_: PROCES DU CREDIT LYONNAIS La défense de M. Trichet dénonce « un procès bâti sur des sables mouvants » PENDANT plus de cinq heures , les avocats de Jean-Claude Trichet , le gouverneur de la Banque de France , de Jean-Pascal Beaufret et de Jacques de Larosière , ont défendu leurs clients après le réquisitoire prononcé mercredi 5 février par le vice-procureur Jean-Pierre Bernard . Ce dernier a requis contre eux entre huit et dix mois de prison avec sursis , pour présentation ( ou complicité ) de comptes inexacts par le Crédit lyonnais en 1992 et diffusion d' informations trompeuses . M. Trichet était à l' époque directeur du Trésor et M. Beaufret , son bras droit , siégeait au conseil d' administration de la banque publique . M. de Larosière était , lui , gouverneur de la Banque de France . A eux trois , ils représentent les autorités de tutelle , qui selon le procureur , ne pouvaient pas ne pas être au courant des insuffisances de provisions constituées par la banque , et pouvaient même , dans le cas de la Banque de France , s' être entendues avec les dirigeants du Lyonnais pour que la banque affichent de meilleurs comptes . « Rien de plus subjectif » Les arguments des six avocats - deux pour chacun , l' un ténor du barreau , l' autre plus technique - se sont croisés , complétés , souvent répétés . Le Crédit lyonnais manquait -il de provisions dans ses comptes 1992 ? « Pour condamner , il faudrait dire que le risque était probable et chiffrable . Pour dire qu' il est chiffrable , il faut le chiffrer » , prévient Me Olivier Metzner , avocat de M. Beaufret . Or « la difficulté d' apprécier la probabilité d' un risque , de chiffrer son montant , n' a pas de meilleure illustration que ce dossier » , constate -t-il , en montrant que , selon les évaluations présentes dans le dossier - faites par la commission bancaire , la Cour des comptes , le parquet , le juge d' instruction ou des experts - le montant des insuffisances de provisions varie de 1 à 7 . Pour Me Yves Baudelot , avocat de M. Trichet , ce procès est donc « bâti sur des sables mouvants : il n' y a rien de plus subjectif , de plus aléatoire , que la fixation de provisions » . Pour imposer ces provisions , ou être coupables de ne pas l' avoir fait , il aurait fallu avoir l' information nécessaire , poursuivent les avocats . Or ni le Trésor ni le gouverneur de la Banque de France n' était destinataire des notes d' étape du secrétariat général de la Commission bancaire , affirment les défenseurs de MM. Trichet , Beaufret et de Larosière . Au moment de l' arrêté des comptes fin mars , MM. Beaufret et Trichet n' avaient donc en tête qu' un chiffre de besoin de provisions de 20 milliards de francs que leur avait communiqué François Gille , le directeur général du Lyonnais , en contact , lui , avec le secrétariat général de la Commission bancaire . Ces 20 milliards étant dans les comptes lorsque M. Beaufret les découvre lors du conseil d' administration du Lyonnais , il n' a pas de raison de ne pas les voter , explique Me Metzner , qui s' interroge sur l' absence devant le tribunal des autres administrateurs . Il rappelle que M. Beaufret n' avait cessé de revenir à la charge pour tenter d' obtenir plus d' informations du Lyonnais , notamment avant ce conseil sur les comptes 1992 , en vain . Des comptes dans le rouge pour 1 , 9 milliard de francs , « qui présentent une entreprise qui va mal , très mal , rien n' est dissimulé » , selon Me Baudelot . Y a -t-il eu par ailleurs un coup de fil entre M. de Larosière et M. Trichet avant ce conseil d' administration au sujet des comptes , comme l' a évoqué le président du Lyonnais ? Les intéressés affirment que non et « M. Haberer s' est rétracté » , balaie Me Baudelot . Dans un même élan , tous les avocats ont donc demandé la relaxe pour leur client , en rappelant que c' est ce qu' avait initialement requis le parquet . Me Bernard du Gran- rut - « soixante-deux ans de barreau » - , avocat de M. Trichet , dont il a longuement vanté les mérites , a aussi invoqué la convention européenne des droits de l' homme et dénoncé la durée de la procédure . « La durée , c' est aussi les décès » , a -t-il ajouté , regrettant l' absence dans les débats de deux hommes -clés , Pierre Bérégovoy , le ministre dont M. Haberer avait la confiance , et Jean-Louis Butsch , le secrétaire général de la Commission bancaire .