_: Scénario américain LE " PARTI de la guerre " l' a -t-il définitivement emporté à Washington , avec l' aide de son meilleur allié sur le terrain , Saddam Hussein ? A entendre le secrétaire d' Etat , Colin Powell , expliquer que l' Irak avait " totalement failli à ses obligations " devant la communauté internationale et manqué " sa dernière chance " , il est difficile de ne pas conclure que les jeux sont faits . La colombe présumée au sein de l' administration a adopté un langage de faucon et accusé l' Irak de " violation patente " de ses engagements , employant le mot fatidique , celui qui , dans le langage codé du Conseil de sécurité de l' ONU , suffit à justifier l' usage de la force . Ajouter , comme l' a fait Colin Powell , que les Etats-Unis " feront tout ce qui est possible pour éviter la guerre " peut difficilement être pris au pied de la lettre . Cela signifie surtout que Washington continue à privilégier une action dans le cadre de l' ONU et va prendre son temps . Comme on pouvait s' y attendre , l' Irak lui a facilité la tâche . Si volumineux qu' il soit , le rapport fourni sur son armement n' a pas " apporté les preuves " qui permettraient de vérifier ses déclarations , comme l' a expliqué jeudi le chef des inspecteurs de l' ONU , Hans Blix . Mais , contrairement à Washington , M. Blix , si sévère qu' il soit à l' égard du rapport , n' en conclut par pour autant que l' Irak s' est définitivement mis la corde au cou . Il indique seulement que Bagdad doit fournir " plus d' informa tions " , tout en convenant qu' il a fait " beaucoup de progrès sur la procédure des inspec tions " . La position de la France ne semble pas très éloignée . Pour Paris , le rapport comporte des lacunes très préoccupantes , mais l' essentiel est que l' Irak se montre coopératif à l' égard des inspecteurs , et , en tout état de cause , il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives . Washington aussi compte sur les inspecteurs , mais d' une autre manière . Il exige qu' ils se livrent à une opération scabreuse , à laquelle M. Blix rechigne beaucoup : faire sortir de leur pays des spécialistes irakiens et leurs familles pour obtenir d' eux des révélations . Si , comme c' est très probable , Saddam Hussein fait la moindre difficulté , la guerre s' imposera d' elle-même . D' ici là , le dispositif américain dans la région , déjà considérable , aura encore été renforcé . Et les quelques généraux du Pentagone qui ne sont pas convaincus par les chances de succès d' une guerre éclair , sans déploiement massif de troupes , n' auront plus de raisons de s' inquiéter . Le scénario mis en place à Washington semble donc se dérouler parfaitement . George Bush a adroitement fait la synthèse des positions des faucons ( sur le fond ) et des colombes ( pour la forme ) . Pourtant , contrairement aux apparences , il n' est pas seul maître du jeu . Le moment arrivera ou les autres membres du Conseil de sécurité , dont la France , devront faire leur choix , politique et moral : donner , ou non , un brevet de vertu international à une opération américaine dont les motivations dépassent très largement l' objectif de désarmement de l' Irak .