_: La leçon de Lula à propos du discours Luis Inacio da Silva samedi 25 janvier 2003 à Davos TENIR le même discours au Forum social mondial de Porto Alegre et au Forum économique et social de Davos ; dire devant les militants du « mouvement social mondial » ce que l' on va expliquer , quelques heures plus tard , à la crème de « l' élite entrepreneuriale globale » . Prendre à bras-le-corps la réalité économique de ce début du XXIe siècle sans céder au confort de l' idéologie . C' est un peu cela le courage intellectuel et politique . Et , dans l' exercice auquel il vient de se livrer de Porto Alegre à Davos , Luis Inacio Lula da Silva a fait preuve de ce courage -là . Il n' a pas renié son « camp » , l' ancien ouvrier métallo diplômé de la « business school » de la lutte syndicale , devenu président du Brésil trois semaines plus tôt. : « J' apporte ici l' espoir de mes frères et soeurs de Porto Alegre » , a -t-il dit , samedi 25 janvier , devant le parterre de chefs d' entreprise et de responsables politiques réunis à Davos . Mais , en exposant son « appel à un nouveau modèle de développement » , il n' a pas , non plus , renié ce qui fait la singularité des propos qu' il tient devant ses amis du Forum social . Qu' est -ce qui fait l' originalité du discours de Lula ? Deux grandes convictions , semble . La première est que la globalisation commerciale , si elle a laissé en l' état une partie de la misère du monde ( en Afrique , notamment ) , en a allégé une autre ( en Asie et aussi en Amérique latine ) . Le président du Brésil sait bien que l' on ne reviendra pas sur le libre-échange . Le chef de l' Etat d' une nation de 170 millions d' habitants qui est aussi la première puissance économique d' Amérique latine n' imagine pas d' avenir pour son pays à l' abri de barrières douanières protectionnistes . Il veut , au contraire , développer les exportations du Brésil . Il a souscrit à Davos à ce « renforcement du libre commerce mondial » auquel appellent les Etats-Unis . Mais la « liberté de marché » , poursuit -il , n' a de sens qu' à des conditions de concurrence bien moins inégales qu' aujourd'hui . C' est sa deuxième conviction : l' échange n' est pas libre quand il met aux prises un Nord qui a tous les attributs de la puissance et un Sud qui en est largement dépourvu . Le premier fixe les règles , l' autre les subit . Lula a beau jeu de dénoncer les subventions agricoles des Etats-Unis et de l' Union européenne . Sur un marché essentiel , elles faussent la concurrence , inondant les marchés du Sud d' exportations à prix de dumping qui torpillent les agricultures des pays sous-développés , lesquelles devraient avoir accès aux marchés du Nord qui s' en protègent ... Lula parle d' un libre-échange mieux partagé , réciproque . Autrement dit , le libre-échange est l' une des armes pour sortir du sous-développement , mais à condition d' être organisé en tenant compte de l' inégale aptitude à la compétition du Sud et du Nord . Il appelle implicitement à une manière de discrimination positive en faveur du Sud pour rétablir les conditions de concurrence . Il ne s' oppose pas à la mondialisation . Il veut la moduler pour qu' elle profite davantage au Sud . Le professeur Lula doit être écouté .