_: Théâtre Orgia , le chant de la vie dans l' au-delà Paris Où l' on mesure , une fois encore , l' influence considérable de Claude Régy sur le théâtre d' aujourd'hui . Certains metteurs en scène le copient , croyant atteindre , avec une lenteur forcée des mouvements et des voix , les rives ultimes de la conscience où il nous mène . D' autres , plus rares , réinventent le chemin . Jean Lambert-wild est de ceux -là . Il a 30 ans et vit à Belfort , où il est artiste associé au Théâtre Granit . Il pratique autant la performance que la mise en scène . Après Sénèque , Gombrowicz , Bond et Kafka , il aborde pour la première fois Pasolini . Orgia relate un fait divers : un homme tue ses deux jeunes fils et sa femme , puis il se suicide . Si l' on écoute Pasolini , on entend un chant du désir à mort autant que de mort du désir : celui d' un couple de la bourgeoisie , dans l' Italie des années 1960 , qui joue le jour une vie attendue et livre ses nuits à un amour meurtrier . Pasolini met en scène l' homme et la femme , dans l' au-delà , qui revivent , en ombres meurtries , les stations de leur chemin de croix . Comme dans un récit mythologique , ils en appellent au temps immémorial qui les a vus naître - elle dans une campagne où les champs de luzerne et les maisons de voisins étaient le monde entier , lui là où les cloches vibraient comme des nids de serpents sous la terre . Tout autant qu' ils le haïssent , l' homme et la femme ont une nostalgie inconsolable de ce temps où les voix nommaient mais ne parlaient pas . Il est lié à la violence charnelle comme une racine à une pierre . Jean Lambert-wild nous emmène dans cette zone archaïque où les mots ne sont que des sons . Sa mise en scène est un rituel de l' unité morcelée , à l' image des figures étranges qui naissent et meurent sur un tulle invisible du décor : des larves aux formes mouvantes , qui flottent dans l' espace comme les méduses se laissent bercer par les fonds marins . Ces figures ont été élaborées par la cellule technologique de l' université de Belfort- Montbéliard , à partir d' un système qui permet une interaction diffuse entre des comédiens et des organismes artificiels modélisés . La sophistication de la démarche passe au-dessus de la tête des spectateurs . Mais cette magie les plonge dans un état d' apesanteur mentale . Les comédiens apparaissent dans une lueur bleue . Ils se tiennent comme s' ils étaient allongés sur des lits qui auraient été redressés . Elle ( Mireille Herbstmeyer ) , droite , la tête tournée vers l' avant , le corps masqué par une ample robe . Lui ( Eric Houzelot ) , de guingois , le visage tourné vers elle , la main posée sur l' aine . Deux revenants , jamais revenus de leurs nuits , deux voix qui , en leur gravité , se ressemblent et s' unissent pour n' en devenir qu' une , androgyne , dans la lente et violente plainte de l' appel à en finir . Il y a aussi , dans Orgia , une toute jeune femme ( Nolwenn Le Du ) , la fille du premier jour sans été . Tous les trois font entendre une langue qui ne distingue pas la mort de la vie .