1: Dollar , quel juste prix pour l' économie américaine ?
2: Le fait qu' un déficit courant soit toujours financé ex-post ne dit pas à quel prix il le sera .
3: Un déséquilibre ne pose pas de problème tant que les anticipations qui le soutiennent ne sont pas remises en question .
4: Le dollar a été enfin rejoint par la réalité .
5: Il baisse et ce n' est peut-être qu' un début .
6: Au coeur de la glissade , une augmentation du besoin de financement extérieur américain à un moment où les performances de l' économie américaine sont revues à la baisse .
7: La détention d' une devise étant par ailleurs une question d' opportunité de détention de cash , s' ajoute le fait qu' un investisseur est aujourd'hui mal rémunéré ( taux réel négatif ) pour détenir un dollar encore surévalué .
8: Nos marchés financiers sont régis par des régimes d' anticipations adaptatives où le futur est une moyenne pondérée d' observations passées avec de puissants effets de mémoire .
9: Ces régimes ne changent que progressivement .
10: Le taux de change , en quelque sorte le prix d' une économie , est une somme d' anticipations à long terme .
11: Il faut que s' accumulent de nouvelles observations pour que cède la digue d' une croyance .
12: L' idée que l' économie américaine traversait un simple trou d' air a cédé à la réalité d' une croissance durablement molle et d' une inflexion significative de tendance et de potentiel .
13: Le dollar , un temps soutenu , a fini par lâcher prise .
14: Le reste du monde a finalement moins changé que l' économie américaine :
15: la division par deux de son taux de croissance en tendance est le thème majeur , qui n' a sans doute pas épuisé tous ses effets sur les marchés financiers , qui cherchent un équilibre .
16: Il y a nouvelle donne sur les grands chemins des flux de capitaux globaux .
17: Le déficit courant américain est insuffisamment couvert par des entrées nettes de capitaux à long terme ;
18: de surcroît , dans ces capitaux , l' investissement direct a laissé place aux titres privés , plus fragiles , et , à un degré moindre , à une reprise des achats de titres publics ( aversion au risque des investisseurs privés ; contrepartie de l' accumulation des réserves de change par les banques centrales en dehors des Etats-Unis ) .
19: Au même moment , la zone euro enregistre un excédent courant et des entrées nettes de capitaux longs , renversant le déficit initial enregistré au moment du lancement de l' euro .
20: Plus grande frilosité des Européens à investir en dehors de la zone , doutes à l' égard de l' économie américaine , intérêt non résident pour les marchés de titres publics européens mêlent leurs effets .
21: C' est à l' égard de l' euro que le potentiel de dépréciation du dollar s' exprime donc le plus vigoureusement .
22: Le yen est en position intermédiaire .
23: Pour l' instant , le jeu est « gagnant-gagnant » sur l' axe Etats-Unis ( ballon d' air pour les entreprises ) -Europe ( force désinflationniste , en particulier en ce qui concerne le pétrole ) .
24: Le rééquilibrage était souhaité , souhaitable , et ne met pas en péril le profil de croissance d' une zone euro qui a appris de longue date ( France , Allemagne ) à vivre avec des taux de change surévalués et à baisser en conséquence ses points morts à l' exportation .
25: On peut considérer qu' un taux de change euro / dollar voisin de 1 , 15 s' approche , pour certaines estimations , d' un niveau d' équilibre fondamental .
26: Mais les marchés s' arrêtent rarement à l' équilibre .
27: Il existe une force de rappel favorable au dollar :
28: la demande externe de dollar asiatique assez largement captive ( structure du commerce , Chine en particulier ; mais aussi banques centrales asiatiques grosses détentrices de réserves de change où le dollar est en situation quasi monopolistique ) .
29: Il existe toutefois une incertitude majeure :
30: les banques centrales , acteurs pragmatiques , ont l' opportunité aujourd'hui de commencer à diversifier une part de leurs avoirs en euro , ce qu' elles souhaitent faire de longue date , et , du coup , peuvent renforcer la tendance haussière de l' euro .
31: L' ultime force de rappel pour le dollar dans ce contexte viendrait d' une intervention concertée de la Réserve fédérale américaine ( Fed ) , de la Banque centrale européenne ( BCE ) et de la Banque du Japon .
32: Il y aura un déficit courant américain aussi longtemps qu' il existera une demande externe de dollars .
33: Cette demande peut , à terme , se déplacer vers l' euro , avec apparition d' un déficit européen .
34: En l' absence de devise internationale , il ne peut y avoir que des glissements de déficits d' une zone à l' autre .
35: Pour l' instant , et à horizon visible , l' Europe a de bonnes chances d' être caractérisée par un excédent courant et des entrées nettes de capitaux , avec une contrainte ( gérer les conséquences sur les conditions monétaires internes ) et un statut dans l' économie globale , celui d' exportateur net de capital .
36: Pascal Blanqué est le chef économiste du Crédit agricole .