_: CULTURE - MUSIQUE . Les APPRENTIS musiciens à l' heure du « débrouille-art » Les nouvelles pratiques des enfants de l' électronique QUAND les uns envoient leurs productions aux compagnies phonographiques ou aux Inrockuptibles , d' autres , en particulier dans la musique électronique , composent leurs disques sans se soucier des codes en vigueur . Ainsi , mi-album original , mi-compilation , Miyage , du duo K . I.M . est arrivé cet automne accompagné d' une note biographique absurde : Flokim Lucas et Jimmy Bazzouka , ses mystérieux auteurs , sont présentés comme des activistes végétariens franco-coréens qui auraient vendu des melons sur le bord de la route afin de réaliser ce disque . Objet impossible à classer dans un rayon de disquaire , Miyage mêle les compositions orientalisantes de K . I.M . à quelques-uns de leurs morceaux favoris - Edith Piaf , le punk-rock du Gun Club , le disco déjanté de Psychic TV ou les musiques hawaïennes d' Arthur Lyman - avant de s' achever par une reprise de Meat Is Murder du groupe The Smith . Ce choix hétéroclite a séduit Joakim Bouaziz et Charles Hagelsteen , créateurs du micro-label Tigersushi et du site Internet du même nom , qui y retrouvent leur façon d' appréhender la musique dans son ensemble : « On ne s' embarrasse plus du tout de style , dit Joakim . Avec Internet , on prend l' habitude de piocher , de développer une culture très individuelle » , qui , paradoxalement , plaît à beaucoup . Tony Morley , le patron du très respecté label Leaf , en a déjà fait son disque de l' année . Il n' est pas le seul . Plus homogène à l' écoute , Dirty Diamonds donne aussi dans le grand écart spatio-temporel . Rencontre de trois personnalités aux goûts lointains , Guillaume Sorge ( électronique ) , Benjamin Morando ( classique et contemporain ) et Clovis Goux ( rock et blues ) , Dirty Diamonds est une compilation créative , inspirée du site qu' ils animent ( d-i-r Elle réunit sous le même toit les compositions du cinéaste de science-fiction John Carpenter et les Zombies ( groupe pop rival des Beatles ) , pioche dans la discographie de Michel Polnareff pour y dénicher un instrumental avant d' enchaîner sur la techno découpée du Canadien Akufen . DE FIL EN AIGUILLE La démarche reflète parfaitement , selon Guillaume Sorge , la façon dont les nouveaux mélomanes abordent la musique : « On achète beaucoup de disques , on télécharge beaucoup également . L' hypertexte [ les liens actifs d' une page Internet ] a créé une autre façon de consommer la musique . On télécharge le « best of » d' un groupe dont on a entendu parler , on lit la biographie , puis on clique sur le nom du batteur qui , justement a fait un disque solo . Ça va très vite . On ne découvre plus les choses de façon linéaire , mais transversale. » Ce parcours de fil en aiguille ressemble à celui de beaucoup d' internautes , fascinés par cette malle au trésor que représentent les sites de téléchargement , même si tous ne sont pas aussi connaisseurs . Loin de l' image des pirates , plus proche de celle d' une communauté de passionnés désireux de partager un savoir difficilement accessible , avec les avantages de l' immédiateté , de l' écoute avant achat . Tous précisent que , s' ils aiment le disque , ils l' achètent , par plaisir et par respect pour l' artiste . Les enfants de l' électronique , après l' avoir samplé , glorifient désormais un passé , se cherchent d' autres origines , moins évidentes . Le phénomène n' est pas nouveau , mais va au-delà du simple « revival » dicté par la mode . « Dirty Diamonds , dit Guillaume Sorge , établit des filiations improbables . Pour moi , John Carpenter en 1981 , c' est de la musique minimale allemande alors qu' il n' est jamais cité comme un précurseur de cette scène. » Cette envie de découverte loufoque , « par le petit bout de la lorgnette » parfois , mais avec un souci de sérieux dans l' information , est relayée sur leurs sites respectifs . Il y règne , selon Charles Hagelsteen , « une liberté de ton qu' on ne trouve plus dans les médias classiques » . C' est , en outre , une façon d' échapper à la pression de l' actualité . Miyage comme Dirty Diamonds ont une qualité rare en cette époque de l' éphémère : leur intemporalité , par le mélange de titres actuels et passés . Miyage , de K . I.M . , 1 CD Tigersushi / Discograph ; Dirty Diamonds , 1 CD Diamond Traxx / Discograph .