_: Retraite et repli À propos de la politique sociale de Jean-Pierre Raffarin concernant la réforme des retraites et son manque de dialogue social REPLI , c' est le mot de l' heure . Le mouvement de « mobilisation générale » sur le front des retraites paraît sur le repli . La journée de grèves et manifestations , mardi 3 juin , contre le projet de réforme des retraites n' a pas eu le succès qu' espéraient ses organisateurs . Çà et là , le mouvement de grève a été bien suivi , notamment dans l' éducation , les transports ou La Poste . Mais le pays n' a pas été paralysé ; le taux de grévistes était sensiblement inférieur aux précédents mouvements ; le secteur privé n' a guère suivi . Le premier ministre , Jean-Pierre Raffarin , peut compter , aujourd'hui , sur un essoufflement progressif du mouvement . Le premier ministre effectue lui aussi un repli , reportant à l' automne son projet de décentralisation de l' Etat - qui doit être la marque de son passage à Matignon , dit -il - et celui de la réforme des universités . D' ici là , il aura fait voter le projet de François Fillon , le ministre des affaires sociales , sur la réforme des retraites : alignement du public sur le privé ; allongement du temps de cotisation et , à terme , augmentation du montant des cotisations . C' est une date , un moment important . La France amorce une réforme indispensable . Elle le fait après la plupart de ses partenaires européens . Il n' y a que de très rares experts pour affirmer que les tendances profondes de la démographie permettent le maintien du système actuel . Sauf à abandonner massivement le principe de la répartition , garantie de la solidarité intergénérationnelle , au profit de celui de la capitalisation , ou à accepter une chute drastique du montant des pensions . Jean-Pierre Raffarin a donc fait preuve de réalisme en attaquant ce dossier des retraites . Mais il y a une lourde colonne négative à porter à son bilan . La France se réforme à sa manière , hélas : par la loi , pas par le dialogue social ; par la norme , pas par le contrat . Or il eût été essentiel , et pour le coup véritablement novateur , de tout faire pour réformer autrement sur un sujet aussi sensible et qui touche durement les Français les plus modestes . Convaincu qu' il jouait sa crédibilité sur cette réforme , le gouvernement s' est refusé à privilégier une vraie logique de négociation avec les syndicats . Or tout indique qu' il y avait , au moins sur ce sujet , un front réformiste à la direction de la plupart des centrales syndicales , y compris à la CGT . C' est une situation quasi exceptionnelle en France . La manière Raffarin n' a pas aidé à faire émerger ce front réformiste . Elle risque , au contraire , de laisser des syndicats amers et humiliés . Il y avait une chance de sortir d' une culture d' affrontement pour entrer dans une culture de dialogue social ; l' occasion de favoriser un pacte social , en lieu et place d' une guerre sociale larvée ; de faire comme tant de nos voisins , où le compromis permet des sorties de crise sans vainqueurs ni vaincus . C' est d' autant plus dommage que M. Raffarin va pleurer l' absence d' un tel front réformiste quand il voudra s' attaquer à l' automne , en plus de la décentralisation et des universités , à un dossier encore plus explosif que celui des retraites : le financement de l' assurance-maladie .