Le Monde

1: Concha bonita , une comédie musicale en panne de légèreté ;

2: Le nouveau spectacle d' Alfredo Arias déçoit malgré la grande Catherine Ringer

3: LES CHEMINS de traverse empruntés par Alfredo Arias au cours de sa déjà longue carrière sont nombreux , variés , imprévus .

4: On l' a vu jouer ( récemment , Madame , des Bonnes , de Genet : un triomphe ) , diriger des pièces de poche , des spectacles d' envergure , des opéras sérieux ou fantoches , des revues au Folies- Bergère .

5: Il sait tout faire , trébuche parfois , mais son nom au haut d' une affiche est en général le signe que l' on va sortir avec la bouche en demi-lune .

6: Mais cette Concha bonita , luna bonita a le croissant tombant et passablement tristoune .

7: Avec Catherine Ringer dans le rôle principal de Concha , qui tire on ne pourrait mieux son épingle du jeu par une présence forte mais contenue - loin de ses excentricités scéniques chez les Rita Mitsouko - , on pensait trouver là de quoi jubiler .

8: On pensait remonter allégrement les marches de Chaillot après avoir passé un bon moment en compagnie de cette histoire de transsexuel rangé des voitures , qui retrouve une ex et la progéniture de quinze ans conçue du temps que Concha était Pablo , jeune joueur de football dans le quartier de la Boca , à Buenos Aires ;

9: on pensait trouver un avatar light de La Cage aux folles , revisité à la sauce argentino-ritalo-parigote ( mise en scène d' Arias , paroles de René de Ceccatty , musique de Nicola Piovani , l' auteur des dernières musiques de film de Fellini ) .

10: Las !

11: L' atmosphère est de plomb .

12: Faute à la musique d' abord , dont la platitude mélodique , rythmique , harmonique est confondante .

13: L' ouverture , que l' on va entendre à tout bout de chant au cours de la soirée , ressemble à une mauvaise parodie de musique .

14: La suite ne s' arrange guère .

15: Il en va de même avec le texte :

16: pour recréer le talent des rimailleurs de vers de mirliton , il faut une tout autre technique , un tout autre panache , qui sachent ménager la distance , le vrai second degré , le fantastique même , qu' appellent les situations décalées du livret .

17: Puisque Catherine Ringer était de la partie , pourquoi diable ne pas avoir fait davantage appel à ses fantaisies littéraro-musicales délicieusement acrobatiques ?

18: Le spectacle , très professionnel , n' est qu' une suite de saynètes au jeu souvent pesant , ce que , une fois encore , l' on peut concevoir en ce cadre parodique , mais jouer faussement lourd demande beaucoup de légèreté .

19: Ce qu' ont compris , dans leurs meilleurs moments , Isabelle Desrochers , chanteuse lyrique pleine de fantaisie , Vincent Heden , sorte de haute- contre à la française version populaire , et la jeune Claire Perot , irrésistible et souple petite fille au plissé balthusien .