_: Punir les parents ? POUR LUTTER contre la délinquance des mineurs , une idée revient régulièrement dans le débat public : il ne faut pas seulement punir les délinquants , il faut aussi sanctionner leurs familles , qui n' ont pas été capables de les maintenir dans le droit chemin . Quelle sanction imaginer ? La plus simple , la plus directe : supprimer les allocations familiales dont elles bénéficient afin de les inciter à mieux surveiller ou à mieux élever leurs enfants . Cette idée a refait surface au cours de la campagne présidentielle . Interrogés par Le Monde , plusieurs candidats se sont prononcés en faveur d' une telle mesure , notamment ceux de l' extrême droite . " Il faut supprimer les allocations familiales aux parents qui ne remplissent pas leurs obligations parentales " , déclarait Jean-Marie Le Pen ( FN ) . " Si les parents ne sont plus capables d' établir des repères et des bornes , c' est à l' Etat de le faire et cela passe par la suppression des allocations familiales " , affirmait Bruno Mégret ( MNR ) . Jacques Chirac s' était contenté de répondre que cette question faisait débat au sein du RPR . Toutefois , comme l' a rappelé à l' Assemblée nationale Pascal Clément , président de la commission des lois , il a fait savoir pendant sa campagne qu' il souhaitait une sanction financière . En revanche , la gauche et l' extrême gauche ont dit leur opposition à une telle mesure . " Prendre en otage des familles entières déjà victimes de la misère serait indécent " , a lancé Olivier Besancenot ( LCR ) . " Démagogie cynique " , a tranché Arlette Laguiller ( LO ) . Au nom de Lionel Jospin , le PS a rappelé qu' une sanction de cette nature existe déjà dans la législation , mais à l' initiative du juge , en cas de manquement grave des parents à leur rôle : il a estimé qu' il ne fallait pas durcir la loi en donnant à cette disposition un caractère systématique . Or c' est précisément ce que vient de faire la droite , majoritaire au Parlement , en adoptant un amendement de Christian Estrosi , député des Alpes-Maritimes , visant à supprimer les allocations familiales dès lors qu' un mineur sera placé dans les nouveaux centres éducatifs fermés destinés aux 13 - 16 ans . Seule réserve : si la famille accepte de prendre en partie en charge l' éducation de l' enfant placé , le juge pourra décider que les allocations seront à nouveau versées . Les députés de droite ont justifié leur position par deux arguments . D' une part , selon le rapporteur du texte , Jean-Luc Warsmann , " quand un enfant n' est plus dans sa famille , les parents n' en supportent plus l' entretien " ; s' ils continuaient de toucher les allocations familiales , " ce serait un avantage indu " , a ajouté Pascal Clément . D' autre part , selon Christian Estrosi , il s' agit de " responsabiliser les parents " . Ces arguments n' ont que l' apparence du bon sens . Ils sont totalement à côté de la réalité : dans la plupart des cas , celle de familles démunies , dépassées , incapables d' imposer leur autorité à leurs enfants . Des familles qu' il faut aider , et non punir . Le vote de l' amendement Estrosi marque une double rupture : la négation du contexte social de la délinquance et le passage de la faute individuelle à la sanction familiale . Ici , il ne s' agit pas de justice , mais d' idéologie .