_: La leçon turque Le parlement refuse , samedi 1er mars , d' autoriser le déploiement de soldats américains en Turquie LE GOUVERNEMENT Bush vient d' enregistrer un double revers dans sa campagne irakienne . En refusant , samedi 1er mars , d' autoriser le déploiement de soldats américains en Turquie , le Parlement d' Ankara complique les plans du Pentagone . Pour attaquer l' Irak , celui -ci comptait sur l' ouverture d' un front nord , parallèlement à une offensive au sud . Ce front nord passait par la Turquie . Ce pays , allié choyé des Etats-Unis et membre de l' OTAN , devait être la base arrière de quelque 60 000 soldats américains destinés à pénétrer en Irak par le Kurdistan irakien . L' affaire avait été longuement négociée avec le gouvernement islamique d' Abdullah Gül , qui dispose depuis novembre dernier d' une majorité de 353 sièges sur 550 . Pour sa bonne volonté , la Turquie encaissait 6 milliards de dollars de crédits et facilités financières diverses . Et obtenait le droit de déployer à son tour dans le Kurdistan d' Irak pas moins de quatre divisions pour tenir en respect les Kurdes irakiens . Cela n' a pas suffi . A trois voix de majorité , les parlementaires ont refusé d' entériner l' accord négocié par le gouvernement . C' est un camouflet adressé à Washington . L' état-major américain devra revoir ses plans d' attaque . La Turquie est plongée dans une situation politique difficile . Le gouvernement Gül a contre lui une opinion qui , à une écrasante majorité , est opposée à la guerre en Irak . Il est l' émanation d' un parti islamiste modéré - l' AKP , Parti de la justice et du développement - qui n' envisage pas non plus de gaîté de coeur que la Turquie serve de base arrière à une attaque contre un pays voisin musulman . Pour d' autres raisons , les pro-européens de Turquie sont , eux aussi , contre une guerre en Irak : elle amènerait leur pays , candidat à l' Union européenne , à occuper durablement un voisin arabe ... Là réside le deuxième revers , et peut-être le plus grave , enregistré ce week-end par Washington . Car cet épisode turc montre toute la difficulté , et l' ambiguïté , de l' objectif stratégique fondamental que s' est fixé le gouvernement Bush en menant la guerre en Irak : remodeler le Proche-Orient ; commencer par abattre une tyrannie , celle de Saddam Hussein , pour intimider les autres ; installer à Bagdad un pouvoir dont le rayonnement modérateur changera à terme la physionomie politique de la région . Or le moins que l' on puisse dire est que le projet américain de faire occuper le Kurdistan d' Irak par l' armée turque - instrument du martyre des Kurdes de Turquie - augure bien mal de la démocratisation de la région . Il donne satisfaction à l' état-major turc . Celui -ci veut empêcher que les Kurdes d' Irak ne bénéficient de l' après-Saddam pour accentuer encore leur autonomie et , ce faisant , se posent en modèle pour leurs frères de Turquie . Les Turcs veulent rogner ce que les Kurdes d' Irak , dans la zone protégée par les Américains depuis 1991 , ont gagné en liberté et en autonomie . Le sort réservé aux Kurdes au Proche-Orient est un test de la démocratisation de la région . A cette aune -là , le projet américain est un recul , pas une avancée .