_: L' euro s' est apprécié de 10 % en six semaines La devise européenne est montée jusqu'à 1 , 1536 dollar , vendredi 9 mai , sans qu' aucune statistique économique ou décision monétaire n' explique ce mouvement S' il est parfois difficile de dégager une tendance hebdomadaire claire sur les marchés financiers internationaux , souvent délicat de mettre en avant un événement plutôt qu' un autre , ce n' est pas le cas cette semaine , avec l' envolée spectaculaire de l' euro face au dollar . La monnaie européenne est montée , vendredi 9 mai , jusqu'à 1 , 1536 dollar , alors qu' elle s' inscrivait , le vendredi précédent , à 1 , 1226 dollar . Avec une impressionnante régularité , la devise a gravi les marches : 1 , 13 dollar lundi , 1 , 14 dollar mardi et 1 , 15 dollar jeudi . En six semaines , sa progression frôle les 10 % . Enfin , par rapport à ses planchers historiques de l' automne 2001 , l' euro a regagné environ le tiers de sa valeur par rapport au billet vert . Le plus surprenant , dans la brusque accélération de la hausse de l' euro observée cette semaine , est qu' elle a eu lieu sans statistique économique importante , sans changement de politique monétaire ou encore sans événement géopolitique . Rien , en particulier , n' est venu indiquer que l' économie de la zone euro allait rapidement sortir de la situation très difficile dans laquelle elle se trouve . Au contraire . En France , confirmation a été donnée , avec le développement des grèves , de la difficulté à entreprendre des réformes de structure . Par ailleurs , en matière de déficits publics , les deux plus grandes puissances de la zone semblent engagées dans une course au dérapage . Le gouvernement allemand s' attend à ce que son déficit budgétaire atteigne 34 milliards d' euros au total cette année , soit 15 milliards de plus que ce qui était programmé , a rapporté vendredi le quotidien Financial Times Deutschland , ce qui porterait le déficit global à 4 % du produit intérieur brut ( PIB ) . Hans Eichel , le ministre allemand des finances , n' exclut toutefois pas que la France fasse pire . « La France n' a pas eu à supporter le poids de la réunification , mais elle a pourtant un peu plus de chômeurs que nous et même peut-être un déficit public supérieur au nôtre cette année » , a -t-il affirmé . S' il n' a pas d' explication économique , le renforcement de l' euro n' a pas non plus de justification monétaire évidente . Réunies à deux jours d' intervalle , la Réserve fédérale américaine ( Fed ) et la Banque centrale européenne ( BCE ) ont toutes deux opté pour le statu quo . La première a maintenu à 1 , 25 % l' objectif fixé aux fonds fédéraux . La seconde a laissé inchangé , à 2 , 5 % , son taux de refinancement . Les deux banques centrales , qui avaient laissé entendre qu' elles auraient été prêtes à agir dans le cas d' un enlisement de la guerre en Irak , souhaitent visiblement se donner le temps de voir comment les économies américaine et européenne réagissent à la fin du conflit pour prendre d' éventuelles décisions . Quel va être , par exemple , l' impact de la chute des prix du pétrole sur la consommation des ménages ? L' existence de menaces Tout en jugeant que « l' apaisement des tensions géopolitiques a fait reculer les prix du pétrole , a soutenu la confiance des consommateurs et a renforcé les marchés obligataires et boursiers » , ce qui « devrait alimenter une amélioration du climat économique à terme » , la Fed a souligné que « l' éventualité d' une baisse marquée et non désirable de l' inflation , bien que faible , l' emporte sur celle d' une reprise de l' inflation » . En évoquant ainsi la menace d' une déflation , elle laisse entendre qu' un nouvel assouplissement monétaire est envisageable aux Etats-Unis . Il l' est aussi en Europe - ce qui enlève du crédit à la thèse selon laquelle l' euro monte en raison de l' évolution divergente des taux d' intérêt de part et d' autre de l' Atlantique . Le président de la BCE , Wim Duisenberg a , certes , affirmé « ne pas partager la peur » déflationniste « pour l' ensemble de la zone euro » . Mais il a admis que la clarification de l' objectif d' inflation - autour de 2 % , et non plus , comme auparavant , moins de 2 % - « souligne l' engagement de la BCE à aménager une marge de sécurité suffisante pour se prémunir contre les risques de déflation » . Et s' il a jugé « qu' avec la fin du conflit armé en Irak des risques importants pour la reprise économique ont diminué » , il a reconnu l' existence de menaces , comme l' épidémie de pneumonie atypique ou la hausse de l' euro . Il a précisé que cette dernière ne présentait pas pour l' instant un caractère « excessif » . C' est aussi l' avis exprimé par le ministre français de l' économie et des finances , Francis Mer . Aux niveaux actuels , a -t-il jugé , la situation « est encore supportable » . « Si on montait à 1 , 20 ou 1 , 25 dollar pour 1 euro , on commencerait à constater quand même que l' activité à la grande exportation , donc la vente en dollars , serait pénalisée en termes de rentabilité » , a -t-il ajouté . Les projections chiffrées de M. Mer ont quelque peu surpris les analystes . Ces derniers craignent en effet que les niveaux de 1 , 20 et 1 , 25 dollar , par le seul fait d' être évoqués aussi précisément , se transforment pour les spéculateurs en objectifs à atteindre . Les réflexions de M. Duisenberg et de M. Mer sur le niveau de l' euro rappellent que la responsabilité de la politique de change reste mal définie dans la zone euro , contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis , où elle incombe tout entière à la Maison Blanche : pas un mot sur l' affaiblissement du dollar dans le communiqué de la Fed , mardi . Au contraire , la BCE considère que c' est à elle que revient le soin de commenter l' évolution de l' euro . Mais , à en juger par l' intervention de M. Mer , tous les gouvernements n' ont pas renoncé à gérer directement le dossier du taux de change . A la satisfaction des Américains , l' ascension de l' euro , si elle se poursuit , pourrait déclencher une cacophonie monétaire sur le Vieux Continent .