_: Douze personnes renvoyées devant le tribunal dans l' affaire des écoutes Les membres de la " cellule antiterroriste " de l' Elysée et des responsables politiques de l' ère Mitterrand sont mis en cause LE JUGE d' instruction Jean-Paul Valat a signé , jeudi 1er août , l' ordonnance de renvoi devant le tribunal de l' affaire des écoutes de l' Elysée , près de vingt ans après les faits . Le magistrat a rigoureusement suivi les réquisitions du parquet ( Le Monde du 29 juillet ) et a renvoyé douze personnes en correctionnelle , le treizième , Pierre- Yves Guezou , s' étant suicidé juste après sa mise en examen . Le procès , compte tenu des possibles recours contre l' ordonnance du magistrat , ne pourra sans doute pas se tenir avant deux ans . Devraient alors comparaître les membres de la cellule antiterroriste de l' Elysée , Christian Prouteau , son chef , Marie-Pier Marie-Pier Sajous , sa secrétaire , les policiers et gendarmes Pierre-Yves Gilleron , Jean-Louis Esquivié , Jean Orluc , Michel Tissier , DominiqueMangin et l' ancien capitaine Paul Barril . Du côté des responsables politiques , sont également poursuivis Gilles Ménage , l' ancien directeur de cabinet de François Mitterrand à l' Elysée , Michel Delebarre , son homologue auprès du premier ministre Pierre Mauroy , Louis Schweitzer , son successeur à Matignon auprès de Laurent Fabius , et enfin le général Pierre-Eugène Charroy , qui commandait le centre d' écoutes du gouvernement aux Invalides . La plupart d' entre eux sont poursuivis pour avoir " volontairement porté atteinte à l' intimité de la vie privée " . Certains devront également répondre de recel de fichiers informatiques . Le juge d' instruction a retenu la constitution de partie civile d' une quarantaine de personnes , dont Edwy Plenel , le directeur de la rédaction du Monde , la comédienne Carole Bouquet , des avocats , des journalistes , des responsables politiques ... Près de 3 000 conversations ont été enregistrées , et près de 150 personnes écoutées entre janvier 1983 et mars 1986 avec l' aval de François Mitterrand , soucieux , notamment , de protéger le secret qui entourait l' existence de sa fille , Mazarine . SECRET-DEFENSE INVOQUE C' est Libération qui a révélé le 4 mars 1993 l' existence d' une écoute sur la ligne d' Edwy Plenel et lancé l' affaire , même si , quatre mois plus tôt , un article de National Hebdo , passé inaperçu , avait rendu publique une note de Gilles Ménage à Christian Prouteau demandant qu' on " s' occupe sérieusement " de Me Antoine Comte , l' avocat des Irlandais de Vincennes , une affaire qui embarrassait l' Elysée . L' instruction , ouverte le 19 mars 1993 , a rapidement mis en lumière le rôle d' une " cellule antiterroriste " au statut flou , installée en 1982 auprès du président de la République . Elle disposait de vingt lignes d' écoutes , sans réel contrôle , réservées sur le contingent du ministère de la défense . Christian Prouteau avait alors nié avec force que les listings publiés dans la presse aient pu provenir de son groupe . Gilles Ménage s' était , lui , réfugié derrière le secret-défense . Les deux hommes avaient cependant été mis en examen le 9 décembre 1994 . Le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité , Paul Bouchet Bouchet , avait , lui aussi , invoqué le secret-défense pour refuser de communiquer au magistrat les conclusions de son enquête administrative sur les dérives de la cellule . L' instruction semblait ainsi durablement bloquée , lorsque , en février 1995 , le juge Valat a reçu , anonymement , des disquettes contenant 5 184 fiches d' écoutes , qui mettaient en regard les noms de membres de la cellule et de 23 personnes surveillées . Deux ans plus tard , en février 1997 , des cartons d' archives de Christian Prouteau étaient saisis dans un box à Plaisir ( Yvelines ) et validaient les éléments découverts sur les disquettes , en confirmant que François Mitterrand était bien le donneur d' ordres . Gilles Ménage acceptait alors de s' expliquer et reconnut que c' était " l' ensemble de l' appareil d' Etat qui était au courant " des écoutes . PAMPHLET EN PREPARATION La cellule espionnait tout le monde et n' importe qui , pour des raisons parfois connues d' elle seule , et sous des prétextes fumeux qui ne semblent pas avoir troublé les directeurs de cabinet de Matignon , chargés de signer les demandes . Ainsi Philippe B. , " chef éboueur " , a été écouté en 1985 , pour " trafic d' armes " ; deux femmes de ménage , pour des raisons de " sécurité personnalités défense " , et Josette P. , une caissière , sans motif . Carole Bouquet , écoutée à la demande de Christian Prouteau , a estimé que c' était son mari , le producteur Jean-Pierre Rassam , qui était surveillé , pour avoir eu le tort de connaître Jean-Edern Hallier , qui disait préparer un pamphlet sur François Mitterrand . Après bien des tergiversations , le premier ministre Lionel Jospin a accepté de lever le secret-défense , le 3 juin 1998 , et permis au juge de boucler , fin 1999 , son enquête . Mais il aura encore fallu attendre plus de deux ans pour que le parquet prenne ses réquisitions , ouvrant enfin la voie au procès des écoutes de l' Elysée .