_: Violence interdite QUELLE PLACE donner , en démocratie , aux ennemis de la démocratie ? Faut -il les laisser exprimer leurs idées , quitte à les combattre politiquement , ou les tenir à l' écart de l' espace public en prononçant l' interdiction de leurs organisations ? Depuis la poussée de l' extrême droite au début des années 1980 , ces questions n' ont cessé de se poser . Il y a quelques semaines , dans la page Débats du Monde , deux personnalités socialistes émettaient des opinions divergentes sur une éventuelle dissolution du Front national . " Il faut interdire le Front national , affirmait l' ancien ministre Jean-Luc Mélenchon . Ce n' est pas le trouble qui résulterait d' une interdiction aujourd'hui qu' il faut soupeser , mais le coût de la même mesure à prendre demain quand il serait déjà si tard . " ( Le Monde du 29 mai ) . Le député européen Bernard Poignant lui répondait en soulignant " le caractère artificiel d' une mesure d' interdiction : on coupe une tête , il en pousse une autre " . ( Le Monde du 1er juin ) . Les partisans de l' interdiction ne manquent pas d' arguments : dès le moment où des partis affichent des positions ouvertement racistes et contreviennent aux principes de la République , comment accepter qu' ils participent au jeu politique et disposent des moyens d' expression que garantit la démocratie ? Les adversaires de la dissolution répliquent , non sans raison , qu' on ne saurait interdire des formations qui veulent accéder au pouvoir par la voie électorale et que , de surcroît , à peine dissoutes , elles ne manqueront pas de se reconstituer sous un autre nom : de fait , la dissolution , dans le passé , de nombreux groupuscules d' extrême droite - Jeune nation en 1958 , Occident en 1968 , Ordre nouveau en 1973 , pour n' en citer que quelques-uns - n' a pas empêché l' éclosion ultérieure du Front national . Tant que le parti de Jean-Marie Le Pen se contente de diffuser des idées , si contestables soient -elles , sans prôner la violence , on ne voit pas ce qui justifierait son interdiction : c' est aux tribunaux qu' il appartient , le cas échéant , de le sanctionner pour incitation à la haine raciale ou tout autre délit de même nature . En revanche , la dissolution d' Unité radicale , le mouvement auquel appartient Maxime Brunerie , auteur de l' attentat manqué contre Jacques Chirac , le 14 juillet , paraît tout à fait légitime . D' abord parce que ce groupement , même s' il ne revendique ni ne " cautionne " la tentative d' assassinat du président de la République , ne peut dégager sa responsabilité dans le geste du jeune tireur . Ensuite parce que la mouvance néonazie dont il fait partie est porteuse d' une violence qui a inspiré maints actes criminels . On peut certes considérer qu' une mesure d' interdiction ne saurait être une arme efficace contre un tel groupuscule et qu' elle est même susceptible , comme l' affirme son porte- parole , de lui donner " un vrai coup de pouce " en lui assurant une certaine publicité . Il n' en est pas moins nécessaire de réaffirmer l' autorité de la République face à ceux qui la bafouent et la menacent .