_: Milosevic et Al-Qaida LE PROCÈS de Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international de La Haye est une date dans la lente émergence d' un ordre mondial gouverné par le droit . Pour la première fois , un ancien chef d' Etat va être jugé par une justice internationale pour des crimes commis contre son peuple . L' ex-président yougoslave est accusé de crimes contre l' humanité et de violations du droit de la guerre . Cette avancée , la plus considérable depuis Nuremberg , est malheureusement ternie par le déni de droit auquel se livrent au même moment les Etats-Unis à l' égard des 457 prisonniers faits en Afghanistan , dont 186 sont détenus à la prison de Guantanamo et 271 au camp américain de Kandahar . Ils sont emprisonnés en dehors de tout statut ; du moins dans un premier temps , puisque , cédant à la pression , le président Bush a finalement dû reconnaître , la semaine passée , un statut de prisonnier , selon les conventions de Genève , à ceux qui sont de nationalité afghane . Que les Etats-Unis veuillent juger les terroristes d' Al-Qaida devant des tribunaux d' exception s' oppose à l' esprit de La Haye et à sa forme puisque le TPI va , lui , veiller très scrupuleusement aux conditions de la défense de Slobodan Milosevic , justement parce qu' il est le pire des criminels . M. Bush donne là des arguments au dictateur yougoslave , qui nie la légitimité du Tribunal de La Haye et parle de " procès politique " . Il estime que le TPI représente non pas le droit mais la " justice des forts " , celle des pays de la coalition armée , conduite par les Américains , qui a injustement bombardé son pays . Il n' est pas seul dans ce combat mené contre la justice internationale et contre la prépondérance des droits de l' homme sur le droit des Etats . Tous les gouvernements sont tentés de défendre leur souveraineté absolue . La naissance du TPI elle-même n' a été arrachée que par l' horreur des crimes et la pression des opinions et , paradoxalement , le bon vouloir américain dans le cas d' espèce des guerres dans les Balkans , puisque les Etats-Unis rejettent toute création d' une Cour pénale internationale permanente . Les avancées sont donc rares et il n' est que de voir combien l' ONU peine à obtenir un jugement des Khmers rouges coupables du génocide cambodgien , ou combien la liste est encore longue de chefs d' Etat criminels pour se rendre compte de l' infinie difficulté de l' émergence du droit international . Il est déplorable de voir les Etats-Unis donner des armes aux amis de Slobodan Milosevic et servir sa fausse démonstration d' un jugement exceptionnel . Il a beau jeu de dire que ceux sans qui il n' aurait pas été arrêté , les Américains , n' acceptent pas pour d' autres ce qu' il subit . Sans doute , le statut juridique des détenus non afghans d' Al-Qaida est -il indéfini . Mais si les guerres du XXIe siècle doivent opposer les démocraties à des terroristes internationaux , c' est l' occasion de faire avancer le droit international , et non pas de l' oublier . La justice est la meilleure arme contre le terrorisme .