_: Football . Le foot au pays de l' or noir À Dubaï , depuis les premiers matchs face à l' occupant anglais , il y a cinquante ans , on perpétue une tradition très locale du ballon rond . Et si le ballon rond était un adjuvant de la politique , un prétexte idoine destiné à défier pacifiquement le détenteur du pouvoir ? Al Nasr a été créé en 1948 , initialement sous le nom de Al Ahli , afin que les autochtones se mesurent en crampons à l' occupant anglais et aux aviateurs oisifs de la Royal Air Force . Depuis , le club de Dubaï , aujourd'hui omnisports , a remporté quelques trophées et n' a jamais connu le déshonneur de la relégation . Présidé par cheik Hamdan bin Rashid Al Maktoun , député et ministre de l' Industrie , il possède des structures que lui envieraient bien des pensionnaires de notre chère Ligue 1 , en dépit d' un budget riquiqui ( 2 , 6 millions d' euros ) et des tribunes en général à moitié vides . Un stade de 15 000 places assises , un centre médical , un restaurant , une vaste salle de réception et un gigantesque complexe abritant les autres disciplines : les pétrodollars permettent de s' époumoner dans le grand luxe . Pourtant , le professionnalisme n' en est qu' à l' âge de pierre . Si les recrues étrangères bénéficient pleinement de ce statut avec , à la clef , des émoluments de misère avoisinant 1 500 euros par mois hors primes , leurs partenaires nés au pays ne sont , eux , que des semi-pros . Ils se contentent d' indemnités mensuelles et ne s' entraînent qu' une fois par jour . Tous sont étudiants , soldats , fonctionnaires ou salariés dans le secteur privé . Surprenant pour une opulente nation capable d' entretenir grassement et à plein temps des légions de footeux . Un scénario que la Fédération de football des Émirats arabes unis entérinera normalement dans trois ans . Actuellement , les instances préparent un règlement susceptible d' ordonnancer au mieux cette mutation tant attendue et ... redoutée . Il faut dire que le libéralisme triomphant sur les terrains colle mal avec les us et coutumes locaux . Dignes héritiers d' une féodalité ancestrale , les dirigeants de chaque équipe se considèrent en effet comme les propriétaires de leurs ouailles . Ils ne toléreraient pas que l' une d' elles manifeste l' envie d' arborer les couleurs du voisin . Ici , pas de rupture intempestive de contrat ni de liberté du travail . Les athlètes sont pieds et poings liés à leur formation et ne mouftent pas . Et puis il y a la morale : " On craint que , devenus riches , les joueurs soient tentés par des plaisirs interdits et mènent une vie dissolue " , confirme le défenseur et informaticien Ali Hassan , vingt-deux ans . Enfin , il y a la volonté louable de ne pas déplumer la masse des pratiquants au bénéfice d' une élite choyée à l' excès . Ce conservatisme n' empêche pas les voyages . Récemment , la troupe , coachée par le Français René Exbrayat , était en Italie et dans l' Hexagone , où elle a effectué un stage de présaison . Les défaites plus ou moins cuisantes , concédées notamment face à Lyon ( 8 - 1 ) , Saint-Étienne ( 2 - 0 ) et aux moins de 18 ans de la Juventus ( 4 - 3 ) , n' ont pas altéré l' enthousiasme collectif . Vêtus tels leurs collègues du Vieux Continent , ces messieurs sont loin de fuir la modernité . Relativement doués techniquement , la plupart sont convaincus d' avoir le niveau pour exercer leurs talents en Bundesliga , en Premier League ou ailleurs . Ils suffiraient qu' on leur donne les moyens de ne penser qu' à ça . Leurs lacunes ? Elles sont " physiques et tactiques " , dixit Ali Hassan . Reste qu' il n' est pas sûr que ces jeunots s' adaptent facilement à nos contrées . " Je ne pourrai pas habiter en France longtemps . Votre société est sur le déclin . Ce qui me choque ? Votre conception de la famille . Il n' y a plus de respect vis-à-vis des aînés " , déplore Ali Hassan . Son pote Ahmad Ibrahim approuve : " La mère porte pendant neuf mois son bébé et le père trime des années pour assurer l' avenir de ses enfants . Et , à dix-huit ans , ces derniers s' en vont à droite à gauche en délaissant leurs parents . " Néanmoins , ces joueurs plutôt progressistes n' ont pas été écoeurés par ce qu' ils ont vu à Turin où à Paris . Les filles en minijupe , les sex-shops , l' alcool qui coule à flots : autant d' archétypes de l' Occident également en vigueur à Dubaï , mégapole commerçante sur la route de l' Iran . " Contrairement à ce que vous croyez , cela existe chez nous , certifie le sieur Ibrahim . L' unique différence , c' est que cela est circonscrit dans des endroits précis et que nous sommes davantage en sécurité . "