_: Droit d' asile . Des propositions de Jacques Chirac à celles de la coordination pour le droit d' asile . L' imbroglio ou la clarté , mais toujours au service du bannissement . Le 14 juillet , le président de la République précisait sa vision du droit d' asile . Or , depuis son élection , le pas de la répression s' accélère au détriment de l' humanitaire et du droit . El Yamin était préparateur en pharmacie en Algérie . Le GIA , cagoulé , armé , l' a menacé pour obtenir des médicaments . Il a refusé , a été agressé alors qu' il était seul , la nuit . Le Groupe de la mort de la région Est de l' Algérie lui a annoncé , par lettre , sa prochaine mise à mort , sous la bénédiction d' une sourate du Coran : " Si vous ne suivez pas la loi islamique , vous êtes un incroyant . " Il a fui . Il espère pouvoir rester en France . Il fait partie des deux cents personnes expulsées du musée d' histoire de la de la Résistance et de la déportation , à Lyon , mercredi soir , à la demande du maire socialiste . A Abdelkader , l' Office français pour les réfugiés et apatrides , l' OFPRA , a écrit : " Les déclarations permettent de tenir pour établis les faits relatés et , pour réelles et sérieuses , les craintes de persécution invoquées de la part de groupes armés . " Mais l' asile est refusé " puisque le gouvernement algérien ne semble pas tolérer ou encourager de tels agissements " . Lui aussi fait partie des errants de Lyon . Kamel Sahnoune , sa femme Chérifa , ses trois enfants , dont Nadia , née en France , ont été renvoyés en urgence à Tlemcen , mardi . Neuf membres de la famille de Chérifa ont été assassinés , tout comme le frère de Kamel , dans cette même ville . Le préfet de Niort n' a pas trouvé de quoi les protéger , alors qu' il n' a pas le droit d' expulser des mineurs ... ( voir l' Humanité du 19 juillet ) . De Chevènement à Vaillant puis à Sarkozy , les reconduites à la frontière et les expulsions du territoire se sont accélérées , avec contrôles au faciès près des centres d' hébergement et interpellations au bas des habitations . Aujourd'hui , on va plus vite . Le ministre de l' Intérieur a clairement annoncé qu' il ne se priverait pas des renvois groupés . L' ombre des charters de Pasqua plane de plus en plus bas . Vendredi dernier , c' est dans cette perspective que les ministres de l' Intérieur français et britannique ont annoncé la fermeture du camp de Sangatte , dès que le ministre de Sa Majesté aura fait voter des lois plus restrictives . Les Afghans , pris en charge par le Haut Commissariat aux réfugiés , sont incités à rentrer chez eux , de force s' il le faut . Quant aux Kurdes , qui représentent l' autre partie importante des réfugiés de la petite commune du Pas-de-Calais , personne n' a précisé ce qu' il en adviendra . En tout cas pour le président de la République , précisant le 14 juillet l' essence de sa politique dans ce domaine , l' affaire de Sangatte est réglée . Reste l' immigration clandestine et la réforme du droit d' asile . Notre droit d' asile est une " absurdité " . " Il correspond à quelque chose d' essentiel qui est totalement dans notre culture et dans notre histoire . Mais , aujourd'hui , quand quelqu' un demande le droit d' asile , la décision demande dix-huit mois ... Il faut mettre en ouvre les moyens permettant de répondre dans un temps très bref . Un mois . Sauf cas particuliers . " Et le président livre le fond de sa pensée : " Il y a des pays dont beaucoup de ressortissants demandent le droit d' asile et dont on sait qu' il n' y a aucune raison politique ou de sécurité personnelle qui le justifie , que c' est simplement un transfert économique . Donc la réforme du droit d' asile est tout à fait essentielle . " La loi de sécurité intérieure présentée cette semaine permet d' affecter 700 emplois supplémentaires au titre de la protection des frontières , en rappelant le rôle essentiel que doit jouer la France en Europe sur cette question . Mais il n' est nulle part affirmé que les effectifs des inspecteurs du travail seront en hausse pour sanctionner les employeurs de salariés qu' ils ne déclarent pas et que ceux des préfectures s' accroîtront pour donner une existence professionnelle aux déboutés , ceux que l' on ne peut manifestement pas renvoyer se faire tuer chez eux , quand l' opinion s' en mêle ... Plus de 34 000 dossiers attendent . Plus de 24 000 dépassent le délai " légal " de six mois depuis 1991 , jusqu'à quatre ans . Quatre ans sans statut , sans travail , avec une allocation de 230 euros versée pendant un an , sans réelle possibilité de logement . Les associations réclament la création de 16 000 à 20 000 places d' accueil , réparties sur tout le territoire . A titre d' exemple , le centre d' hébergement de La Colline , à Niort , prévu pour 42 sans-abri , accueille 66 personnes , dont 43 demandeurs d' asile , parmi lesquels une vingtaine d' enfants . La situation de la préfecture des Deux-Sèvres est proportionnelle à celle de l' Ile-de-France ou de Lyon où le forum des réfugiés