_: Enquête sur ces ruptures qui conduisent à l' exclusion En quittant l' enfer de sa vie de couple , Régine a plongé dans la misère TEMOIGNAGE Rien n' indiquait que cette femme élégante , épouse de commerçant , tomberait dans l' errance ELLE PORTE un joli tailleur-pantalon gris anthracite . Ses cheveux roux coulent en boucles sur ses épaules . Elle a la voix douce , le sourire un peu timide . A 39 ans , Régine donne le sentiment d' avoir une existence sereine , équilibrée . Et pourtant ... Il y a quelques jours , elle a trouvé refuge dans un hôtel social situé en région parisienne . Sa vie de couple est en miettes et elle ignore si elle pourra partager , à nouveau , le même toit que ses deux enfants , âgés de 19 et 13 ans et demi . Rien ne semblait indiquer que cette grande femme élégante tomberait , un jour , dans l' errance . Après une enfance modeste et heureuse en Normandie , Régine s' était installée dans la région Ile-de-France en 1981 . Elle avait à peine 18 ans à l' époque . Quelques mois plus tard , elle rencontra un Tunisien et l' épousa en 1982 . Les premières années , tout s' est déroulé sans anicroche . Son mari , un commerçant très estimé dans le quartier , était charmant et payait toutes les dépenses du foyer . Au départ , j' étais flattée , confie -t-elle . A la longue , ça devenait un peu étouffant . Mais Régine ne se formalisa pas . Elle mit au monde une fille , puis un garçon . Et s' arrêta de travailler , pour pouvoir profiter de ses deux enfants . C' est là que les problèmes commencèrent réellement . Suspicieux , autoritaire , atteint d' une jalousie quasi pathologique , le mari de Régine lui infligea un véritable enfer . Je l' avais constamment sur le dos , raconte -t-elle . Tout était prétexte à des brimades : Pourquoi souris -tu ? Ce plat n' est pas assez salé ... Il téléphonait plusieurs fois par jour pour savoir ce qu' elle faisait à la maison . Ce harcèlement moral alla crescendo et les deux enfants en furent eux aussi victimes . Ils n' avaient pas le droit de jouer , même quand nous passions nos vacances en Tunisie , relate -t-elle . Il fallait qu' ils travaillent pour être bons à l' école . Trois mois avant ses 17 ans , ma fille est allée au bureau de poste . Mon mari a fait un scandale . Durant des années , Régine préféra endurer les vexations plutôt que d' envisager un divorce : Je n' avais jamais vécu avec mon père , explique -t-elle . Ca m' a manqué , je tenais absolument à ce que ma famille soit unie . Jusqu'au jour où son mari commença à nourrir des projets de mariage pour sa fille : Il souhaitait qu' elle épouse un de ses cousins en Tunisie , dit -elle . La vie de Régine bascula . Au milieu de l' année 2001 , elle loua une chambre pour sa fille et un studio pour elle et son fils . Nous avons déménagé vite fait , en mettant à profit l' absence de mon époux , qui était parti en Tunisie , se souvient -elle . L' escapade tourna court . Il retrouva sa trace , elle accepta de revenir . Une accalmie de deux mois s' ensuivit . Et puis les brimades repartirent de plus belle . Au mois de février , Régine claqua à nouveau la porte . Cette fois , c' était pour de bon . J' ai pris deux ou trois affaires de rechange , quelques papiers , un agenda , mon sac à main et ... le chat , que j' ai confié à une amie , rapporte -t-elle . T' as rien à faire là Où pouvait -elle aller ? Chez sa fille ? La chambre est trop exiguë pour qu' elles y vivent à deux . Chez des membres de sa famille ? Ils sont tous installés en Normandie et elle ne veut surtout pas abandonner son emploi , dans une maison de quartier de la banlieue parisienne . Chez des amis ? Je n' aime pas tellement dépendre des gens , affirme -t-elle . Alors Régine s' adressa au bureau d' aide sociale . Elle fut tout d' abord aiguillée vers un centre d' hébergement d' urgence pour femmes , situé dans l' agglomération parisienne . Ce grand saut dans l' inconnu lui inspira pas mal d' angoisse : J' avais mal au ventre , résume -t-elle . Mais Régine reçut un accueil très chaleureux de la part des autres pensionnaires . Beaucoup se sont demandé pourquoi je m' étais retrouvée dans cette situation : T' as rien à faire là , me disaient -elles . Pendant deux semaines , Régine partagea sa chambre avec une autre soeur de galère . J' avais l' impression de retourner à l' internat : on nous réveillait à 6 h 30 ; les repas du soir étaient pris à heure fixe , s' amuse -t-elle . Aujourd'hui , Régine loge dans un hôtel social . On lui loue une chambre , qu' elle occupe seule . Dans six mois , sa situation sera réexaminée . Si elle le souhaite , elle pourra rester dans cet établissement mais je devrai alors peut-être changer de chambre et en partager une autre , avec des hébergées , précise -t-elle . L' avenir ? Elle l' envisage avec optimisme . Elle s' apprête à signer une demande de divorce . Elle a déjà écrit à plusieurs organismes HLM pour leur réclamer un toit ; quand elle aura un logement , sa fille la rejoindra . Et son fils ? C' est lui qui décidera s' il souhaite rester avec son père ou revenir avec moi , déclare -t-elle . En tout cas , Régine ne vit pas cette plongée dans la précarité comme un traumatisme . Pour moi , ce n' est qu' une passerelle , conclut -elle .