_: FRIEZE déroule le gazon vert aux collectionneurs Très jeune , très chère , la foire londonienne d' art contemporain entend bien , dès sa première édition , concurrencer la Fiac et Bâle . 124 des plus grandes galeries du monde se côtoient à Regent's Park Voila une foire qui ratisse : deux jardiniers , équipés de chaussures à clous , restaurent la pelouse en pente raide imaginée par Paola Pivi , une des treize artistes invitées ès qualité par la nouvelle foire de Londres , Frieze . Les Anglais aiment le gazon : la foire se tient sous une tente dans l' herbe de Regent's Park , à Londres . Ils s' y roulent , même : c' est ce que demande Paola Pivi aux visiteurs , conviés à se vautrer dans ce toboggan d' un nouveau genre . Lorsqu' ils l' ont bien descendu , les badauds applaudissent . Les 124 marchands présents aussi , et même ceux qui n' y participent pas et sont venus en spectateurs , comme Jérôme de Noirmont , encore enthousiasmé par le vernissage . « L' ambiance était euphorique , extraordinaire . Une sensation de punch , d' énergie . Tous les grands collectionneurs étaient là . Les gros , bien sûr , les Américains évidemment , mais aussi les moyens , ceux qui , en Allemagne ou en Grande-Bretagne , achètent une ou deux oeuvres par an. » Dès sa première édition , Frieze Art Fair veut d' emblée jouer dans la cour des grands . Elle regroupe 124 des principales galeries d' art contemporain du monde qui , sous une tente de 11 000 m& 194;& 178; plantée dans au centre de Londres , proposent aux chalands un millier d' artistes parmi les plus novateurs . Contrairement à d' autres foires , elle ne surgit pas à l' initiative de marchands ou d' organisateurs d' expositions , mais a été fondée par Matthew Slotover et Amanda Sharp , créateurs en 1991 de Frieze , une revue consacrée à l' art contemporain . C' est sans doute cette originalité qui fait de Frieze une manifestation attachante , qui mêle galeries , éditeurs et artistes invités à titre individuel , mais intègre aussi une programmation de courts métrages et , pour les noctambules , une programmation musicale . La galeriste parisienne Nathalie Obadia est optimiste : les ventes du premier jour , réservées aux « professionnels » ( entendez , les collectionneurs invités ) , suffisent à couvrir ses frais . Mais surtout , elle a rencontré là des têtes nouvelles . « Je vends les mêmes artistes qu' à la Foire internationale d' art contemporain ( Fiac ) mais à d' autres gens. » Ainsi l' artiste portugais Joao Queiros , qu' elle a découvert à la Biennale de Venise , a -t-il rejoint deux nouvelles collections : celle d' un Britannique très connu , qui souhaite rester anonyme , et celle du Musée d' art moderne de New York . Esther Schipper , de la galerie berlinoise Schipper & Krome , est plus réservée : « Les grands collectionneurs sont tous là , mais ce sont toujours les mêmes . Je n' ai pas vu un Anglais pendant l' après-midi professionnel , sauf des artistes . Il n' est pas certain qu' on puisse créer une clientèle locale. » Elle pointe là le talon d' Achille de cette nouvelle manifestation : les collectionneurs sont rares en Grande-Bretagne . Le pays abrite certes le grand méchant loup de cette corporation , le publicitaire Charles Saatchi , et quelques rock-stars comme David Bowie et Elton John qui , à force de chanter leur intérêt pour l' art contemporain , finiront bien par le rendre « glamour » et désirable au vulgum pecus , mais le terreau est ici trois fois moins développé qu' en France , selon les spécialistes . La Parisienne Chantal Crousel est pourtant plus optimiste . « Si , ils existent . Il y a une jeune génération de collectionneurs très ouverte . D' où l' intérêt de cette foire qui ne montre que de l' art contemporain : cela leur évite de se disperser. » Elle a d' autant plus de raisons de se réjouir que trois oeuvres de son stand ont bénéficié de l' intérêt des responsables d' un fonds d' acquisition imaginé pour l' événement : cornaqués par la collectionneuse britannique Candida Gertler , quelques dizaines de philanthropes ont réuni 100 000 livres pour effectuer des achats durant la foire . Les oeuvres sélectionnées seront ensuite remises à la Tate Modern , le musée dont la création a changé le visage de l' art contemporain londonien . Une vidéo d' Anri Sala , deux du Kurde ( citoyen turc ) Fikret Atay , repéré à la Biennale d' Istambul : la journée fut bonne pour Crousel et ses artistes . C' est cela , Frieze . De grands noms de l' art très contemporain , tant du côté des artistes , que de celui des galeristes et des collectionneurs . « J' ai l' impression qu' il n' y a pas une oeuvre antérieure à 1990 » , dit Jérôme de Noirmont . Certes , le Picasso que Leslie Waddington a vendu pour un demi-million de dollars date de 1972 mais cette vénérable galerie fait figure de martien dans cette foire très , très jeune . Trop , de son point de vue : le vernissage ouvert au grand public , qui a fêté la chose par moult libations , l' a contraint à fermer temporairement son stand , les lavis d' encre de Chine s' accommodant mal des flots de bière tiède . LA SOIF DES ACHETEURS C' est pourtant cette ambiance qui séduit Martin Guesnet , le spécialiste d' art contemporain de Artcurial-Briest , un des fins connaisseurs de la chose . « C' est très vivant , cela donne très envie . Et c' est très cher. » Le prix des oeuvres , réellement élevé , ne suffit pourtant pas à dissuader les amateurs . Tanya Bonakdar , par exemple , une des très bonnes galeries de New York , a choisi de montrer chaque jour , une exposition personnelle d' un de ses artistes . Pour l' ouverture , c' était Olafur Eliasson , qui bénéficie d' une exposition à la Tate Modern . Le lendemain , l' heureux gagnant était Thomas Scheibitz , dont les peintures ( mais oui , à Londres , et plus généralement dans le reste du monde , la peinture fait partie de l' art le plus contemporain , contrairement à ce que l' on croit à Paris ) , ont toutes été vendues . Samedi , c' est le tour du duo Elmgreen et Draget , pour clôturer dimanche et lundi avec l' excellent Brésilien Ernesto Neto . Tous sont hors de prix . Mais tous sont désirables , pour le petit monde des collectionneurs . Dont certains sont contraints de s' inscrire sur des listes d' attente . Le procédé vient des Etats-Unis et donne la mesure de la soif des acheteurs : le premier arrivé réserve l' oeuvre de son choix . Le deuxième prend son tour . Et ainsi de suite . Si l' un se dédit , le suivant prend sa place , à moins qu' il n' ait été grillé par quelqu' un de mieux introduit . Inutile de dire que les découvertes sont rares dans ces circonstances : nos amateurs d' art veulent tous la même chose , l' artiste dont on parle . Rares sont ceux qui , comme les Français Jean Chatelus ou Antoine de Galbert , peuvent sourire devant les prix annoncés : les oeuvres qui sont ici , ils les ont découvertes il y a bien longtemps , avant les autres . Ce qui ne les a pas empêchés de mettre la main au portefeuille , quand il le fallait . Frieze Art Fair , Regent's Park , Londres , W1 . Tél. : 44 - 0870 - 060 - 17 - 89 . Entrée 10 livres sterling . Tous les jours de 11 heures à 19 heures . Le lundi , jusqu'à 17 heures . Jusqu'au 20 octobre . Internet : www.friezeartfair.com