_: PRESIDENTIELLES Un vote pour renouveler la gauche Récit de cinq années de législature entre avancées et occasions manquées . Le PCF n' a cessé de peser pour une politique plus à gauche . Le vote communiste aujourd'hui vise à faire échec aux pressions libérales . Nous y voilà . Mais qu' a donc été cette campagne de l' élection présidentielle ? Et quand a -t-elle vraiment commencé ? Là , il y a tout juste quelques semaines ? Quand les deux candidats bipolaires , après avoir joué des mois durant avec les fausses annonces et les vrais aveux , ont enfin décidé d' entrer en campagne , tout en continuant à étouffer tous débats sur les vrais enjeux ? Qui ne se souvient de " Chirac vieilli , usé " , des polémiques de tous ordres et des noms d' oiseaux . Paradoxalement , s' ils sont entrés si tard en campagne , pourtant , c' est qu' ils l' étaient déjà depuis fort longtemps . En se marquant à la culotte . Depuis 1997 . Lionel Jospin , devenant premier ministre après la dissolution voulue par Jacques Chirac , devenait du même l' évident challenger du chef de l' État . Leur couple , du reste , n' a pas mal fonctionné . Tous deux jouant d' abord fort courtoisement le jeu de la cohabitation . Pour prétendre être les deux seuls à pouvoir briguer le pouvoir suprême , il fallait qu' ils se légitiment l' un et l' autre . Ils ont donc été , dans une certaine mesure , complices . Ils ont continué à l' être dans cette sorte de surplace qui a pourri la campagne au point que 60 % des Français , selon un sondage SOFRES de jeudi , déclaraient qu' elle ne leur donnait pas envie de voter . Au point que 41 % des électeurs étaient toujours indécis vendredi et que les votes refuges ou protestataires , les votes coup de gueule , au moins dans les intentions , n' ont jamais été à un tel niveau . En jouant le deuxième tour dès le printemps 1997 , les deux têtes de l' exécutif ont bien une responsabilité commune dans la crise du politique , le brouillage des repères , l' occultation des enjeux . Les choses , pourtant , n' avaient vraiment pas mal commencé . Avant 1997 , il y avait eu novembre-décembre 1995 . Face au plan Juppé de réforme des retraites , un mouvement social sans précédent des cheminots . Le soutien d' une majorité des Français dont on a pu dire alors qu' ils faisaient la grève par procuration . Le retour en force du mouvement social sur la scène politique avec une force jamais vue depuis 1968 . Alain Juppé remballe son plan et les forces de changement à l' ouvre dans la société française retrouvent du sens . Jacques Chirac tentera donc le coup de poker de la dissolution , espérant refonder sa majorité , mais c' est la gauche qui sort des urnes , porteuse des attentes de ce mouvement social renouvelé . PS , PCF , Verts , MDC , radicaux de gauche . L' attelage est pluriel . Il semble être appelé à tirer dans le bon sens , et ça va être le cas pendant une bonne période . Avant qu' il ne trouve ses limites . Le premier freinage , brutal , c' est peut-être Michelin , à la fin de l' été 1999 . Voilà un grand groupe bénéficiaire qui annonce un plan massif de 7 500 suppressions d' emplois en Europe , et notamment en France , et voilà cette phrase de Lionel Jospin à la télévision , véritable douche froide sur les attentes populaires : " L' État ne peut pas tout faire . " On attendrait cette phrase de la droite . On ne l' attendait pas de la gauche . Ce n' est pas , comme on l' a dit alors , un aveu d' impuissance . C' est l' expression d' un choix politique . Le premier ministre a décidé de donner des gages aux forces libérales et va jouer désormais sa propre partition , en marge de l' attelage de la gauche . En réalité , il s' en désolidarise et met du même coup en cause sa crédibilité , sa capacité à apporter des réponses nouvelles à toutes les questions qui préoccupent les Français . Emploi , pouvoir d' achat , retraites , minima sociaux . Le premier ministre , dès lors , préférera botter en touche , portant le débat sur des questions comme la Corse , ce qui permettra à Jean-Pierre Chevènement de prendre position dans la perspective de la présidentielle en démissionnant avec bruit pour apparaître , déjà , comme " l' homme de la nation " . Le PCF est le premier à réagir vivement . Face au plan social