_: La France des prisons IL EST de bon ton en France de pointer - à juste titre - la brutalité du système pénal américain . Les chiffres donnent le vertige : les Etats-Unis connaissent un taux de détention record dans le monde . On y compte plus de 2 millions de personnes incarcérées , soit 700 détenus pour 100 000 habitants . La vie en prison peut être un enfer de violences - trop souvent conçue pour faire souffrir autant que pour priver de liberté . Le discours français y voit une des tares du libéralisme exacerbé . Il y dénonce la conséquence d' un système où la répression est le pendant de la jungle économique et sociale créée par l' absence d' Etat-providence . Ce n' est pas en France que l' on verrait cela , cette France qui défend le fameux modèle social européen . Eh bien , pourtant , si , on y vient au modèle américain . La France est dans une logique pénale qui la conduit à mettre derrière les barreaux un pourcentage sans cesse croissant de sa population . Comme aux Etats-Unis . Elle est dans une politique pénale qui la conduit à privilégier la prison dans l' arsenal des mesures répressives contre la délinquance . Comme aux Etats-Unis . Ce mois d' avril est celui d' un record historique : 59 155 détenus en France - soit près de 100 personnes emprisonnées pour 100 000 habitants . Des organisations professionnelles de surveillants et de magistrats dénoncent une mécanique infernale où la construction de nouveaux établissements - un programme est en cours - n' endiguera pas le flux des détenus tant qu' on continuera à envoyer en prison des gens qui n' ont rien à y faire - sans-papiers , ivrognes , indigents . Il y a des pays qui font autrement , et autrement mieux , dans toute l' Europe du Nord . La France est ici un contre-modèle . Car l' accroissement du nombre de détenus conduit à une surpopulation qui fait de la situation dans les prisons une indignité nationale . Ceux qui ne veulent pas savoir devraient tout de même lire le rapport rédigé par des législateurs aussi sérieux et aussi peu subversifs que les membres du Sénat - Prisons , une humiliation pour la République , été 2000 . Dans la patrie des droits de l' homme , les quelque 60 00O détenus actuels s' entassent dans un " parc " pénitentiaire prévu pour en accueillir moins de 50 000 . Des cellules individuelles de 9 mètres carrés sont parfois occupées par deux , voire trois détenus , allongés 20 heures par jour faute d' espace pour se tenir debout . Intimité inexistante , rats et cafards omniprésents ; promenades et soins limités au minimum . On est au-delà de la privation de liberté pour protéger la société ; on croirait lire un rapport d' Amnesty International ... Cela sans que progresse la sécurité dans le pays ! En première ligne , les syndicats de surveillants lancent un cri d' alarme : l' été approche dans des conditions qui mènent à l' explosion . Il faut les entendre . Le taux de suicide ne cesse de progresser . En dépit d' expériences courageuses menées ici et là , le modèle français , en ce domaine , cumule deux qualités : inhumanité et inefficacité .