_: OGM . José Bové : " Je ne me cacherai pas " Pour le leader paysan , le président de la République devra " choisir " entre le " mouvement citoyen " et le soutien aux " multinationales " . Son incarcération est prévue pour la fin de juin . Mais José Bové reste en première ligne d' un mouvement social , selon lui " en pleine remobilisation " . " Il y a , constate -t-il , une réelle prise de conscience de la logique de la marchandisation dans tous les domaines de la vie . " Le porte-parole de la Confédération paysanne dénonce surtout la remise en cause du droit de grève et la répression contre les syndicalistes . Plus de 800 000 personnes ont déjà demandé sa grâce au président de la République . Pour d' autres , et notamment " les quatre ASF " de Perpignan ( lire l' Humanité du 19 juin ) , la mobilisation commence . Paradoxe de l' histoire : le paysan du Larzac pourrait être jeté en prison alors même que le protocole de biovigilance vient d' être ratifié par un 50e État au niveau international , ce qui va permettre son entrée en vigueur en septembre . Une vraie avancée , selon le leader paysan . Entretien . Avez -vous des nouvelles de la justice ? José Bové . Aucune à ce jour , mis à part l' annonce de mon incarcération avant la fin du mois . Je vois bien passer des voitures de gendarmes et même des véhicules de police - alors que le Larzac se situe en zone gendarmerie - , mais rien ne permet de dire si ce sera demain , dans une semaine ou dans dix jours . J' attends . De toute façon , je ne vais pas collaborer avec l' appareil judiciaire . Mais je n' emploierais pas la force . Je ne me cacherai pas . Je ne fuirai pas à l' étranger . Les citoyens , eux , réagiront comme ils doivent réagir . Vous êtes menacé de dix mois de prison ferme au moment où les OGM sont au coeur du débat public . Comment vivez -vous cette injustice ? José Bové . Ceux qui ont porté un mouvement se retrouvent de fait en première ligne face à la répression . Mais notre lutte a payé . Nous avons mené avec la Confédération paysanne des actions dès janvier 1998 pour mettre en cause le rôle des multinationales , notamment à Nérac ( Lot-et-Garonne ) , ce qui a empêché la firme Novartis d' implanter 35 000 hectares de maïs OGM dans le Sud-Ouest . Depuis , aucune firme n' a osé vendre un kilo d' OGM aux paysans . Cette action a permis également d' éviter le déferlement d' OGM sur notre territoire et d' alerter l' opinion publique . L' autre grand moment - qui me fait risquer aujourd'hui la prison - est la destruction de plants de riz au CIRAD de Montpellier . Je rappelle qu' elle avait été menée conjointement avec un syndicat de paysans du sud de l' Inde . Pour les multinationales , le riz est , au même titre que le soja et le maïs , une culture capitale pour contrôler le marché des semences . Nous avons de surcroît à cette occasion dénoncé cette recherche , notamment publique , de plus en plus liée au marché . Nombre de régions , départements et communes de l' Hexagone refusent aujourd'hui les OGM . C' est une belle victoire , non ? José Bové . Oui , mais nous avons d' abord été obligés de nous battre devant les tribunaux concernant les essais en plein champ , ce qui a obligé le ministère à dévoiler le nom des communes concernées . Mais , paradoxalement , l' information sur la parcelle arrive aujourd'hui dans une enveloppe cachetée que le maire n' a pas le droit d' ouvrir , au nom de " la propriété intellectuelle " des firmes ! Beaucoup d' élus ont eu l' impression à juste titre que la démocratie locale était bafouée pour protéger des multinationales . Résultat : mille quatre cents maires ont pris des arrêtés anti-OGM dans notre pays . L' opinion publique française et européenne se prononce très majoritairement contre les OGM . En concluez -vous que la bataille est gagnée ? José Bové . Si le moratoire européen a pu tenir jusqu'à aujourd'hui , on le doit à la force du mouvement citoyen contre les OGM . Cette mobilisation a permis , même si cela reste encore insuffisant , d' avancer sur la question de la traçabilité et de l' étiquetage . Ainsi je ne suis pas d' accord par exemple avec la notion de " seuil minimal de pollution génétique " , ou sur le fait que la traçabilité ne s' adresse pas à l' alimentation animale . Mais la plus grande avancée date incontestablement du vendredi 13 juin 2003 : un cinquantième État , l' État de Palau , dans le Pacifique , a signé le protocole de biovigilance , ce qui veut dire qu' il va entrer en vigueur dans quatre-vingt-dix jours , soit le 11 septembre prochain . Ce protocole est opposable aux lois de l' OMC . Un pays peut désormais s' opposer juridiquement , au nom du principe de précaution , au nom de raisons économiques et sociales , à l' introduction des OGM sur son territoire . N' est ce pas un argument de plus pour que Jacques Chirac vous accorde sa grâce ? José Bové . À lui d' en décider et d' assumer sa décision . Le chef de l' État est devant un choix politique . Soit appuyer ce mouvement citoyen , soit choisir le camp des multinationales .