_: Le pape et l' Europe LE MESSAGE , lancé par le pape , dimanche , de sa ville de Cracovie , a été pour lui l' occasion de préciser sa vision de la société et , à travers elle , de l' Europe , une Europe à laquelle il apporte son soutien contre tous les nationalismes , à commencer par celui qui se développe dans son pays d' origine . La société qui se construit depuis dix ans en Pologne sur les décombres du communisme ne ressemble pas à ce qu' il avait escompté : il n' approuve ni le libéralisme pur et dur pratiqué par les ex-marxistes au pouvoir ni la montée de forces antieuropéennes , voire antisémites , qui n' épargne pas le monde catholique . Selon les sondages locaux , un Polonais sur trois serait contre l' adhésion à l' Union européenne . Depuis longtemps , Jean Paul II , condamnant les apôtres du néolibéralisme aussi bien que les nostalgiques d' une Pologne ultracléricale , antioccidentale autant qu' antirusse , presse ses compatriotes d' entrer sans peur dans la famille européenne . L' histoire , la culture , la position géographique de la Pologne , tout les y encourage . Le pape de Cracovie y ajoute sa vision d' une Europe unie par ses racines culturelles et spirituelles , ainsi que l' expérience des deux totalitarismes du vingtième siècle , qui permettrait à la Pologne , victime du nazisme et du communisme , de jouer dans l' Union le rôle de témoin et de gardien de la mémoire . Entrer dans l' Europe , mais pas les yeux fermés . Sur ce point aussi , Jean Paul II est clair : la Pologne doit adhérer à l' Union sans perdre son âme . Or , à l' entendre , la montée de la sécularisation et de l' athéisme , contre laquelle il a mis une fois de plus dimanche le monde en garde , serait une menace pour des valeurs chrétiennes dont la Pologne se veut l' historique rempart , comme elle l' a montré face à l' oppression communiste . Certes , défendre les valeurs chrétiennes au sein de l' Europe ne signifie pas porter atteinte aux droits des autres communautés , juive et musulmane notamment . Mais dans ce " modèle " polonais que Jean Paul II dessine pour l' Europe , ne retrouve -t-on pas le vieux démon catholique tenté d' opposer sa loi morale à la loi civile ? Le Vatican a ainsi violemment protesté contre l' adoption par le Parlement européen , le mois dernier , d' un rapport visant à reconnaître à toute femme un droit à l' avortement . A propos de l' IVG , comme de l' euthanasie et des manipulations génétiques qu' il a également condamnées à Cracovie , le pape se place en " législateur " du monde autant qu' en éveilleur des consciences . Pourtant la polémique ouverte par la suppression , à l' initiative de la France , de la référence à l' " héritage religieux " de l' Europe , dans le préambule de la Charte européenne des droits de l' homme , devrait servir d' avertissement . L' Europe ne saurait être seulement une Europe chrétienne . Evacuer sa dimension religieuse serait absurde , mais celle -ci ne se limite pas au christianisme . Les autres religions doivent y avoir leur place , dans le respect du pluralisme et de la laïcité .