_: FRANCE SOCIAL . Retraites : Raffarin lance le débat sans dévoiler sa réforme Au lendemain des manifestations qui ont rassemblé 350 000 personnes , samedi 1er février , pour la défense du système par répartition , le premier ministre devait en réaffirmer les enjeux , la méthode et le calendrier , lundi , devant le Conseil économique et social Jean-Pierre Raffarin devait officiellement ouvrir le débat sur les retraites , lundi 3 février , avec un discours devant le Conseil économique et social , puis en intervenant dans le journal de 20 heures de TF1 . Le premier ministre ne devait pas faire de propositions , mais préciser les enjeux , la méthode et le calendrier de la réforme . Son discours intervient deux jours après les manifestations qui ont rassemblé , samedi , environ 350 000 personnes pour la défense du système actuel . Aux syndicats , qui réclament une négociation , François Fillon Fillon , ministre des affaires sociales , a répondu , samedi , qu' ils auront « leur mot à dire » s' ils s' engagent « dans un dialogue constructif » . Le système comporte de nombreuses inégalités , notamment entre le secteur public et le privé , comme la durée ou le taux de cotisation . UNE FOIS n' est pas coutume , le « round d' observation » aura précédé le coup d' envoi . Les syndicats n' ont pas attendu , en effet , que Jean-Pierre Raffarin lance officiellement le chantier de la réforme des retraites devant le Conseil économique et social ( CES ) , lundi 3 février à 16 heures , puis sur TF1 , à 20 heures , pour faire une première démonstration de force . Plusieurs centaines de milliers de personnes ( 325 000 selon la police ; 500 000 selon les organisateurs ) ont en effet bravé le froid et la neige , samedi , pour répondre à l' appel de l' ensemble des syndicats derrière un mot d' ordre : la sauvegarde du système français de retraite par répartition . Tandis que la tête du cortège parisien quittait la place la République , samedi à 14 h 30 , deux des principaux conseillers du premier ministre - Jean-François Cirelli , directeur adjoint de cabinet , et Dominique Chertier , conseiller pour les affaires sociales - recevaient à Matignon une première « fournée » de journalistes afin de ne pas abandonner le terrain de la communication aux seuls syndicats . Sans s' appesantir sur une mobilisation qu' ils ont qualifiée de « relativement moyenne » , ils se sont attachés à dessiner le cadre de l' intervention de M. Raffarin : « Fermeté sur les principes » , « ouverture sur les modalités » , « détermination sur le calendrier » . En préambule , les conseillers de M. Raffarin ont cherché à déminer le piège de la sémantique dans lequel s' est enfermé le gouvernement par ses valses-hésitations sur le rôle des syndicats . Les ambiguïtés n' ont pas été levées pour autant . A Matignon , samedi après-midi , on soulignait que le terme de « négociation » ne « convenait pas du tout à une réforme des retraites » qui doit procéder de la loi . L' expression adéquate devait être « concertation approfondie » . Las ! Tout en qualifiant ce débat d' « absurde » , le ministre des affaires sociales , François Fillon , a expliqué l' inverse quelques heures plus tard : « On négocie avec les syndicats , puis le Parlement vote » , a -t-il indiqué devant des journalistes , en assurant que les syndicats « ne seront pas des spectateurs » . La réplique est venue du président du Medef , Ernest-Antoine Seillière . Interrogé sur France 3 , lundi matin , M. Seillière a indiqué que le gouvernement pouvait « consulter » , mais qu' il ne pouvait s' agir d' une « négociation » . « C' est une affaire entre le gouvernement et les Français » , a -t-il martelé . La querelle n' est évidemment pas seulement sémantique . Dans les rangs syndicaux , on attend de pied ferme des éclaircissements du premier ministre sur ce point . A Matignon , on veut bien filer la métaphore d' un voyage en commun , mais en prévoyant déjà que les chemins se sépareront tôt ou tard : « Si les syndicats veulent nous amener à Nice alors que l' on souhaite aller à Perpignan , il y aura un problème » , explique -t-on dans l' entourage de M. Raffarin . Contre-exemples Par prudence , autant que par souci de ménager les susceptibilités de ses interlocuteurs , le premier ministre ne devait pas dévoiler de solutions précises devant le CES . A ce stade , ce sont encore les contre-exemples qui prennent le pas : le premier ministre fait connaître ce qu' il ne veut pas , davantage que ce qu' il souhaite . « On ne peut plus faire comme en 1993 [ date de la réforme Balladur , mise en place par décret ] , car il faut un débat , ni comme en 2000 , en annonçant une réforme avant de dire qu' on ne peut pas la faire » , explique -t-on à Matignon . L' entourage de M. Raffarin souligne également que la réforme ne doit pas être l' occasion d' opposer deux catégories de Français : « Il faut éviter de faire une nouvelle affaire Dreyfus dans les familles » . A défaut de donner des pistes précises , M. Raffarin devrait insister sur la nécessité de la réforme , le « constat des chiffres » étant , selon Matignon , « assez partagé » . Les conseillers de M. Raffarin évoquent ainsi , pour la fonction publique d' Etat et à législation constante , « un milliard à un milliard et demi d' euros à trouver chaque année pendant quarante ans » . Pour le secteur privé , on souligne , à Matignon , que si le régime de retraites sera « bénéficiaire jusqu'en 2008 - 2009 » , il devait manquer , si rien n' est fait , de l' ordre de 50 milliards d' euros en 2040 . Passé ce constat , le premier ministre devait insister sur quelques principes généraux . La réforme , devait -il rappeler , devra être « juste » dans les efforts qui seront demandés aux Français . Le chef du gouvernement devait afficher sa volonté de donner davantage de « liberté » et de « souplesse » à un régime jugé plus rigide que celui de nos voisins européens . Afin de lever certaines inquiétudes , le chef du gouvernement devait surtout limiter les objectifs de cette réforme . « Il s' agit de faire une réforme réaliste , qui permette de faire une partie du chemin en levant les incertitudes et les angoisses qu' on a mises dans la tête des Français » , explique -t-on à Matignon . L' objectif politique est sous-jacent : pour le premier ministre , qui sait qu' il sera jugé sur cette réforme , il s' agit de n' en faire ni trop - les efforts demandés risqueraient d' apparaître insupportables - ; ni trop peu , afin de ne pas encourir l' accusation de l' immobilisme . Pour ce qui le concerne , le premier ministre devait donc afficher son souci de ne régler la question des retraites qu' « à l' horizon 2015 - 2020 » , ce qui laisserait à ses successeurs le soin de proposer de nouvelles adaptations . M. Raffarin souhaite que la réforme soit votée avant le 1er août . Le souvenir de la réforme Balladur , qui avait été adoptée par décret pendant l' été 1993 , a laissé des traces . « Ce serait hasardeux que le Parlement soit saisi en juillet . En juin , peut-être , ou en septembre , mais pas pendant les vacances » , note ainsi le secrétaire général de la CGT , Bernard Thibault , selon lequel « les Français ont une grande méfiance sur ce que pourrait faire la représentation nationale » . Dans la perspective de cette échéance , les responsables syndicaux se retrouvent pour accentuer la pression sur le gouvernement . « Il faut que Raffarin aille plus loin que le président de la République » , note François Chérèque ( CFDT ) . « Raffarin a une patate chaude entre les mains mais il ne sait pas quoi en faire » , commente - non sans gourmandise - Marc Blondel ( FO ) .