_: Xénophobies INFORMER , c' est aussi regarder en face ce qui dérange et déplaît . Cette semaine , dans ses pages " Horizons " , Le Monde fera ainsi entendre une parole détestable : une xénophobie ordinaire dont l' expression est comme libérée depuis le vote du 21 avril ; un racisme banalisé au point de s' offusquer qu' on puisse même lui attribuer cette étiquette ; une haine de l' autre - " l' Arabe " surtout - qui ne se cache plus mais , tout au contraire , se proclame . A visage découvert , sans honte ni gêne , sortant de l' anonymat , une France des xénophobies se donne désormais à voir et à entendre , dans les entreprises , dans les établissements scolaires , dans les rues des villes , sur les marchés des campagnes . C' est la raison d' être de cette enquête : montrer que la cote d' alerte est atteinte et que l' on s' accommode trop , dans ce pays , d' opinions qui nous font honte . Jeunes ou vieux , pauvres ou aisés , citadins ou ruraux , ceux qui s' expriment ainsi pensent toujours avoir de bonnes et compréhensibles raisons . Ils disent avoir peur , peur du lendemain , peur pour leurs biens , peur pour leurs proches . Ils vivent souvent mal , dans une insécurité sociale où se mêlent des problèmes d' emploi , d' habitat , de qualité de vie , de ghettos , de communautés , d' enfermement sociaux ou identitaires . Ils doutent d' eux-mêmes , des politiques , de l' état du monde et de ce que réserve le futur . Ils expriment confusément un trouble d' identité nationale où se laisse entrevoir le choc de la mondialisation , les incertitudes de l' Europe , la crise de l' intégration républicaine . Bref , leur malaise recouvre des maux réels - sociaux , économiques , culturels , etc. Mais s' empresser de faire ce constat , n' est -ce pas faire le lit de cette xénophobie ? La libération de la parole raciste dans la France républicaine , qui se revendique d' une liberté , d' une égalité et d' une fraternité aux accents universalistes , n' est -elle pas favorisée par cette compréhension en forme d' excuse absolutoire qui est devenue un lieu commun des discours politiques , voire , parfois , intellectuels ? Car , jamais , la pire des misères ne saurait absoudre la haine de l' humanité . On doit expliquer le contexte qui permet au racisme de fleurir , on ne saurait pour autant excuser l' expression de ce racisme . On peut chercher à comprendre ce qui amène le lien social à se déliter au point que des opprimés en viennent à retourner leur malheur contre d' autres opprimés ; mais on ne saurait justifier la revendication d' une haine de l' Autre qui est d' abord une haine de soi-même . Le rapport à l' étranger dit toujours le rapport à l' humanité . Laisser dire la haine de l' étranger , c' est laisser s' exprimer la haine de l' homme . Dans un processus terrifiant d' autodestruction du lien qui nous permet de vivre ensemble , la xénophobie mène toujours à la traque obsessionnelle de l' étranger parmi nous , en l' occurrence du Français qui ne serait pas " comme nous " . L' état actuel de la France , ce mal qui , à nouveau , l' atteint , du retour de l' antisémitisme à l' expression de l' arabophobie , n' est pas fatal . Il est le produit de nos renoncements et de nos accommodements . Réveillons -nous !