_: Les études britanniques sur les OGM font reculer la perspective d' une levée du moratoire européen « CES ÉTUDES vont créer une onde de choc sur les décideurs : le climat a changé , une levée du moratoire rapide est moins évidente » : si aucun responsable à Bruxelles ne voulait , vendredi 17 octobre , s' exprimer officiellement , on ne cachait pas officieusement le trouble créé par les études publiées à Londres la veille . Jeudi matin , des experts indépendants , nommés par le gouvernement britannique , ont présenté le résultat d' études lancées en 1999 sur l' effet environnemental des OGM ( organismes génétiquement modifiés ) . Menées dans plus de 250 champs et avec trois espèces ( maïs , colza , betterave ) , ces études qui ont coûté 5 , 5 millions de livres ( 7.91 millions d' euros ) ont comparé le comportement de plantes transgéniques et non transgéniques . Il en ressort que le colza et la betterave OGM ont un effet important sur la flore et les insectes ; l' impact du maïs serait au contraire positif , mais un débat technique sur l' herbicide utilisé rend difficile l' interprétation du résultat . Globalement , les études confirment que l' effet sur l' environnement des cultures transgéniques est réel . Elles ont d' autant plus de poids qu' elles s' inscrivent dans une démarche cohérente engagée par le gouvernement anglais , pourtant pro-OGM , mais soucieux de s' informer exactement - et de se concilier une opinion publique hostile en s' appuyant sur des études indépendantes . Cette enquête scientifique succède à un rapport économique , publié en juillet , qui montrait qu' il n' y a pas d' intérêt économique à court terme , pour la Grande-Bretagne , à cultiver les OGM . De surcroît a été publié le 24 septembre , un rapport sur l' opinion des citoyens concluant , toujours à l' initiative du gouvernement de M. Blair , un processus de débats publics et de sondages : il a montré que l' opinion britannique avait à l' égard des aliments transgéniques une attitude générale de méfiance voire d' hostilité . Le gouvernement de Tony Blair arrêtera sa position fin décembre . Mais il est clair que son enthousiasme pro-OGM est sérieusement refroidi . Comme l' expliquait récemment au Monde David King , le conseiller scientifique du premier ministre britannique , lors d' un passage à Paris , « le gouvernement encourageait fermement , en 1999 , les cultures transgéniques parce qu' il est persuadé que la biotechnologie est une source future de richesses pour le pays . Mais aujourd'hui , il est moins évident que les plantes transgéniques créeront de la richesse , tandis que leur non-adoption ne menace pas le reste de notre industrie biotechnologique , qui est très dynamique. » UNE PRUDENCE JUSTIFIÉE Au niveau européen , ces études vont sans doute conduire à une nouvelle paralysie du processus d' ouverture de l' Union aux OGM . Déjà , lundi , la commissaire à l' environnement , Margrot Wallström , avait raidi le ton à l' égard des firmes promouvant les OGM , expliquant à des journalistes anglais qu' « elles ont essayé de mentir aux gens et de leur imposer les OGM . ( ... ) Quand elles parlent de nourrir les affamés , pourquoi n' ont -elles pas commencé avec de tels produits ? Nourrir les actionnaires , oui , mais pas les autres. » On remarque par ailleurs à Bruxelles , avec satisfaction , que les études scientifiques anglaises vont renforcer la position européenne dans la procédure lancée par les Etats-Unis devant l' Organismation mondiale du commerce : il y a maintenant des éléments scientifiques solides pour justifier la prudence européenne dans le processus d' autorisation des OGM . Ce processus , d' ailleurs , n' avance qu' avec lenteur : la Commission européenne doit publier incessamment deux règlements sur l' étiquetage et la traçabilité des aliments transgéniques - règlements dont l' entrée en vigueur est censée permettre la mise sur le marché d' aliments transgéniques . Or , du fait de délais légaux d' application après la publication officielle de ces textes , ce n' est qu' en avril 2004 qu' une telle mise sur le marché serait possible . Cependant , vingt et une plantes sont présentement dans le processus bureaucratique d' autorisation de culture : c' est le feu vert donné à l' une ou plusieurs d' entre elles qui signalerait la levée du moratoire . Mais , s' il serait légalement possible de le donner en l' état , on explique à la Commission que , pour une pleine transparence , la décision devrait être prise au niveau politique . C' est lors d' un conseil des ministres de l' agriculture ou de l' environnement que la question pourrait être tranchée : mais la présidence italienne , qui établit l' ordre du jour de ces conseils , n' a pas encore inscrit la question à l' agenda . Le gouvernement italien , d' ailleurs , est un des pays européens les plus réservés à l' égard des cultures transgéniques . De surcroît , plusieurs aspects du problème ne sont pas réglés : d' une part , celui de la coexistence entre cultures transgéniques et cultures non transgéniques , sujet sur lequel les Etats membres ne sont pas d' accord ; d' autre part celui du taux de contamination admissible par les OGM dans les semences : une directive européenne est en cours d' élaboration , et suscite de vives oppositions des associations écologistes et agricoles . La bataille n' est pas finie , et ne tourne toujours pas à l' avantage des promoteurs des OGM .