_: Les noirs d' encre de T' ang Haywen Paris L' encre peut avoir une multitude de couleurs , même quand elle est noire et vient de Chine , surtout quand elle vient de Chine . Tél. : Le Musée Guimet nous le prouve encore une fois . Jean-Paul Desroches y présente un artiste contemporain , d' origine chinoise , T' ang Haywen ( 1927 - 1991 ) , passeur de saveurs d' une Asie bien vivante . Son pinceau imbibé d' encre plus ou moins diluée laisse sur le papier toute une gamme irisée . Le peintre est originaire du sud de la Chine . Très jeune , il est initié à la calligraphie par son grand-père , mais la guerre sino-japonaise pousse sa famille à se réfugier à Cholon , immense faubourg chinois de Saïgon . En 1948 , T' ang Haywen est à Paris où il s' initie à la peinture . Ses premières années seront consacrées à une exploration en profondeur de la tradition occidentale . On peut voir à Guimet les résultats de ces visites express , avec des oeuvres qui rendent tour à tour hommage à Monet , Gauguin , Cézanne , Van Dongen ou Turner . Après cet apprentissage qui va le mener jusqu'au début des années 1970 , T' ang Haywen abandonne l' aquarelle , la gouache et l' acrylique pour se consacrer presque exclusivement à l' encre en retrouvant une structure calligraphique et les deux couleurs fondamentales de la Chine , le rouge et le noir . Ou plutôt les noirs , avec toutes sortes de dégradés . Du noir profond au lavis liquide presque transparent qui se diffuse , plus ou moins , par capillarité , dans le papier humidifié . T' ang Haywen travaille essentiellement à des diptyques , dont les formats sont presque identiques : deux grandes feuilles de papier placées côte à côte . Ce qui lui suffit pour exprimer un univers très balancé , à base de plein et de vide , d' ombre et de lumière , reflet de la philosophie taoïste qui l' imprègne . Ses deux grands thèmes , très chinois là encore , sont la nature et le signe . Une nature transfigurée , intériorisée ; des signes elliptiques . On peut voir dans ces lignes zébrées , dans ces hachures en dents de scie , dans l' éclaboussure de ces touches rapides des instantanés , des impressions fugitives , joncs brassés par le vent , herbes en touffes , cimes voilées de brumes , paysages sous-marins , ou encore des portées musicales , des ponctuations , des calligraphies de rêve . Toute anecdote est bannie de cette peinture qui opère par glissements plutôt que par rupture . T' ang Haywen est dans le droit fil d' une tradition chinoise qu' il n' a même pas besoin de revendiquer . C' est à Wang Wei ( 699 - 759 ) , le vieux maître de " l' encre éclaboussée " , que l' on attribue l' idée , cent fois reprise , qu' une peinture est un poème et un poème une peinture . Indifférent à tout esprit d' avant-garde , T' ang Haywen fait pourtant figure de précurseur , quand , en 1973 , il réalise , avec son ami Tom Tam , un film expérimental en utilisant ses oeuvres . Il enregistre , avec une caméra 16 mm - aujourd'hui , il utiliserait sans doute une vidéo - une série de grands diptyques , alternant la vitesse et les rythmes , les plans fixes et les séries . Les images apparaissent par saccades , les traits se brouillent , se superposent sur notre rétine , les encres défilent , animées d' une vie propre , pour donner naissance à une oeuvre nouvelle à la fois semblable et singulière - l' esprit du tao . " T' ang Haywen " , Musée Guimet , 6 , place d' Iéna , Paris - 16e . L' exposition organisée au Grand Palais en 1998 à partir des oeuvres du musée de Taïpeh nous en avait montré toutes les nuances , tous les dégradés , en puisant dans les collections historiques de l' établissement . 01 - 56 - 52 - 53 - 45 . Du mercredi au lundi , de 10 heures à 18 heures . Jusqu'au 10 septembre . De 4 euros à 5 , 5 euros . T' ang Haywen , les chemins de l' encre , textes de Jean-François Jarrige , Jean-Paul Desroches et Philippe Koutouzis , Editions de la Pointe , 156 p. , 38 euros .