_: Chine . Le pouvoir chinois introduit un soupçon de transparence dans des élections locales à Pékin Le Parti communiste laisse des candidats indépendants , dûment filtrés , se présenter au scrutin , dans l' espoir de redorer sa légitimité aux yeux de la population Calés derrière leur bureau , les assesseurs attendent les électeurs . Au mur est accroché le drapeau rouge national . Le bureau de vote de Dongcheng , quartier populaire qui borde , à l' est , la Cité interdite , est tenu par le " comité de quartier " ( juweihui ) , structure de base du Parti communiste ( PCC ) chargée de surveiller les résidents . A l' extérieur , une animatrice du comité bat le rappel dans la ruelle . Elle interpelle un vieux monsieur qui observe , dubitatif : " Va dans ta cour vérifier que tout le monde a bien voté ! " Non loin de là , Lao Wang pousse un soupir ennuyé . " Je ne me suis pas déplacé ; j' ai demandé à mon fils d' y aller à ma place . " Lao Wang est absorbé par un match de volley-ball à la télévision . Retraité d' une entreprise de transports , il vit dans une pièce aux murs écaillés et à peine chauffée par un poêle à charbon . Il hausse les épaules . " Ce scrutin n' a aucun intérêt , grommelle -t-il . Tout est contrôlé par le gouvernement . Il y a quatre candidats pour trois sièges mais je n' en connais aucun . A quoi cela sert -il ? " A lire la presse officielle , cette élection des assemblées locales de la capitale , au suffrage universel , marquerait pourtant un tournant . Près de 8 millions d' électeurs inscrits - les travailleurs migrants en situation régulière ont pu voter pour la première fois - sont invités à élire , parmi 6 700 candidats , les 4 403 représentants aux assemblées des 18 districts de la zone administrative de Pékin . Le dernier scrutin avait eu lieu il y a cinq ans . La presse officielle a fait grand cas de l' entrée en lice de candidats " indépendants " , grande première à Pékin . NOUVELLE ICÔNE " Le processus démocratique dans la capitale est de plus en plus vivant avec la participation de candidats indépendants " , s' est félicité le China Daily , quotidien anglophone officiel . Des millions de voix " expriment la démocratie " , titrait , pour sa part , jeudi 11 décembre , le Quotidien de la jeunesse de Pékin . Ce genre de consultation est mis en scène par le Parti communiste pour accréditer l' idée , notamment sur la scène internationale , que la démocratisation est en marche en Chine . Parmi les " candidats indépendants " les plus médiatisés figure Xu Zhiyong , 30 ans , juriste , maître de conférence à l' Université de la poste et des télécommunications . Militant des droits civiques respecté , Xu s' est illustré dans des combats qui ont défrayé la chronique : l' abrogation des camps de détention administrative pour les migrants ou la libération d' un entrepreneur rural persécuté pour sa vision critique de la politique agricole officielle . Xu a eu le privilège d' avoir été retenu par les comités officiels dans la liste des candidats . Puis il a passé avec succès le filtre de deux scrutins primaires organisés sur son campus . Il juge avec optimisme le rôle des candidats indépendants : " Il y a un progrès dans la transparence et la compétition électorale . " Mais pour un Xu Zhiyong , érigé en nouvelle icône , combien d' " indépendants " éliminés sans savoir pourquoi ? Car l' influence des comités de présélection officiels demeure déterminante . Shu Kexin , fougueux animateur d' une association de propriétaires du district de Chaoyang , qui s' était entouré d' une " équipe de campagne " , a ainsi été évincé dès le départ . Trop suspect . Et quand bien même ces candidats " indépendants " se voient reconnaître le droit de concourir , l' absence de campagne électorale les rend invisibles aux yeux des électeurs . Aucune réunion publique , aucun débat contradictoire , aucun espace d' affichage . Certes , il reste Internet . Mais ce média est le privilège des étudiants sur les campus . Le petit peuple des quartiers n' y a pas accès . D' où le cynisme moqueur qui a entouré cette drôle de journée électorale . " C' est un jeu du pouvoir " , grinçait ainsi un internaute . Il n' y a donc guère à attendre de ce genre de scrutin dont le Parti escompte surtout qu' il le relégitimera aux yeux de la population . Même le discours d' un Xu Zhiyong est policé à l' extrême . Il refuse d' évoquer publiquement la perspective d' un multipartisme . " Je ne veux pas parler politique , dit -il : c' est trop sensible . " Du reste , les " indépendants " s' ignorent tous mutuellement . " Le progrès en Chine ne se fera qu' étape par étape " , conclut Xu Zhiyong .