_: Comment les maires affrontent l' insécurité au quotidien - REPORTAGE Mulhouse mise sur la vidéosurveillance " Les résultats sont là : le budget réparations s' est effondré " Ne bougez pas , vous êtes filmés ! Pour avoir pris à partie des adjoints de sécurité en plein centre-ville , une bande de jeunes a été démasquée en flagrant délit , voilà trois semaines , par la police nationale , qui visionne , sans relâche , les images relayées par une caméra perchée à 14 mètres du sol . L' anecdote n' est pas fortuite . Depuis 1996 , Mulhouse s' est mise à l' heure de la vidéosurveillance . Pendant la campagne municipale du mois de mars 2001 , le maire socialiste , Jean-Marie Bockel , avait promis d' étendre l' expérience engagée en 1996 . L' engagement sera tenu . A l' horizon 2003 , une quarantaine de caméras seront opérationnelles . En 2005 , le nouveau tramway , qui reliera la ville à la vallée de Thann , sera équipé , comme c' est le cas des bus desservant des lignes " à risque " . Dans une ville où le Mouvement national républicain a réuni 21 , 25 % des suffrages au second tour des municipales , la sécurité n' en finit pas d' exacerber les passions . " Nous ne voulions pas focaliser notre discours sur ce sujet , mais on a été obligé d' en parler " , reconnaît Mireille Godefroy , adjointe au maire chargée de la sécurité urbaine . Les chiffres ne font , pourtant , pas état d' une augmentation significative de la délinquance entre 1996 et l'an 2000 ( + 4 % ) . " Les Mulhousiens éprouvent un sentiment d' impunité , j' en tiens compte " , réplique M. Bockel , pour qui la vidéosurveillance représente " une légère atteinte à la liberté individuelle " . " C' est demandé et accepté par la population , finalement on rend un espace public au peuple " , ajoute l' ancien ministre du commerce , de l' artisanat et du tourisme . Si les Verts ont renâclé , ils se sont finalement inclinés . " Notre groupe était très réservé , mais je n' ai pas envie de contester a priori les choix du maire en matière de sécurité " , déclare Fabienne Arnold , adjointe ( Verts ) déléguée à l' urbanisme . La municipalité a également financé , à hauteur de 40 000 francs l' unité , les caméras placées dans les entrées et les garages des immeubles des Coteaux , un quartier classé en zone urbaine sensible . Une société de gardiennage surveille tous les mouvements et dépose les plaintes auprès du commissariat . Après des négociations difficiles , les habitants ont accepté de verser chaque mois un écot de 50 francs . " Les résultats sont là : le budget réparations s' est effondré " , assure Philippe Barrillon , chef de projet de la mission aux Coteaux . Les bailleurs sociaux s' acquittent , pour leur part , d' un forfait mensuel de 24 , 70 francs par caméra . " Nous ne pouvions pas aller au-delà sans mettre en danger nos équilibres financiers . Les gens ont accepté d' acheter leur sécurité , alors qu' elle relève d' un droit fondamental , c' est dire l' ampleur du traumatisme " , indique Philippe Picard , chef d' antenne de la société Coopération et famille , qui gère " le patrimoine le plus dur " . MAILLAGE TERRITORIAL A l' heure du premier bilan , les acteurs impliqués dans la sécurité admettent que la vidéosurveillance ne résout pas tous les problèmes . " Elle ne fait parfois que déplacer la délinquance " , observe M. Bockel . " Aux Coteaux , deux copropriétés non équipées en caméras commencent à avoir des problèmes " , confirme M. Barrillon . Autre indicateur : la délinquance devrait progresser en 2001 d' environ 12 % . " Et pourtant nous avons à Mulhouse l' un des plus forts taux d' élucidation des faits avec 36 % " , relève le commissaire Jean Guillot , directeur divisionnaire de la sécurité publique du Haut-Rhin . La ville va donc poursuivre le maillage territorial notamment avec la police municipale . Créée par l' ancien maire centriste Joseph Klifa à la fin des années 1980 , elle a été renforcée moyennant un budget annuel de 11 millions de francs ( 1 676 900 euros ) . Formée de 36 agents , elle passera en 2002 à 47 , et l' objectif est d' atteindre une soixantaine d' éléments en 2004 . " Chaque semaine , nous présentons à la mairie les mains courantes , et en cas d' urgence nous alertons immédiatement la ville " , raconte Raymond Jodar , qui la dirige . Pour faire remonter les informations , la ville a également déployé depuis 1993 une quarantaine de médiateurs volontaires dans sept quartiers " sensibles " . Il leur revient d' aplanir les conflits de voisinage ou d' endiguer les nuisances sonores . " Nous faisons office de thermomètre pour le maire " , explique l' un d' eux . " Il n' y a pas de problème de cohérence , les passerelles fonctionnent " , se félicite Jean Ambroggiani , sous-préfet du Haut-Rhin . Dès 1996 , soit deux ans avant la signature du contrat local de sécurité ( CLS ) , M. Bockel avait lancé l' idée d' une coalition locale pour la sécurité en collaboration avec le sous-préfet et le procureur de la République à Mulhouse pour répertorier les actes de petite délinquance . Un groupe local de traitement de la délinquance ( GLTD ) , piloté par le parquet , a été créé autour du collège Villon . Il a permis , selon les voeux de la mairie , de " répondre rapidement à tout acte d' incivilité " . Même si l' encadrement pose parfois problème , les services de la ville organisent des travaux d' intérêt général , alors que la maison de la justice et du droit pilote les peines de réparations . Du nouveau CLS , qui sera signé en janvier , M. Bockel attend " davantage d' audace en matière de justice de proximité " . Le député du Haut-Rhin s' est fixé comme objectif la création de cinq nouveaux GLTD , avec comme épicentre les collèges . Par ailleurs , le maire milite pour des " conseils de sages " dont l' une des finalités consisterait à sanctionner les incivilités . " Il faut démultiplier les capacités de réponse judiciaire " , insiste -t-il . Pour le procureur de la République à Mulhouse , Michel Senthille , " le conseil des sages est un concept né par défaut car la justice manque de moyens " . Il réclame un code de déontologie strict et met en garde contre " un glissement vers des comités de salut public " . Mais sa préoccupation rejoint celle de M. Bockel : " Le pire , c' est quand il n' y a pas de réponse à un acte de délinquance . "