_: La loi et la Corse LA condamnation du préfet Bernard Bonnet sanctionne lourdement la faute d' un homme qui s' est comporté , pendant qu' il était en mission en Corse , au mépris de l' Etat de droit qu' il était censé restaurer , mais elle consacre aussi l' échec d' une politique qui avait misé sur la répression , faute de trouver les voies du dialogue . La faute du préfet Bonnet est éclatante . Comme l' a rappelé le procureur d' Ajaccio dans son réquisitoire , " tous les prévenus connaissaient parfaitement le caractère illégal de leurs actions " et celles -ci étaient à la fois " dangereuses pour autrui " et " porteuses d' atteinte à l' ordre public " . Que le principal responsable du maintien de l' ordre dans l' île se soit laissé aller à de tels actes est difficilement compréhensible . Présenté par Jean- Pierre Chevènement , selon le témoignage d' Olivier Schrameck , directeur du cabinet du premier ministre , comme " un homme à poigne capable de restaurer avec fermeté l' ordre républicain " , Bernard Bonnet a manifestement dérapé . Dans sa déposition , Jean-Pierre Chevènement , tout en rendant hommage à la " détermination " du préfet , a reconnu que celui -ci avait peut-être " manqué d' esprit politique à certains moments " . C' est le moins qu' on puisse dire : le représentant du gouvernement a manqué , pour le moins , de mesure et de discernement . Mais l' erreur est également imputable à ceux qui l' avaient nommé . Jean-Pierre Chevènement d' abord , qui , selon Olivier Schrameck , avait avancé son nom " de manière pressante " et qui , en tant que ministre de l' intérieur , n' a pas su contrôler ses dérives . Lionel Jospin ensuite , qui a assumé ce choix et n' a rien fait pour empêcher que ne survienne cette " affaire de l' Etat " - une expression que le premier ministre , en linguiste subtil , jugea préférable à celle d' " affaire d' Etat " . Jacques Chirac enfin , qui donna son accord . A la décharge des principaux protagonistes de cette affaire , il faut souligner que le contexte se prêtait à toutes les surenchères . L' assassinat du préfet Claude Erignac , le 6 février 1998 , auquel Bernard Bonnet était appelé à succéder , avait créé un énorme traumatisme , qui favorisait plus le recours aux méthodes musclées que l' ouverture du dialogue . L' " homme à poigne " choisi par le gouvernement pouvait donc apparaître comme l' homme de la situation et le rétablissement de l' ordre comme une impérieuse priorité . Mais c' était une vision à courte vue . Lionel Jospin a compris , avec retard , que la négociation , aussi incertaine fût -elle , était le seul chemin envisageable . La justice a donc tranché . Elle a puni le préfet Bonnet . Et elle a bien fait : il appartient à l' Etat de donner l' exemple du respect de la loi si on veut que celle -ci retrouve son crédit . Mais ce jugement ne saurait faire oublier que trop de crimes demeurent encore impunis dans l' île . Pour que revienne la paix , l' opinion est en droit d' attendre qu' ils soient tous poursuivis et sanctionnés avec la même fermeté .