_: Voyous des mers QUATRE ANS après le naufrage de l' Erika et un an après celui du Prestige , à l' approche de l' hiver et des tempêtes , le bilan de la lutte contre les « voyous des mers » , selon l' expression de Jacques Chirac , reste insatisfaisant . Le transport maritime a toujours été un secteur dans lequel il était aisé d' amasser des fortunes considérables - en Grèce , en Norvège ou , aujourd'hui , en Asie ou en Russie . Les mers continuent d' être sillonnées par des bateaux à bout de souffle , amortis depuis longtemps , qu' exploitent des armateurs ou affréteurs sans scrupule . Chassés des eaux américaines ou européennes , ces rafiots aux équipages mal payés , voire maltraités , se retrouvent sur les mers bordant les pays du tiers-monde , où les contrôles sont quasi inexistants , la nature mal protégée et le droit international contourné . L' Europe , pour sa part , s' inspirant du « modèle » américain - qui exclut tout laxisme - a beaucoup avancé depuis quelques années , sur la voie de la moralisation du transport maritime , notamment celui des hydrocarbures . Elle y était contrainte pour plusieurs raisons : non seulement parce que jusqu'à 2000 la législation communautaire est restée timide et parce que devant ses côtes transitent des centaines de millions de tonnes de marchandises ; mais surtout parce que les marées noires révoltent des opinions publiques de plus en plus sensibles , à juste titre , aux saccages répétés du patrimoine écologique collectif et de ses ressources , au premier chef les océans . Parmi les nouvelles mesures européennes , on citera : calendrier accéléré de retrait des tankers à simple coque , interdiction d' entrée dans les ports européens des bateaux poubelles chargés de fioul lourd , listes noires de navires bannis , surveillance accrue des sociétés de classification , contrôles multipliés aux escales , création à Bruxelles d' une agence de sécurité , suivi du trafic comme dans le transport aérien et boîtes noires à bord . Longtemps médiocre élève , la France améliore son propre dispositif de surveillance , annonce des mesures pénales aggravées contre les pollueurs , mobilise les tribunaux et les procureurs de Brest , Le Havre et Marseille . Mais aucun Etat , seul , ne peut agir efficacement . Les marchandises sont mobiles , comme les navires , et un cargo interdit ici ira facilement faire escale dans un port voisin moins regardant . C' est pourquoi , même si des efforts opiniâtres au plan international sont nécessaires pour faire aboutir des conventions ( notamment pour relever les plafonds d' indemnisation des victimes des marées noires ) , l' Europe doit continuer à se doter de règles contraignantes assorties de sanctions exemplaires , en attendant la création d' un corps de gardes-côtes communautaires . Et , en disant Europe , on ne saurait oublier la Russie , premier exportateur mondial d' hydrocarbures par la Baltique et la mer Noire , où les magnats du pétrole n' ignorent rien des lois de l' argent , y compris de l' argent sale .