_: CULTURE PORTRAIT . François-René Duchable , le choix de la touche Fatigué des tournées « montre en main » , le pianiste prend congé en fanfare d' une brillante carrière menée à contre-coeur , pour retrouver la fantaisie de jouer où et quand bon lui semble ON L' A VU sur tous les fronts médiatiques ces dernières semaines , frondeur et désabusé , effectuant son tour de France des derniers concerts après l' adieu à la capitale du 25 mai au Théâtre des Champs-Elysées . Cynique sentimental et croisé militant qui n' a pas peur de crier à la face du monde son désir de bonheur et de réconciliation , François-René Duchable a donc décidé de rompre avec le pianiste qu' il est depuis toujours et d' en finir avec une carrière qui n' était pas son genre . - 16 Disques : 1980 A 16 ans , j' étais déjà comme ça , et j' ai quand même tenu 35 ans ! » Comme tous les surdimensionnés du sensible , François-René Duchable a l' esprit qui désencaustique - verbe dru en parade , jeu de mots en forme de dague , et la contrepèterie en guise de rapière . Dans un monde où les cadets de Gascogne pourfendeurs de claviers le disputent aux précieuses du toucher , il préfère , comme Cyrano , se servir lui-même la fin de l' envoi . C' est donc avec panache qu' il précipitera d' un hélicoptère son piano aigle noir dans un lac du Mercantour ( le 28 juillet ) , cramera son habit de scène en autodafé , après un récital en Provence le 31 juillet , purifiant ainsi par l' eau et par le feu les attributs d' une servitude hautaine . Et puis , il y aura le bouquet final , le 29 août , à Talloires , près de chez lui , au bord du lac d' Annecy : un piano explosera en plein vol après un spectacle sur le thème « Le concert est mort , vive la musique » . Un drôle d' « oiseau-prophète » , ce Duchable , à la fois naïf et bravache , genre les cahiers au feu , la maîtresse au milieu . « Je sais que tout cela peut passer pour de la pose et de l' orgueil , et je n' exclus pas que ce soit en partie exact , mais j' ai surtout envie de dire à mon public : « Durant toutes ces années , vous avez cru que nous étions heureux ensemble . Moi , de mon côté , je souffrais le martyre. » Tant pis si c' est cruel ! » Des amours pianistiques , des passions musicales , en a -t-il pourtant levées , « Duduche » , le mal-aimé des scènes internationales , adulé cependant dans les endroits raréfiés où les réputations se font par l' acquiescement silencieux des pairs : ainsi à La Roque-d'Anthéron , où il était considéré comme un demi-dieu . Son gabarit de grimpeur de cols ( le vélo , un sport qu' il adule ) , son visage expressif , fin et nerveux , sa barbe de berger sarde et surtout sa technique d' horlogerie suisse et sa sensibilité feutrée d' edelweiss , tout cela pouvait vous mettre à l' envers . « Certains me disent que je n' ai pas le droit de partir . Mais ce que je fais n' a rien à voir avec une amputation ! D' abord , je continuerai à jouer pour moi , pour les autres aussi , ceux à qui j' ai envie d' apporter quelque chose . Tout , sauf ce circuit de blanchiment de la musique qu' est devenue la vie d' un artiste professionnel . Ces salles programmées au kilomètre , ces orchestres oeil sur la montre syndicale , ces publics contents d' eux ! Ils m' ont fait vivre , oui , mais j' en crevais tous les jours . Et puis , je ne veux pas mentir . Certains se contentent de tourner éternellement avec 22 concertos et 4 programmes de récital . Pas moi . Je suis lassé de ce métier et n' ai plus d' énergie pour apprendre : j' aurais l' impression d' être un affreux marchand de doubles croches. » L' avenir sur « pianocipède » A partir du 1er septembre , François-René Duchable aura enfin cette vie bucolique à laquelle il aspire , apaisée comme une psalmodie des origines , nez en l' air et dos dans l' herbe , près de ses ânes broutant . Lui qui s' est donné sans jamais consentir , il s' adonnera enfin au consentement . Fera avec ceux qu' il aime ce qu' il aime faire . Ainsi son amicale collaboration avec le comédien Alain Carré , avec qui il a déjà monté et montera des projets littéraires et musicaux dans des lieux improbables . Saltimbanque pour saltimbanque , il a choisi de choisir ses rencontres , de susciter des réactions , des étonnements , et , pourquoi pas , des ravissements . Il s' est d' ailleurs fait construire un « pianocipède » , vélo à clavier qui lui permet d' aller où bon lui semble , au gré de l' heure et de sa fantaisie , de jouer sur la place d' un marché , le parvis d' une église , la cour d' une ferme . Nouveau Don Quichotte de la Manche pas manchot , François-René Duchable a dans la tête parmi d' inaccessibles étoiles celle qui mène en Galilée . « Comme disait Bernanos , croire , c' est 23 h 59 de doute pour 1 minute de foi . Je crois à quelque chose qui a à voir avec la lumière et la droite du Père . Quelque chose que j' ai parfois perçu pendant les concerts , où je me sentais comme une sorte de druide ou de prêtre . L' après-concert était généralement d' autant plus douloureux. » A 51 ans , François-René Duchable se sent la force de pardonner à sa mère cette enfance inclinée au piano , l' impossible réparation de la mort prématurée d' un père initiateur de la musique , la carrière qu' il a su réussir tout en en gâchant parfois savamment les chances . « Je me souviens d' un concert avec le Concertgebouw d' Amsterdam . Peu avant la date prévue , au lieu de me faire porter pâle , je leur ai dit , ce qui était vrai , que je n' avais pas appris le concerto . Non seulement ils ont tout annulé , mais je n' ai plus jamais été réinvité . Je me rends compte que je voulais punir ma mère et me punir . Maintenant que je suis revenu vers elle , je veux être là pour accompagner ses derniers pas. » Dis , quand reviendras -tu ? François-René Duchable s' esclaffe : « Pourquoi pas à 65 ans , au moment de la retraite , histoire de montrer à Raffarin qu' on s' en fout ! En attendant , je vais donner des master classes à l' Ecole normale de musique de Paris , des cours au conservatoire de Lausanne , faire du vélo , et , surtout , travailler mon piano d' arrache-pied. » Derniers concerts : au festival Piano aux Pyrénées à Bagnères-de-Bigorre ( 65 ) , le 22 juillet ( - 62 - 92 « Je veux désormais être disponible pour bien vivre . - 00 00 - 93 - 23 - 25 - 90 ( - 94 - 86 Déjà en 1968 , au Concours Reine Elisabeth , j' étais content d' être arrivé en finale , 11e sur 12 candidats . - 90 - 67 ( ) . 4 CD chez Virgin Classics ( 1 récital Chopin , 1 récital Liszt , 1 récital Chopin , Liszt , Schumann , 1 récital Bach , Scarlatti , Mozart , Beethoven ) . DVD : intégrale des concertos pour piano de Beethoven avec John Nelson et l' Ensemble orchestral de Paris , chez Ambroisie . 1952 Naissance le 22 avril . 1965 Premier prix au conservatoire de Paris . J' étais surtout content parce que j' allais pouvoir rentrer plus tôt chez moi , en Savoie , échapper au sort des premiers lauréats et à leurs séries de concerts obligés , jouer seulement pour moi . 1968 Lauréat du Concours Reine Elizabeth de Belgique . Rencontre Karajan . 1996 - 97 - 99 Trois Victoires de la musique , catégorie " Meilleur soliste instrumental de l' année " .