_: Le Pen , version Poujade ? JEAN-MARIE LE PEN est de retour , pour son quatrième et dernier combat présidentiel . On l' aura à peine vu venir , tout occupés qu' étaient journalistes et politiques à sonder le duel futur Jospin-Chirac et à commenter l' ascension de Jean-Pierre Chevènement . En soi , la discrétion médiatique du président du Front national est , pour lui , une première victoire . Jusqu'alors , chacune de ses précédentes entrées en campagne était précédée d' un parfum de scandale et de démesure verbale . A 73 ans , il est devenu aussi " naturel " que n' importe quel autre de la vingtaine de candidats déclarés . Installé dans le paysage politique , aussi régulier dans ses retours médiatiques qu' Arlette Laguiller , par exemple , il est déjà crédité de 9 % à 12 % des intentions de vote , selon les différents instituts de sondage . Avec beaucoup moins d' efforts accomplis que le président du Mouvement des citoyens , il peut déjà disputer au " Che " le titre de " troisième homme " . Peut -il aller plus loin ? Dépasser son score de 15 % lors de l' élection présidentielle de 1995 ? M. Le Pen a conscience d' avoir commis ce qu' il appelle , par euphémisme , quelques " bévues " . Le " détail " de la seconde guerre mondiale ( la Shoah ) , " Durafour crématoire " , l' altercation musclée avec la candidate socialiste lors des législatives à Mantes-la-Jolie , etc. On en passe d' autres , terrifiantes , qui ont ravi le noyau dur de l' électorat d' extrême droite , mais qui ont rebuté d' autant ceux qui , rêvant d' un Etat fort et " souverain " , auraient préféré un discours et des méthodes moins musclés . Conscient du handicap , le président du Front national veut amender cette image et incarner une extrême droite plus familière au paysage politique français : poujadiste , nostalgique , populiste , quasi familiale . Cette posture , espère -t-il , pourrait lui permettre de piocher dans l' électorat de Jean-Pierre Chevènement et chez les déçus de Jacques Chirac , ses deux meilleurs ennemis . Mais Jean-Marie Le Pen n' a rien cédé sur le fond . S' il peut chanter du rap , fumer le narguilé et plaindre à l' avance Zinedine Zidane de l' opprobre qui s' abattrait sur lui dans le cas où la France perdrait la Coupe du monde de football , il saura - s' il le faut - ressortir de la remise ses propos les plus contestables , ses outrances , son racisme . Le but , cette fois , est d' empêcher son pire ennemi , Bruno Mégret , de s' afficher comme l' héritier d' un " lepénisme " que son créateur aurait dévoyé . Certes , le président du MNR pèse à peine plus de 2 % dans les intentions de vote , et rien n' indique qu' il réunira les signatures pour se présenter . Mais Jean-Marie Le Pen a décidé , pour cette élection , d' additionner des électorats . Le risque est double . Trop de tempérance et de rondeur , s' il réussit à s' y tenir , risque de le fondre dans le paysage politique , aspiré par la machine à remonter le temps : Le Pen , de retour à ses débuts en politique , installé entre Pierre Poujade et Jean-Louis Tixier- Vignancour , pourrait perdre sa singularité . Des positions trop extrêmes le rejetteraient à nouveau à la frange du débat électoral . Ne lui resterait plus alors que sa capacité de nuisance . Elle est encore dévastatrice pour la droite .