_: Le pétrole , l' autre enjeu du conflit La deuxième réserve mondiale après l' Arabie saoudite ne peut qu' intéresser les Etats-Unis L' IRAK est un pays incontournable pour toute société pétrolière normalement constituée . Ce constat fait par le stratège d' une grande compagnie européenne résume la partie industrielle planétaire qui se joue en coulisses pendant , qu' au Conseil de sécurité , les diplomates tentent de bâtir un cadre juridique pour mettre le régime irakien hors d' état de nuire . 112 milliards de barils de réserves prouvées ; 11 % des réserves mondiales , la deuxième du monde après celle de l' Arabie saoudite ; et à cela s' ajouteraient , selon les spécialistes , 220 milliards de barils de ressources probables et peut-être plus puisque son territoire est relativement inexploré en raison des années de guerre ... L' Irak intéresse depuis longtemps les majors pétrolières de tous les pays du monde , et notamment américaines . Le président et le vice-président américains , George W. Bush et Dick Cheney , tous deux issus de l' industrie pétrolière et qui ont conservé de nombreux liens avec ce puissant lobby , savent ce que pourrait représenter une mainmise américaine sur les gisements irakiens . Ils savent également que l' augmentation de la consommation de carburants aux Etats-Unis , combinée à une baisse de production intérieure , les rend de plus en plus dépendants de leurs importations de pétrole . Si l' on ajoute que le premier fournisseur des Etats-Unis est aujourd'hui l' Arabie saoudite avec laquelle les relations se sont distendues depuis le 11 septembre , tous les ingrédients sont là pour faire du pétrole un enjeu central d' une guerre contre l' Irak . Ce thème est abondamment exploité par Bagdad . L' administration américaine , en avançant des prétextes pour lancer une agression contre l' Irak , cherche à contrôler la région pour voler ses richesses a répété le vice-premier ministre irakien , Tarek Aziz , mercredi 18 septembre , à Bagdad . Chacun mesure qu' en cas de levée des sanctions par l' ONU sans changement de régime , les compagnies américaines partiraient avec un sérieux handicap lorsqu' il s' agira d' exploiter les énormes champs pétroliers de l' Irak . Exploiter l' or noir irakien est un objectif que poursuivent les pétroliers du monde entier depuis longtemps . Le nouvel eldorado décrit en Asie centrale n' y change rien pour une raison simple : le coût de production d' un baril de la mer Caspienne oscille entre 7 et 8 dollars , le brut irakien coule pour environ 70 cents , explique un expert . L' intérêt des compagnies pétrolières pour le sous-sol irakien n' a donc aucune raison de faiblir . Avant les sanctions , elles étaient toutes en pourparlers plus ou moins avancés pour négocier les droits d' exploitation des champs irakiens . Total avait jeté son dévolu sur le plus important , Majnoon , entre 10 et 30 milliards de barils , situé à 30 miles au nord de Basrah sur la frontière iranienne . Elf sur celui , plus modeste , de Bin Umar . Le patron de TotalFinaElf , Thierry Desmarets , assure qu' aucun contrat n' a été formellement signé . Ce ne serait pas le cas des Russes dont les compagnies sont très actives et de la de la Chine , importateur net de pétrole , troisième plus gros consommateur mondial derrière les Etats-Unis et le Japon , et dont les besoins ne font que croître . Pendant toute cette période , les ponts n' ont pas été coupés pour autant entre l' Irak et les compagnies . Ces dernières ont continué à commercer avant d' en être dissuadées par une surtaxe de 50 cents imposée par les Irakiens et qui a été levée depuis mercredi 18 septembre . Mais c' est à l' après-Saddam qu' elles pensent aujourd'hui . Elles savent qu' elles ne tireront pas de bénéfices immédiats du pétrole irakien . Pierre Bauquis , du cabinet de recherche Franlab , ancien conseiller du patron de TotalFinaElf rappelle quelques chiffres : l' Irak produit environ 1 , 5 million de barils par jour et a une capacité de production actuelle entre 3 et 3 , 5 millions . Même s' il n' y avait pas de frappes et donc pas de destructions , il faudrait au minimum deux ans d' investissement pour y parvenir . Pour doubler la capacité , c' est-à-dire passer de 3 à 6 millions , il faudrait 4 à 5 ans et de très gros investissements . Grandes manoeuvres Il n' empêche , les grandes manoeuvres ont commencé . Pour former une coalition la plus solide possible , l' administration américaine a évoqué cet enjeu avec certains pays membres du Conseil de sécurité . L' ancien directeur de la CIA , James Woosley , conseil de British Airways et défenseur d' une action contre Saddam Hussein , a traduit ces tractations de façon moins diplomatique . Disons carrément à la France et à la Russie , soutenez -nous et nous vous serons reconnaissants lorsque l' heure du partage aura sonné , a -t-il déclaré en substance . Washington serait même prêt à un accord tacite ou explicite avec la Russie pour que cette dernière puisse récupérer la créance de près de 10 milliards de dollars qu' elle détient sur l' Irak . L' acceptation par l' Irak du retour des inspecteurs retarde un changement de régime en Irak . Or l' Amérique a un besoin presque vital de diversifier ses sources d' approvisionnement en pétrole . Le secrétaire américain à l' énergie , Spencer Abraham , l' a rappelé mercredi en inaugurant le début de la construction de l' oléoduc Bakou-Tbilissi- Ceyhan qui permettra de livrer le pétrole de la mer Caspienne via la Géorgie jusqu'aux côtes turques et d' approvisionner le reste du monde . La politique énergétique définie par le président Bush exige que les Etats-Unis soutiennent l' augmentation de la production énergétique dans le monde entier . C' est fondamental pour l' Amérique , a -t-il déclaré . Après la guerre du Golfe , les Etats-Unis avaient raflé la majeure partie des contrats de reconstruction du Koweït . Ils espèrent renouveler l' exploit en Irak , au profit des compagnies américaines .