L'Humanité

1: Sécurité :

2: le grand " nettoyage " a commencé

3: Plusieurs centaines de policiers pour quelques tags et une association qui dérange à Dammarie-les-Lys ( Seine-et-Marne ) .

4: La justice se prononce aujourd'hui .

5: Ce matin , la cité du Bas-Moulin à Dammarie-les-Lys ( Seine-et-Marne ) aura les yeux tournés vers le tribunal de Melun pour savoir si l' association Bouge qui bouge se voit expulser de ses locaux .

6: Lundi dernier , vers six heures du matin , plusieurs centaines de policiers - CRS , brigade départementale et même le RAID !

7: - sont intervenus dans les locaux de cette association créée à la suite de la mort d' Abdelkader Bouziane , en décembre 1997 , tué d' une balle dans la nuque par un policier .

8: Une association dont le but est de " renouer les liens dans le quartier entre les familles , les voisins , les jeunes " , explique son président Kader , le frère de Mohammed Berrichi , mort le 23 mai dernier après avoir été coursé sur son scooter par la brigade anti-criminalité .

9: Les dégâts sont importants :

10: porte et photocopieuse défoncées , local mis à sac , les jeunes ne comprennent pas un tel acharnement .

11: L' opération de police à peine terminée , une équipe de nettoyage s' attaquait aux tags et aux banderoles dénonçant ce qu' ils considèrent comme un crime .

12: " Ça faisait des années qu' on demandait la réhabilitation de la barre . Là , ils ont tout nettoyé " , ironise Abdelkader .

13: " C' est une procédure surprenante , un référé d' heure à heure pour faire cesser un trouble manifestement illicite , explique l' avocat du MRAP , Pierre Mairat . L' association a été assignée par l' office départemental HLM pour obtenir son expulsion . "

14: D' après l' office , " depuis quelque temps , l' association avait adopté une attitude incompatible avec son objet et ses obligations " .

15: En cause ?

16: Les tags et banderoles , " sans qu' il y ait de preuve qu' ils aient été faits par les membres de l' association " , s' insurge l' avocat .

17: La mairie ( RPR ) de Dammarie-les-Lys est encore plus remontée , pointant du doigt l' association et ses jeunes militants , les accusant de s' en prendre ouvertement " par voie de tracts , de tags insultants , aux institutions nationales et locales , n' hésitant pas à menacer physiquement le maire , ses proches collaborateurs , les employés municipaux " .

18: Dans un communiqué , elle dénonce pêle-mêle " l' incendie volontaire du transformateur EDF " , le vol de " matériel de sonorisation " lors d' une fête de quartier et autres " lancement d' un engin explosif " ou " voiture bélier " .

19: " Il est impossible de laisser continuer les exactions de " ces petits terroristes de banlieue " " , conclut le communiqué publié par la mairie .

20: Impossible aussi , pour l' instant , d' attribuer ces " exactions " aux membres de l' association .

21: " Il y a volonté de dénier à ces jeunes la qualité de citoyens , alors que ce qu' ils mènent est clairement une activité politique " , analyse Emmanuel Nicolino , avocat de la famille Berrichi , qui a déposé une simple plainte pour " homicide involontaire " , les conclusions de l' enquête préliminaire étant attendues prochainement .

22: " Les jeunes ont compris que brûler des voitures ne servaient à rien . Ils ont transformé leur révolte en revendications politiques . Et c' est ça qui dérange ! " estime de son côté Pierre Mairat .

23: Abdelkader , lui , reste philosophe : " Franchement , avec deux morts à Dammarie en l' espace de deux jours , je m' attendais à pire . Certainement que les enquêtes de la police et de la justice se concluront par un non-lieu . Qu' importe , depuis la mort de mon frère , je ne m' étais jamais donné aussi à fond pour quelque chose . Et chaque jour , j' en apprends un peu plus . "

24: En attendant la décision du tribunal , militants associatifs et jeunes préparent pour le 6 juillet une fête de quartier , à deux encablures du Bas-Moulin .

25: Là où Mohammed vécut .

26: Et là où il est mort .