_: Justice et pédagogie Non-lieu général confirmé mercredi 18 juin 2003 dans l' affaire du sang contaminé EN CONFIRMANT , mercredi 18 juin , le non-lieu général rendu le 4 juillet 2002 par la chambre de l' instruction de la cour d' appel de Paris en faveur des trente personnes mises en examen dans le volet « non ministériel » de l' affaire du sang contaminé , la Cour de cassation a clos l' un des dossiers judiciaires les plus protéiformes de l' après-guerre . Tout avait commencé il y a très exactement vingt ans , le 20 juin 1983 , lorsque la direction générale de la santé invita , par l' intermédiaire d' une circulaire désormais célèbre , la communauté médicale à écarter les donneurs de sang considérés comme à risques afin qu' ils ne puissent transmettre les agents infectieux de l' hépatite et de cette nouvelle maladie qu' était alors le sida . On connaît la suite : cette mesure ne fut guère appliquée ; pis , on intensifia le rythme des collectes de sang dans les lieux à risques , en particulier en prison . Au début des années 80 , la France n' avait qu' une vague idée des impératifs de la santé publique . De ce point de vue , mais de ce point de vue seulement , l' affaire du sang contaminé aura produit ses effets : soucieux de ne jamais se retrouver en pareille situation - avait -on déjà vu un ancien premier ministre comparaître devant la Cour de justice de la République avant , sans la moindre contestation possible , d' être acquitté ? - , les différents gouvernements , vingt ans durant , multiplièrent les réformes , toutes destinées à rattraper le retard pris par la France en matière de santé publique . Pendant ce temps , malheureusement , la justice se fourvoyait . On connaît aujourd'hui le paradoxe français : à ce jour , 4 068 personnes ont bénéficié du fonds d' indemnisation des transfusés et des hémophiles contaminés par le virus du sida créé en mars 1992 . Parmi elles , il y a 2 415 transfusés et 1 287 hémophiles . Jamais la justice n' a réellement enquêté sur les raisons pour lesquelles la France est , de très loin , le pays d' Europe occidentale qui compte la plus forte proportion de personnes transfusées contaminées . Comme par ricochet , la machine judiciaire s' est emballée , transformant une catastrophe sanitaire en affaire d' Etat . Sous la pression , ô combien compréhensible , des victimes , la justice sembla longtemps incapable de faire prévaloir le droit , seulement le droit , multipliant aussi bien les mises en examen que les qualifications . Inévitablement , aussi conforme soit -il au droit français , l' arrêt de la Cour de cassation sera perçu par les victimes et leurs proches comme un déni de justice . Une justice qui n' a jamais su , dans cette affaire , sortir de cette alternative qui consistait soit à tordre le droit pénal pour apaiser la douleur des victimes , soit à les renvoyer à leur douleur en leur signifiant qu' elles ont été victimes du hasard , d' un accident . Ni l' un ni l' autre n' était évidemment acceptable . Restait alors à la justice à mettre au jour tous les éléments de cette catastrophe sanitaire , à en faire la pédagogie et , éventuellement , à en tirer des conclusions d' ordre judiciaire . Hélas ! elle ne l' a pas fait . Et , ce faisant , l' affaire du sang ne sera jamais tout à fait refermée .