_: Haïti s' enfonce dans le chaos , à la veille du bicentenaire de l' indépendance Jean-Robert Lalane , porte-parole de l' opposition dans le nord d' Haïti , prenait sa douche le mardi 25 novembre lorsque deux inconnus ont escaladé le mur d' enceinte de sa maison . Directeur de Radio Maxima , une station du Cap Haïtien attaquée à plusieurs reprises ces derniers mois par des partisans du président Jean-Bertrand Aristide , Jean-Robert Lalane a été atteint d' un projectile à l' épaule . Cette nouvelle tentative d' assassinat visant un responsable de l' opposition s' est produite alors que la mobilisation contre le régime Lavalas se renforce à l' approche du bicentenaire de la création de la première république noire . MOBILISATION ÉTUDIANTE Les violences ont repris aux Gonaïves , ville côtière au nord de la capitale . Une vingtaine de personnes ont été tuées et une cinquantaine blessées par balles depuis l' assassinat du chef de « l' armée cannibale » , Amiot Métayer , en septembre dernier . Ses proches accusent Jean-Bertrand Aristide d' avoir ordonné l' élimination de ce chef de bande qui fut longtemps son allié avant de devenir un témoin gênant . Les affrontements entre jeunes manifestants et policiers ont recommencé le vendredi 28 novembre après le saccage de la place d' armes des Gonaïves , où le président Aristide doit prononcer un discours à l' occasion du bicentenaire de l' indépendance d' Haïti , le 1er janvier 2004 . Le même jour , plusieurs centaines d' étudiants qui réclamaient la démission du président dans les rues de Port-au-Prince , ont été bombardés de pierres par un groupe de « chimères » , les casseurs recrutés par le pouvoir dans les bidonvilles . Plusieurs étudiants ont été blessés sans que la police n' intervienne pour mettre fin à l' agression . Une semaine plus tôt , un rassemblement du groupe des « 184 » , large coalition de la société civile , avait été dispersé selon le même scénario . Sous l' oeil complice de la police , des partisans du président Aristide avaient agressé à coup de pierres les manifestants qui se rassemblaient au centre de la capitale . André Apaid , un chef d' entreprise à la tête des « 184 » , devait y présenter un plan pour sortir de la crise dans laquelle Haïti s' enfonce depuis les élections contestées de 2000 . Les ambassadeurs des Etats-Unis , de France et du Vatican avaient appelé les autorités à respecter la liberté de manifestation , faisant de cette journée un test de leurs intentions démocratiques . Pour protester contre la répression de ce rassemblement pacifique , les représentants des Etats- Unis et de l' Union européenne ont boycotté la cérémonie marquant le bicentenaire de la bataille de Vertières , le 18 novembre . Lors de cette bataille décisive , l' armée indigène formée d' anciens esclaves avait mis en déroute le corps expéditionnaire envoyé par Napoléon . « Le plus grand souci de la mission de l' Organisation des Etats américains ( OEA ) semble être la sauvegarde d' un équilibre fragile aux dépens de la vérité , de la justice et du droit » , souligne Anthony Barbier , le secrétaire exécutif des « 184 » . Le rôle de la mission de l' OEA est de plus en plus contesté par l' opposition et la société civile qui lui reprochent de « fraterniser » avec le pouvoir et de fermer les yeux sur les violations des droits de l' homme et l' impunité protégeant les bandes armées . « ÉTAT D' IMPUNITÉ » « Contrairement à l' expert des Nations unies Louis Joinet , l' OEA n' a rien vu » , déplore le journaliste Cyrus Sibert . Dans un rapport qu' il doit présenter le 15 décembre prochain aux Nations unies , le magistrat français Louis Joinet dénonce « l' état d' impunité » , la dérive mafieuse des « organisations populaires » proches du président Aristide et la politisation de la police au service du pouvoir . La contestation gagne également les rangs de la Famille Lavalas , le parti présidentiel . Puissant baron de cette formation , le sénateur Dany Toussaint met désormais en garde contre le pouvoir « despotico-anarchique » du président Aristide qui ne peut le mener « qu' à la mort , à la prison ou , au mieux , à l' exil » .