera jugé sur sa capacité à conduire la réforme du système de retraite par répartition . L' essentiel de son action - et de ses silences - en matière économique et sociale est destiné à préparer ce rendez -vous décisif . Le premier ministre s' est fixé pour première règle d' éviter d' agiter des chiffons rouges qui perturberaient inutilement les esprits : la réforme de l' impôt de solidarité sur la fortune ( ISF ) , comme la mise en place des fonds de pension , pourtant promise par Jacques Chirac durant sa campagne , ont été reportées à plus tard . Cette prudence n' exclut pas quelques ballons d' essai destinés à préparer l' opinion avant l' ouverture des négociations avec les syndicats . Le ministre des affaires sociales , François Fillon , le fait par petites touches successives : Les préretraites sont une catastrophe pour l' économie nationale alors même que l' on sait que les salariés vont devoir cotiser plus longtemps à l' avenir , avait -il déclaré le 4 novembre . Il est revenu à la charge , mardi , à l' Assemblée nationale : réaffirmant la nécessité d' une profonde réforme des régimes de retraites , M. Fillon a souligné que l' objectif de 150 milliards d' euros en 2020 pour le Fonds de réserve des retraites - installé mercredi - lui semblait largement hors de portée . Prendre l' opinion à témoin avant de discuter avec les syndicats : le calendrier , qu' a rappelé le ministre de la fonction publique , Jean-Paul Delevoye , mercredi , sur RTL , en témoigne : Fin janvier début février , le constat sur la situation des régimes de retraites précédera la négociation avec les organisations syndicales pour écouter leurs propositions . Au mois de juin , nous déciderons , a ajouté M. Delevoye . A cette date , les Français seront suffisamment informés pour être en mesure , le cas échéant , d' être directement consultés sur la réforme .