_: Luc Ferry ouvre le débat sur l' éducation devant le Parlement Le ministre et le ministre délégué Xavier Darcos lancent , jeudi 3 juillet , au Sénat et à l' Assemblée , un « débat national » sur l' école . Cette initiative , qui doit aboutir d' ici à 2005 à une réforme de la loi d' orientation , laisse les parlementaires perplexes Luc Ferry , ministre de l' éducation nationale , et Xavier Darcos , ministre délégué à l' enseignement scolaire , lancent , jeudi 3 juillet , au Sénat et à l' Assemblée , le « débat national » sur l' éducation . Il s' agit , d' ici à la fin de l' année 2004 , de réformer la loi d' orientation sur l' éducation de 1989 . Luc Ferry espère « réconcilier la nation avec son école » et « crever l' abcès » du malaise enseignant . Le contexte de tension et les formes du débat sèment le doute chez certains députés . « Cela s' apparente à de la gesticulation parlementaire » , fustige Ségolène Royal , ancienne ministre . Jean-Paul Payet , professeur de sociologie , regrette que le gouvernement privilégie une conception économique de l' école . Des professeurs de lycées orléanais expriment leur scepticisme sur la politique éducative du gouvernement . LE PARLEMENT passe plus de temps à parler de la chasse que de l' école , se plaît à répéter Xavier Darcos , le ministre délégué à l' enseignement scolaire . Et s' il y a beaucoup de chasseurs en France , l' école , avec ses douze millions d' élèves , ses 900 000 enseignants et environ 7 % du produit intérieur brut , mérite sans doute que les députés et les sénateurs se penchent sur son destin . Telle est en tout cas la logique du « débat national sur l' éducation » que Luc Ferry et Xavier Darcos ont lancé , jeudi 3 juillet , devant les commissions du Sénat et de l' Assemblée nationale . Les deux ministres chargés de l' éducation estiment que le Parlement doit « se saisir » des questions éducatives , de la maternelle aux études supérieures . Ils considèrent qu' un tel débat contribuera à « réconcilier la nation avec son école » et permettra de fixer les objectifs de l' éducation nationale pour les prochaines décennies . Le débat est censé , accessoirement , faciliter la « sortie de crise » avec les personnels . Luc Ferry parle même d' une occasion de « crever l' abcès » du malaise enseignant . Le chemin paraît long , toutefois , jusqu'à la réconciliation . Depuis qu' ils ont fait part de leurs intentions de lancer le débat , les deux ministres ont essuyé de multiples avanies . Ils ont d' abord dû en accepter le report à cause du climat social : initialement prévu en mai , repoussé une première fois en juin , il débute finalement en juillet , en période de vacances scolaires . Ils ont dû , ensuite , faire face à une violente contestation lors de leur premier déplacement : à Rodez , le 15 mai , des centaines d' enseignants avaient lancé aux ministres des exemplaires de la Lettre à tous ceux qui aiment l' école , de Luc Ferry . Surtout , le « grand débat » s' est réduit comme peau de chagrin : loin d' une discussion solennelle en séance plénière , les parlementaires devront se contenter , dans un premier temps , d' une audition des ministres pendant quelques heures au sein des commissions . Ce n' est qu' à la fin de l' année 2004 que le Parlement devrait se prononcer sur un texte réformant la loi d' orientation de 1989 sur l' éducation . Sortir du « face-à-face » Sur le fond , la démarche n' est pas simple . Le recours à la nation ou au Parlement constitue une approche traditionnelle de la droite en matière d' éducation . Régulièrement , en effet , ses ministres évoquent la nécessité de sortir du « face-à-face » entre l' administration et les syndicats . « Il ne faut pas laisser l' école aux seuls spécialistes » , plaident ainsi Luc Ferry - ancien président du Conseil national des programmes - et Xavier Darcos - inspecteur général de l' éducation nationale - pour justifier le recours à un « débat national » . « Personne ne peut revendiquer l' exclusivité à émettre un avis définitif sur l' école » , précise Guy Geoffroy , député de Seine-et-Marne , chargé par l' UMP d' animer le débat . Sur le plan national , une commission devrait être constituée pour établir une synthèse des rencontres organisées avec des syndicalistes , des parents , des élèves et des représentants des entreprises au cours de l' année scolaire 2003 - 2004 . Des institutions comme le Haut Conseil d' évaluation de l' école apporteront leur expertise . Le ministère envisage également de distribuer des questionnaires dans les établissements scolaires . L' ensemble de ce travail doit déboucher sur un « diagnostic partagé » sur l' école qui pourrait se traduire par un « Livre blanc » . Le contexte n' est évidemment pas favorable pour le ministère . Les recteurs , réunis mardi 1er juillet pour leur conférence mensuelle , ont ainsi fait part de leurs « inquiétudes » quant à la préparation de la rentrée . « Les recteurs ont le sentiment que la base enseignante reste très remontée et que l' appel à la grève des syndicats n' est pas seulement une protection par rapport aux coordinations » , rapporte un participant à la rencontre . Le bon déroulement du débat pourrait d' ailleurs se heurter à un obstacle concret : en cas de nouveau conflit , les ministres réussiront -ils à se rendre dans les établissements scolaires ? Le doute prévaut aussi parmi les parlementaires de droite qui s' interrogent - en réclamant l' anonymat - sur les capacités des ministres à mener le débat . « Luc Ferry semble perdu . La preuve , c' est que des syndicats ont refusé de négocier avec lui sur le paiement des jours de grève » , s' alarme un député UMP . « Le ministère ne peut plus être entendu aujourd'hui même s' il passe par l' Assemblée » , souligne un autre député de la majorité , spécialiste de l' école . Quant à la gauche , elle ironise volontiers sur les faiblesses du tandem Ferry-Darcos et sur sa difficulté à conduire un débat . « Cela s' apparente à de la gesticulation parlementaire , souligne Ségolène Royal , ancienne ministre de l' enseignement scolaire , députée ( PS ) des Deux-Sèvres . Je crains que , sur le terrain , les personnels aient le sentiment qu' on se moque d' eux. » Jack Lang doute de la sincérité de la démarche : « La discussion risque d' être l' occasion , une fois de plus , de porter des critiques contre l' école , accusée de tous les maux » , estime l' ancien ministre de l' éducation , député ( PS ) du Pas-de-Calais . Plutôt par décret Luc Ferry et Xavier Darcos devront , enfin , se heurter à une ultime difficulté : la frilosité du Parlement sur les questions éducatives . Celles -ci ne sont généralement abordées qu' une fois par an au moment du vote du budget . « L' éducation relève habituellement du pouvoir du gouvernement plus que du domaine du législateur . Le collège unique , par exemple , s' est d' abord construit par des décisions réglementaires » , explique Jean-Yves Chamard , député ( UMP ) de la Vienne , rapporteur du dernier budget de l' enseignement . Le constat est repris par l' historien de l' éducation , Claude Lelièvre : « Les problèmes de l' école sont éminemment politiques mais ne recoupent pas les clivages électoraux . Il est donc très difficile pour une majorité parlementaire de procéder à une réforme législative concrète à cause des courants contradictoires qui la traversent. » Les réformes s' effectuent donc plutôt par décrets et arrêtés . L' école est perçue comme une matière technique , délicate - même si 85 députés sur 577 ( dont 31 à l' UMP et 41 au PS ) sont eux-mêmes issus de l' enseignement . « L' éducation est assimilée par les parlementaires et les Français à une accumulation de mesures techniques » , note Yves Durand , député ( PS ) du Nord en charge des questions éducatives . « Le monde politique n' a pas de maturité sur ce dossier . Dès lors , le discours tend à se réduire à la seule question des programmes scolaires » , constate Pierre-André Périssol , député ( UMP ) de l' Allier . Les confrontations apparaissent souvent stéréotypées : « On souffre d' avoir , à gauche , un discours sur le modèle du « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » et , à droite , un discours catastrophiste , qui tend à charger la barque de l' école plus que de raison » , estime Lionnel Luca , député ( UMP ) des Alpes-Maritimes . Autant de raisons pour rester prudent sur un sujet qui peut fâcher . Et qui ne rapporte pas forcément beaucoup : « Les enfants votent moins que les chasseurs » , plaisante Lionnel Luca .