_: Deux ans après le " printemps noir " , la Kabylie commémore les émeutes sanglantes Un millier de Kabyles se sont recueillis , vendredi , près de Tizi Ouzou , sur la tombe de Massinissa Guermah , un jeune lycéen tué par balles dans les locaux d' une gendarmerie , le 18 avril 2001 . Ce premier " martyr " allait mettre le feu aux poudres en Kabylie et déclencher des émeutes , à l' origine d' une centaine de morts , lors de ce " printemps noir " . Deux ans plus tard , une série d' actions de protestation ( marches , rassemblements et grèves générales ) étaient prévues dans la région , étalées sur trois jours , avec un point culminant le 20 avril , date du vingt-troisième anniversaire du " printemps berbère " . Le mouvement des âarchs ( comités de village ) , qui semble s' essouffler , tente de reprendre l' initiative . Si l' animosité de la population à l' égard du pouvoir central reste vive , les âarchs ne suscitent plus l' enthousiasme des foules . Incapable d' entrer dans une logique de négociation - où la mobilisation populaire servirait de moyen de pression et non de fin en soi - , le mouvement se trouve dans une impasse . La population dresse un bilan négatif de deux années d' un activisme effréné : 123 morts , des centaines de blessés , une dégradation générale des services publics et un ralentissement de l' activité économique . A tout cela s' ajoutent les effets d' une guerre fratricide lancée contre les militants du Front des forces socialistes ( FFS ) , qui ont choisi , contre l' avis des âarchs , de participer aux élections municipales d' octobre 2002 . LOGIQUE DU POURRISSEMENT En usant de moyens peu pacifiques , les âarchs avaient réussi à perturber ces élections en Kabylie , et même à les bloquer dans une cinquantaine de communes . Mais ce fut une victoire sans lendemain . Le Front des forces socialistes ( FFS ) gère aujourd'hui les municipalités dans les communes où un semblant d' élection a pu avoir lieu et ignore totalement les âarchs . La population , en dépit des appels à boycotter les " faux élus " , apprécie la présence d' une autorité capable de remettre en marche les services publics . Le pouvoir central , pour sa part , considère que les choses sont revenues à la " normale " en Kabylie . Et le ministre de l' intérieur , Yazid Zerhouni , prévoit des élections partielles , en mai ou en juin , dans les communes où les élections d' il y a huit mois ont été invalidées . A l' intransigeance des âarchs , qui attendent toujours de voir satisfaites leurs revendications exposées dans la " plate-forme d' El-Kseur " , " scellée et non négociable " selon ses auteurs , le pouvoir central continue d' opposer , avec un certain succès , la logique du pourrissement . Malgré les mots d' ordre du mouvement , de nombreuses familles de victimes ont accepté les indemnités proposées par les autorités . Celles -ci considèrent que les revendications essentielles des émeutiers ( retrait de la gendarmerie , constitutionnalité de la langue berbère ) ont été satisfaites et n' hésitent plus à réprimer les manifestations " non autorisées " , ce qui exaspère les contestataires . L' un d' eux , Ali Gherbi , pourtant disposé au dialogue , ne décolère pas et accuse le ministre de l' intérieur d' être celui qui " chapeaute le clan du pourrissement " . Le départ de Zerhouni est nécessaire , clame -t-il , car " aucune entente n' est possible tant que cet homme sévira au ministère de l' intérieur " . LA QUESTION DE L' IMPUNITÉ Au sein du pouvoir , tous ne considèrent pas que les choses soient réglées en Kabylie . Le comité central du FLN , que dirige le chef du gouvernement Ali Benflis , a récemment appelé le " gouvernement , les âarchs , les partis politiques et la société civile à faire preuve de sagesse " . Etant donné qu' Ali Benflis entretient à l' heure actuelle des rapports plutôt tendus avec le président Bouteflika , on peut interpréter ces propos comme une critique de la gestion du dossier kabyle par le ministre de l' intérieur . La détente réelle enregistrée en Kabylie depuis le pic des élections locales d' octobre 2002 demeure fragile . Le maintien en détention de plusieurs dirigeants du mouvement - dont sa figure de proue , Belaïd Abrika - empêche l' amorce d' un vrai dialogue . Enfin et surtout demeure la question de l' impunité . L' annonce , en novembre 2002 , de la condamnation à deux ans de prison , pour " homicide involontaire " , du gendarme responsable de la mort du lycéen Massinissa Guermah , a fait hurler d' indignation et ravivé le ressentiment . Reste que les divisions du mouvement et son incapacité à formuler des objectifs politiques concrets permettent au pouvoir d' éviter les questions de fond . Prenant acte de la perte de popularité du mouvement , certains considèrent aujourd'hui qu' il est urgent de parvenir à une solution négociée . Les dirigeants du mouvement , eux , tournent en rond . A un an de la fin du mandat du président Bouteflika , certains délégués parlent déjà de boycotter la présidentielle d' avril 2004 . Un motif de division supplémentaire au sein du mouvement , mais qui n' empêchera sûrement pas cette élection d' avoir lieu ...