n' a plus aucun accueil disponible depuis plusieurs années . Certains demandeurs ne trouvent pas , comme autrefois , de communauté d' accueil . Le centre d' accueil pour les demandeurs d' asile à Paris , géré par les protestants , compte 3 700 personnes logées en hôtels le plus souvent infâmes et chers . " On a voulu gérer le droit en le noyant dans l' humanitaire " , s' indigne Jean-Marc Dupeux , secrétaire général de la CIMADE . Moins de 18 % des demandes d' asile sont acceptées , tout confondu , l' asile territorial représentant 1 % du total . Sur les délais , " il faut savoir qu' avant la demande d' asile , précise J . - M . Dupeux , il y a la demande de demande , qui débouche sur un rendez -vous quelques mois plus tard pour établir la demande d' asile . Ce n' est pas une disposition législative , c' est un dysfonctionnement préfectoral . " Comme la CIMADE , Amnesty France s' inquiète . Patrick Delouvin : " Oui , le droit d' asile est absurde . Mais l' accélération que prône le chef de l' État fait craindre le pire . Il faut laisser le temps à la personne qui arrive de prendre ses repères , de comprendre la situation en France , de savoir à qui s' adresser . Il faut aussi un minimum de temps à l' administration pour organiser l' examen du dossier , donner la possibilité de s' expliquer en direct , avec un interprète . Il faut le temps du recours en cas de refus , recours auquel chacun doit avoir droit . Un mois pour tout cela est illusoire à moins d' accélérer ces procédures , au détriment de leur efficacité , ou de supprimer des garanties . On peut abroger le recours suspensif , ou l' examen en première instance , auquel seuls 50 % des demandeurs ont accès . Mais tout cela ne va pas dans le bon sens si on veut un examen équitable des demandes d' asile . Cela signifiera un rejet des demandes tout de suite . " D' autant que la commission des recours sanctionne de plus en plus les décisions de l' OFPRA . De 5 % il y a six ou sept ans , les annulations sont passées à plus de 10 % en 2001 . La France a connu une progression des demandes d' asile ces trois dernières années de 25 000 à 50 000 . Mais , en Europe , globalement , la demande est restée stable à 400 000 demandeurs par an . Pour Claire Rodier , du Gisti , ce qui est inquiétant , dans les déclarations du président de la République , " c' est qu' en affirmant que les procédures peuvent se faire en un mois , il reprend à son compte la notion de " pays sûrs " " , qui n' est pas actée en droit français , qui est apparue au niveau européen en émanant des pays anglo-saxons . Selon ce concept , la convention de Genève ne serait pas appliquée pour les ressortissants d' un pays déclaré sûr , sans qu' il soit nécessaire d' étudier les cas individuels . Ainsi aucun pays de l' Union européenne n' accorderait le statut de réfugié à un ressortissant de l' UE . Certains appliquent cette disposition à des ressortissants de n' importe quel État , pour peu qu' il soit signataire de la convention de Genève . Les cas exceptionnels seraient donc ceux de pays " pas sûrs " . Autrement dit , cela peut être court , parce que , dans la plupart des cas , les gens n' auront pas droit à l' asile . " Ainsi , le souci de Jacques Chirac semble bien être , non pas de s' attaquer directement à la convention de Genève , mais d' en restreindre les applications . " Elle restera une sorte de vitrine , comme elle tend à le devenir pour beaucoup . Mis à part les Autrichiens et les Anglais , pour l' instant , personne n' ose s' y attaquer . Mais par tous les moyens , on essaie de l' enfermer dans un tel maillage qu' elle ne servirait plus à rien . " Jean-Marc Dupeux , de la CIMADE , est fidèle à sa connaissance religieuse : " La technique française est celle du Purgatoire : un demandeur d' asile doit souffrir un certain temps , et au bout de dix ans de souffrances , quand ses enfants sont scolarisés , il arrivera bien à obtenir une régularisation . On se plaint qu' il y ait des gens qui travaillent au noir , alors qu' on encourage le travail clandestin . Les demandeurs d' asile relèvent d' un ultime droit de l' homme , celui que l' on donne quand tous les autres ont été refusés dans le pays d' origine . On ne va pas faire évoluer la situation de l' Afghanistan du jour au lendemain , on ne va pas sortir 20 à 25 millions de Kurdes à la recherche d' un État dans l' instant . Donc il faut bien imaginer que des personnes qui ont besoin de protection la demandent et que des pays ont le devoir d' y répondre . Il faut aider les pays du Sud , oui mais en droit . Quand notre pays soutient des dictateurs , il ne participe pas au développement . Du coup , il y a des infractions aux droits de l' homme , des personnes qui fuient et nous sommes dans l' obligation de les protéger . Est -ce un bien , dans ce monde où les flux de capitaux passent sans difficulté , que les hommes ne puissent circuler plus librement ? " Voir les dix propositions de la coordination pour le droit d' asile sur le site Internet : www.gisti.org .