_: L' euro fort plaide contre la hausse des taux L' APPRÉCIATION spectaculaire de l' euro modifie plus que jamais la donne monétaire en Europe . Tandis que la Banque centrale européenne ( BCE ) ne cache pas sa volonté de relever à terme le loyer de l' argent , le retour en grâce de la monnaie unique devrait l' inciter à temporiser . L' euro a en effet frôlé la parité avec le billet vert , avant de retomber sous 0 , 99 dollar . Il s' échangeait mercredi 3 juin à 0 , 9829 dollar . Forte de ce constat , la BCE pourrait laisser inchangé son principal taux directeur , à 3 , 25 % , lors du conseil de ses gouverneurs qui se tient exceptionnellement , jeudi , au Luxembourg . Tensions inflationnistes modérées De l' avis général , l' appréciation de l' euro donne en effet des marges de manoeuvre inespérées à la BCE . L' institut d' émission en convient depuis quelques semaines : la bonne santé prolongée de la monnaie européenne " contribue à détendre les tensions inflationnistes " , une formule que Wim Duisenberg a d' ailleurs répétée mardi devant les députés européens . La progression de l' euro et le recul du billet vert ont tendance à alléger le coût des produits importés . La progression de la monnaie unique correspond de fait à un discret resserrement du loyer de l' argent : les économistes de la Deutsche Bank ont calculé que le regain de l' euro représente d' ores et déjà l' équivalent d' une hausse de taux de l' ordre de 0 , 75 point de pourcentage . L' impact d' un euro " fort " serait tel que certains experts reportent à 2003 le prochain mouvement à la hausse des taux de la part de la BCE . Un pronostic qui ne fait pas l' unanimité : de nombreux économistes continuent de tabler sur une hausse du loyer de l' argent dès l' automne . Une bce vigilante L' institut d' émission reste cependant sur ses gardes . Les signaux émis depuis Francfort sont quelque peu contradictoires . " L' inflation est sur une pente descendante " , a certes estimé mardi M. Duisenberg , quelques jours après la publication d' un indice des prix à la consommation favorable pour le mois de juin : avec 1 , 7 % en rythme annuel , cet indicateur est en deçà du seuil de 2 % fixé par la BCE pour l' ensemble de la zone euro . La détente des produits alimentaires et le recul des tarifs pétroliers expliquent , pour l' essentiel , l' actuelle maîtrise de l' inflation . Cependant , si l' appréciation " significative " de l' euro joue un rôle modérateur sur les prix , " il y a à la fois des risques à la hausse " , a estimé M. Duisenberg devant le Parlement européen . La masse monétaire M3 continue de progresser rapidement . L' issue des négociations salariales demeure " inquiétante " dans certains pays . Aux yeux de la BCE , l' inflation a décliné moins régulièrement et moins rapidement qu' escompté à la fin 2001 . L' effet euro durera -t-il ? Dans ce contexte , une question s' impose : la belle santé de l' euro peut -elle se confirmer , repoussant d' autant l' éventualité d' une hausse des taux ? Pour l' instant , le mouvement de rééquilibrage euro / dollar semble s' être ralenti mardi et mercredi , après un mois de forte baisse du dollar . Déficit des comptes courants américains , incertitude sur la vivacité de la reprise , turbulences boursières liées à la mise en cause de grands noms de l' économie américaines , constituent autant de handicaps durables pour le billet vert . D' autant que les autorités américaines ne font rien pour entraver le recul de leur monnaie . Par ailleurs , les Européens semblent se réjouir ( pour combien de temps ? ) d' un euro orienté à la hausse . Aucun lobby ne s' est encore inquiété de l' impact de cette réelle envolée sur les exportations . Jean-Claude Trichet , le gouverneur de la Banque de France , a résumé lundi dans un entretien au Monde ( daté 2 juin ) l' état d' esprit qui prévaut encore au sein de l' union monétaire : " Un euro crédible , solide , inspirant confiance , fort , est dans l' intérêt de l' Europe . " Soutenu de la sorte , l' euro pourrait poursuivre sur sa lancée : " Un appétit marqué des Etats-Unis à la dépréciation du dollar conjugué au soutien unanime de la part des Européens à l' appréciation de l' euro nous amènent à conclure que [ la monnaie unique européenne conserve un potentiel d' appréciation " , estiment les économistes de la banque HSBC-CCF . Pour eux , la monnaie unique ne devrait pas tarder à passer le cap symbolique de la parité , avant d' atteindre les 1 , 05 dollar pendant l' été . Voilà qui devrait permettre à la BCE d' attendre un peu avant de manier l' arme des taux .