_: L' APRES GUERRE EN IRAK . Reportage . A Nassiriya , les « Seabees » se retroussent les manches pour réparer les dégâts de la guerre et du pillage 200 soldats du génie s' affairent sur une douzaine de chantiers éparpillés dans la ville « Une centrale électrique , une station de pompage , deux écoles , un hôpital , un orphelinat , un parc municipal , deux commissariats , un tribunal , et j' en oublie ... C' est beaucoup pour un détachement de 200 Seabees [ soldats du génie de la Marine ] , mais nous avons de l' argent et du matériel. » Le commandant Dean Vanderley , qui dirige le 7e bataillon de construction mobile de l' US Navy à Nassiriya , supervise une douzaine de chantiers de réparation éparpillés dans la ville . La centrale électrique qui alimente la région ne fonctionnait plus . Au début de l' invasion , l' US Air Force avait lâché sur la zone une bombe « à fibre de carbone » , qui bloque la production d' électricité en provoquant un gigantesque court-circuit . Dès leur arrivée , les Seabees sont allés expliquer aux électriciens irakiens ce qui leur était arrivé . C' était leur première mission dans la population , ils étaient lourdement armés , ne sachant pas à quoi s' attendre : « Nous avons été accueillis chaleureusement , et nous nous sommes tout de suite retrouvés entre professionnels . Quand les techniciens irakiens nous ont vus poser nos armes et mettre des casques de chantier , ils ont découvert que nous étions comme eux , des électriciens , des soudeurs , des charpentiers » . L' hôpital des femmes , près du centre-ville , avait aussi reçu un obus américain , qui a traversé le toit et détruit plusieurs chambres . Les gravats ont été déblayés , mais le trou béant est toujours là . Le commandant Vanderley veut évaluer lui-même l' importance des travaux . Il arrive dans l' hôpital avec son escorte , sans prévenir , et monte directement au dernier étage . Il estime qu' il faudra installer des tiges d' acier , il ira demander l' aide de la petite aciérie locale : « Je connais le patron , il est venu me voir , il voulait que nous le protégions contre les pillards. » Alertés , les responsables de l' hôpital viennent le saluer . L' un d' entre eux explique que leur réservoir d' eau a également été percé par des éclats d' obus . La réparation sera délicate , car il est perché sur une tour de 30 mètres . Les Irakiens assurent qu' ils sauront le faire , si les Américains leur procurent le matériel . Le commandant promet , mais il ne peut pas donner de date . Les Seabees s' intéressent aussi à une école primaire dans un quartier pauvre . Elle a été repérée par le major Visconti , un Marine de New York , dont l' unité est installée dans une caserne toute proche : « Ici , c' est comme New York , les gens du centre-ville vivent à peu près bien , mais autour , c' est la misère . C' est là qu' il faut intervenir. » sourires forcés Le convoi militaire encercle la petite école délabrée , ceinte de détritus et d' égouts à ciel ouvert . A tout hasard , des sentinelles en armes s' installent dans la rue et sur le toit . Tout se passe bien . Les Marines sont déjà connus ici , leur camion-infirmerie vient quatre fois par jour . Par ailleurs , ils ont commencé à détruire des maisons qui risquaient de s' écrouler sur la route . Ils ne sont pas sûrs que les habitants soient contents , mais la rénovation de l' école devrait faire passer le reste . Le directeur de l' école , un homme frêle au sourire timide , fait visiter les lieux . Les Seabees inspectent les sols et les plafonds , prennent des mesures : « Il faut tout installer ici , l' électricité , l' eau courante , les sanitaires . Trois jours de boulot , et c' est bon » . La réfection des bâtiments administratifs sera plus complexe , car ils ont été pillés de fond en comble . Le commandant Vanderley a étudié la méthode de travail des pillards : « Cela n' a pas été fait par des vandales ni des foules en colère , mais par des équipes d' artisans , de façon professionnelle . Rien n' a été arraché des murs , tout a été démonté dans les règles de l' art. Tout ce butin est stocké quelque part , et on va sans doute le voir réapparaître bientôt sur les marchés . Je suis sûr que nous allons pouvoir en racheter une bonne partie , pour le remettre là où il a été volé . Ce n' est pas très régulier , mais , si ce commerce permet de faire redémarrer l' économie locale , pourquoi pas ? » Ce shopping n' est pas toujours de tout repos . Dans les ruelles grises et délabrées du marché central de Nassiriya , les Seabees prennent le contrôle des carrefours . Avec l' aide d' un comptable venu spécialement en avion du Koweït avec une valise de dollars en petites coupures , le commandant achète des centaines d' articles , ce qui prend plusieurs heures . Dehors , les sentinelles ont du mal à contenir les hordes d' enfants qui s' attroupent dans la rue . Il faut encore aller chercher des portes et des fenêtres , dans un autre quartier . Le convoi s' arrête au milieu d' une rue commerçante , provoquant un embouteillage . A la vue des soldats , la foule est prise d' agitation . Certains hurlent « America good ! Saddam finished finished ! » , d' autres veulent discuter dans un anglais incompréhensible . Mais la plupart gesticulent en tous sens , voulant absolument obtenir quelque chose , tout de suite : de l' argent , de l' eau , un couteau , un téléphone portable ... Les soldats restent stoïques , sauf quelques-uns qui ont du mal à contenir leur irritation , surtout face aux adolescents qui les abordent avec des sourires forcés , des gestes brutaux et des regards oscillant entre le respect et l' insulte . En tête de convoi , l' ambiance est plus joyeuse . La foule a repéré que l' un des Marines montant la garde sur un camion était une jeune femme . Aussitôt , les hommes applaudissent , lui lancent des baisers et des compliments . Prise par l' ambiance , elle ôte son casque , faisant retomber sur ses épaules sa longue chevelure rousse . C' est le délire , une énorme ovation monte de la rue . Les autres soldats ricanent : « Demain , il faut qu' on revienne dans cette putain de rue . Tu devrais répéter ton numéro , tu feras un malheur » . En attendant , le soir , les soldats vont pouvoir se défouler . Dans l' ancienne caserne irakienne où ils vivent , ils ont organisé des matches de boxe par équipes , Seabees contre Marines .