_: CULTURE - PATRIMOINE . Le « pays noir » wallon fait revivre ses vestiges industriels Maurice Culot , architecte-conseil du gouvernement wallon « Les usines tenaient le cadre urbain » ARCHITECTE -conseil du gouvernement wallon , Maurice Culot est chargé de mission à l' Institut français d' architecture . Il a été l' un des pionniers de l' architecture industrielle , coordonnant , dès 1975 , un volume consacré aux Châteaux de l' industrie . Que peut -on classer sous le pavillon du patrimoine industriel ? Cette notion assez floue englobe un grand nombre d' équipements publics ou privés , aujourd'hui désuets : usines et entrepôts , mais aussi , garages , abattoirs , halls , hôpitaux , casernes . Comment expliquer la découverte pour le moins tardive de cette architecture ? Par la conjugaison de la mauvaise conscience et de la recherche du profit maximum . La crise venant , on a tenté d' effacer les traces de l' exploitation de l' homme par l' homme . En même temps , on voulait faire disparaître ces outils obsolètes pour les remplacer par des espaces de « zoning industriel » , beaucoup plus rentables . Les premières conséquences de cette politique ont été la destruction de pans entiers du tissu urbain . Dans le nord de la France ou en Belgique , on a commencé par raser systématiquement les édifices « inutiles. » Du coup on s' est retrouvé face à un urbanisme défaillant . Bien souvent , les usines tenaient le cadre urbain . Elles étaient la référence , le pivot à partir duquel duquel on pouvait redessiner la ville . Après leur disparition , cela est devenu plus difficile . Quels sont les problèmes posés par la réhabilitation d' une architecture industrielle ? Le préalable à toute rénovation est une affectation intelligente . La pire des choses , c' est d' entreprendre la restauration d' un bâtiment sans savoir à quel usage on le destine . Pour les moulins de Beez , on savait qu' une partie de l' édifice allait être un dépôt d' archives . On put le caser sans mal dans la partie aveugle qui contenait les silos , alors que les anciennes salles des machines , lumineuses , ont pu être affectées aux bureaux . Si l' on veut associer des artistes à la rénovation d' une architecture industrielle , il faut le faire dès le départ . Cette association peut être très positive . Un dessinateur comme François Schuiten pourrait nous aider à définir le sens d' une réhabilitation du lavoir à charbon de Binche : on sait par ses travaux qu' il est très sensible à la magie d' un tel univers . A Beez , l' intervention de Yann Kersalé , qui utilise la lumière comme matériau , est en totale symbiose avec l' esprit de l' édifice . Quand il y a changement d' affectation , la rupture est parfois nécessaire . L' architecte qui est intervenu au Grand Hornu l' a fait de manière tout à fait visible , tout comme Jean Nouvel à l' ancien charbonnage du Crachet . Cette intervention , parfaitement judicieuse , s' est coulée dans le processus industriel du site . Elle n' est donc ni gratuite ni abstraite . Même si je suis plutôt partisan du « respect » , certaines « ruptures » ont des mérites indéniables . Mais l' archéologie industrielle est récente . Pour avoir des références , il faut restituer certains de ses modèles exemplaires au plus près de leurs origines . Enfin , il est certain qu' aujourd'hui on est devenu plus exigeant . On était moins regardant il y a quelques années , quand il s' agissait de sauver , à n' importe quel prix , un édifice condamné . A quoi se heurte -t-on pour ce type de restauration ? Il y a d' abord un problème de formation . Les écoles d' architecture ne forment pas de spécialistes de la réhabilitation des bâtiments industriels alors que c' est un débouché d' avenir pour la profession . Dans dix ans ce sera peut-être la moitié de l' activité d' un architecte . Que pensez -vous de la charte de Venise , qui définit le cadre de la restauration du patrimoine ? Elle est complètement dépassée . C' est un outil de spécialistes pour les spécialistes , qui appartient au passé . D' abord parce qu' on est confronté à un patrimoine qui bien souvent n' est pas protégé par le classement ou l' inscription . Aussi faut -il imaginer d' autres méthodes d' intervention . Ensuite parce qu' on n' est plus dans la logique du monument traditionnel . Les matériaux industriels , composites , expérimentaux dans bien des cas , ne sont pas encore éprouvés par le temps . Ce qui impose des équipes pluridisciplinaires . De plus , la démocratisation des processus de décision a fait des progrès considérables depuis les années 1960 . Aujourd'hui , on crée des groupes de travail où plusieurs types de profils sont rassemblés . C' est d' ailleurs le meilleur moyen de peser sur les politiques et les maîtres d' ouvrage .