_: Robert Combas , l' art à l' âge du recyclage Peintre , sculpteur , dessinateur , figure majeure de la figuration libre dans les années 1980 , il reste un artiste follement prolixe et inventif CHEZ COMBAS , tout est pléthorique : l' atelier , les tableaux , la parole . L' atelier occupe le troisième étage de ce qui fut une usine de construction électrique . On y pénètre par une porte très ordinaire qui ne laisse rien soupçonner de ce qu' il y a derrière . L' espace est vaste , couvert d' une verrière . A gauche , l' atelier , où les oeuvres sont accumulées partout . A droite , une sorte de salon-bar dont on découvrira qu' il sert en réalité de discothèque . Au centre , une sorte de serre entièrement vitrée renferme deux palmiers en pots et un jacuzzi vert , dont on apprendra plus tard qu' il n' a encore jamais servi . Partout , des meubles - années 1960 pour la plupart - , des tas de livres et de magazines , des guitares et , naturellement , des Combas : peintures , dessins , sculptures , photos . Des très récents et des anciens . Des très grands et des petits . Des toiles libres et légères punaisées au mur et des travaux sous verres et cadres . Sur les cadres , Combas a dessiné des figures . Sur les verres , il en a tracé d' autres en filaments de couleurs et paillettes . Dans un angle , une peinture en cours . Du côté des fenêtres - vue imprenable sur les barres d' Ivry - , des stocks de pots , de pinceaux , de colle et , dans des rangements , encore des dessins de toutes périodes , des pages d' écriture , des photos découpées et destinées à être , un jour , recouvertes . Enfin , au milieu de ce capharnaum prodigieux , Robert Combas , qui ne s' assied pas un instant et oublie de boire sa menthe à l' eau tant il a de choses à dire . L' histoire de ce lieu d' abord : il y est installé depuis cinq mois , il n' est pas encore tout à fait à son aise pour y travailler et , néanmoins , il est certain que ce déménagement ne peut qu' être profitable . C' est la première fois que je suis propriétaire . Depuis 1980 que je suis à Paris , rien que des locations , en changeant tous les deux ans . Il est arrivé qu' un propriétaire lui réclame des dommages et intérêts parce que le peintre avait travaillé sur les murs et les tentures . Pour l' instant , ici , rien de tel . Des plastiques protègent le parquet là où il faut . L' atelier est si grand que la question vient forcément : est -il un signe de prospérité ? Ah ça ... Depuis que le marché de l' art s' est effondré , en 1991 , il y a toujours cette rumeur , Combas s' est cassé la gueule . Eh non / Je ne me suis jamais cassé la gueule . Au moment de la crise , les prix ont baissé : normal . Les trois quarts des peintres ont eu des problèmes . Moi , j' ai toujours vendu . Il y en a suivent des noms que l' on ne répétera pas qui ne vendaient plus rien . Pas moi . Sa description du milieu de l' art français est cruelle . Il y voit des aventuriers , qui n' ont même pas l' intelligence de la spéculation , un cercle de l' art officiel qui ne l' a pas aidé , et presque plus de critiques . La figuration libre n' a pas eu de critique qui la soutienne : personne qui ait eu le courage de donner une opinion sur cet art -là . On a été médiatisé , mais pour rien . Et maintenant ? Haussement d' épaules . Ce qui compte , c' est le travail . Le travail m' a toujours sauvé . Comment le définirait -il aujourd'hui ? La première réponse est nette : Me définir m' emmerde . Mon ego me fait chier . Je suis un peu bouddhiste . On insiste . En fait , il y a le travail central : c' est-à-dire les couleurs en taches quasi abstraites qui sont resynthétisées dans un sens figuratif par le dessin noir . Le dessin vient après les couleurs - ma peinture n' est pas du coloriage . Ca , c' est le coeur . Autour , il y a des satellites , des innovations . Ce beau modèle n' est pas fixe . Il est susceptible d' évolutions , dont Combas affirme ne pas comprendre le rythme , mais dont il sait qu' elles lui sont nécessaires . La répétition du même tableau , ce n' est pas pour moi . Ou alors il faudrait que j' aie un discours pour justifier la répétition , mais non , vraiment , je ne peux pas . Il travaille à l' inverse , dans tous les sens , un vrai chaos . Mais , en fait , ce n' est pas un chaos . Tout est relié au centre : les sculptures , les dessins et puis , en s' éloignant , ce que j' appelle les tatouages académiques et les pinceaux peints . Les tatouages sont des dessins de style conventionnel sur lesquels Combas introduit des figures et dont il transforme le style . Il en a un en chantier , sur un chevalet : des animaux et des humanoïdes apparaissent sur un fond de paysage impeccablement tracé d' une ligne fine . Photocopié , ce paysage fait office de tremplin pour des improvisations graphiques . Des photos publicitaires ou érotiques , entièrement transformées , suscitent d' autres créatures , d' autres poses . Je suis un gaspilleur Les pinceaux peints sont des assemblages de pinceaux qui ont servi préalablement . Parfois , ils sont réunis en forme de croix . En un sens , ce sont des crucifixions . Mais il y a autre chose . Depuis mon enfance , je suis un gaspilleur , ça fait partie de moi . A l' atelier , c' est pareil . Alors , j' ai besoin de recycler : je réduis le gaspillage ... Je passe mon temps à recycler , les instruments , les objets , les images , les textes . Pour preuve , un Combas tout frais : sur un carton à dessin vert , il a peint un orchestre de jazz . Chaque musicien a une auréole autour de la tête : un microsillon collé sur le carton . L' une de ses expositions actuelles , à Montpellier , a la musique pour sujet : des groupes sur scène , des chanteuses de rêve , des crooners monstrueux , des Blancs déguisés en Noirs , des Noires déguisées en déesses antiques . La technique est on ne peut plus mixte : des découpages , des collages , des reliefs et des écritures - ce que Combas nomme son écriture automatique sans que l' on sache si l' appellation est un hommage au surréalisme . Ce qui est sûr , c' est que ses tableaux sont des hommages à la musique . Et des recyclages d' une histoire ancienne , celle des débuts de l' artiste et de son adolescence . Entre 12 et 15 ans , à Sète , j' ai dessiné des groupes de rock - rien d' autre . Après , je suis passé à un mélange de BD pourrie et d' art brut . Aux Beaux-Arts , j' ai rencontré l' art contemporain . A partir de la sixième , je n' ai fait que dessiner . Pas bien . Mais que ça . Suit cette réflexion : Avec mes parents , à ce moment -là , ça a été comme une révélation , presque mystique : il allait se passer quelque chose avec moi , forcément . BIOGRAPHIE 1957 Naissance à Lyon . 1974 - 1980 Etudes aux Beaux-Arts à Sète , puis à Montpellier . 1980 Installation à Paris et débuts de la figuration libre . 1987 Exposition au CAPC de Bordeaux . 1993 Rétrospective au Musée d' art moderne de la Ville de Paris .