_: Paris-Bruxelles L' affaire Alstom - la politique de la France au sein de l' Union européenne L' AFFAIRE ALSTOM illustre une réalité qui ne date pas d' aujourd'hui : à l' égard de Bruxelles , de la sorte d' exécutif européen qu' est la Commission , la France n' a pas la manière . Les hommes n' aident pas . Ni Jacques Chirac - on le sait depuis longtemps - ni Jean-Pierre Raffarin - c' est plus inattendu - ne sont des européens de coeur . Chez eux , l' Europe est une obligation contraignante plus qu' enthousiasmante . Le président de la République a eu maintes fois l' occasion de prouver que , sur la scène européenne , il croit au moins autant dans les rapports de force que dans la délégation de souveraineté . Il se méfie de la Commission et pèse toujours dans le sens de son affaiblissement quand il s' agit de réformer les institutions de l' Union . Le premier ministre cultive volontiers une sorte de populisme anti-bruxellois , bonhomme et simpliste , ancré dans une vision souverainiste du politique où la Commission européenne ne saurait être qu' un « bureau » peuplé d' irresponsables . Rappel des textes . Dans le système institutionnel complexe qui régit l' Union , la Commission est un exécutif chargé d' appliquer la loi décidée , elle , par les gouvernements des Quinze ( avec , selon les cas , approbation du Parlement ) . Il n' y a aucune loi européenne - on parle de directive - qui n' ait pas été approuvée par la France ( hormis le maintien de l' heure d' été ) . Il faut le répéter : les gouvernements , démocratiquement désignés , décident ; la Commission fait appliquer . Telle est , ou devrait être , la pratique de l' Etat de droit dans l' Europe d' aujourd'hui . Le commissaire chargé de la concurrence , l' Italien Mario Monti , est donc dans son rôle quand il traite le dossier Alstom . Ayant pour mission de faire appliquer les règles du marché unique , il apprécie la conformité du plan de recapitalisation de l' Etat français à ces règles , décidées entre autres par la France . Mais Mario Monti n' aide pas , lui non plus , quand il exerce son mandat , non pas en jugeant au fond , mais de façon procédurière et dogmatique . Il bloque le plan de sauvetage pour des raisons qui relèvent , largement , du juridisme . Ces raisons -là devraient être évaluées au regard de l' enjeu . Alstom , l' un des grands des industries énergétiques et ferroviaires , est un groupe européen : moins d' un tiers de ces 118 000 salariés sont en France . Il n' opère pas dans un secteur en perdition , mais dans une activité de pointe . Dans la compétition mondiale , il est de l' intérêt de l' Europe de disposer de pareilles sociétés . A l' aune de ce qu' elle fait pour les compagnies aériennes ou pour la sidérurgie , on imagine sans peine ce que serait le comportement de l' administration Bush face aux difficultés d' un groupe américain dans un secteur jugé stratégique ... Seulement , la France serait mieux placée pour vanter la pertinence d' une politique industrielle européenne si elle avait un autre comportement dans l' Union . Trop de double langage - une position à Paris , une autre à Bruxelles - , trop d' interventions unilatérales y ont affaibli son crédit . Même quand elle défend une cause juste , comme avec Alstom .