de Michelin , il organise à Paris une puissante manifestation qu' il a l' ambition de construire avec tout le mouvement social et la gauche . Il n' y réussit qu' en partie , malgré un cortège impressionnant . Lutte ouvrière saisit la balle au bond et s' empare dès lors du créneau de la protestation en montant dans les wagons du cortège initié par le PCF , non sans accuser ce dernier de faire le jeu du capitalisme . C' est là-dessus qu' Arlette Laguiller va fonder son attitude des trois dernières années , avec un grand écart qui n' est certes pas celui des communistes , mais le sien . Avec les communistes dans les manifestations dont ils prennent l' initiative , contre les communistes et Robert Hue dans le débat électoral . Le décrochage de la gauche s' accélère avec les élections municipales du printemps 2000 . Alors qu' elle pense pouvoir cueillir dans les urnes les fruits des mesures positives des premières années de législature , le contraire se produit . Ce qui s' exprime dans les isoloirs , c' est déjà l' amertume des attentes déçues , la frustration vis-à-vis du renoncement déjà perceptible à des changements de plus grande portée . La droite , de son côté , là où elle gagne , a su utiliser la situation en flattant les inquiétudes , en jouant des problèmes de sécurité , de la crise vécue dans des banlieues dont la politique de la gauche n' a pas changé le quotidien . En dépit d' une amélioration des chiffres de l' emploi , il est toujours fait de chômage , de bas salaires et de minima sociaux qui ne bougent pas , ou si peu , d' insécurité , de mal-vivre . Les quelques mesures comme la prime de rentrée scolaire sont très loin du compte . Le Parti socialiste et le gouvernement , en dépit d' un sommet de la gauche plurielle suscité sur le fond par l' affaire Michelin , fin 1999 , et malgré quelques déclarations de façade , reste sourd aux demandes insistantes des communistes et , pour partie , des Verts , pour un relèvement immédiat et sensible du SMIC et des minima sociaux , notamment . Robert Hue et le PCF multiplient les mises en garde : " Faute de revenir à une vraie politique de gauche , faite de mesures plus radicales , c' est toute la gauche qui va dans le mur . " Côté PS , Laurent Fabius se chargera de serrer les boulons . Il n' y aura jamais de hausse du SMIC , tout juste concédera -t-il " un coup de pouce " , qui se réduira comme peau de chagrin , jusqu'à n' être qu' une pichenette . Nouveau coup de boutoir avec les plans sociaux de LU-Danone , Marks & Spencer , AOM Air Liberté , quelques semaines à peine après les municipales . C' est un choc dans l' opinion publique , qui redécouvre l' angoisse , un peu en sommeil , des licenciements et du chômage . C' est un nouveau doute jeté sur un gouvernement qui ne fait pas face aux diktats et aux plans sociaux décidés en faveur des actionnaires . Le PCF mobilise à Calais , à Paris en juin . LO est de nouveau dans les manifestations qu' il organise , mais continue à lui tirer dessus sans vergogne . Parallèlement , les élus communistes lancent la bataille pour inclure dans la loi de modernisation sociale en débat au Parlement des amendements étendant les droits de salariés face aux licenciements . Il les obtient de haute lutte , dans la foulée de la puissante manifestation de juin 2001 à Paris . La droite , le patronat se déchaînent et parviendront des mois plus tard à en venir à bout par la scandaleuse décision du Conseil constitutionnel , censurant très exactement les amendements obtenus par les communistes . Dans cette bataille , l' extrême gauche laisse le PCF se battre en comptant les points et en espérant en tirer profit . Le MDC et les Verts n' ont pas voté les amendements communistes ! ... De son côté , Jacques Chirac a médité les enseignements des élections municipales . Il a vu le parti qu' il pouvait tirer des frustrations et des inquiétudes de la société française et il va les cristalliser sur le thème de l' insécurité . Le 14 juillet à l' Élysée , il enfourche son cheval de bataille . Il va en faire le thème dominant de la campagne , amenant le PS et d' autres , dont Chevènement , à venir sur ce même terrain en maniant peurs et fausses solutions . Du même coup , ils font d' une certaine manière la campagne de Le Pen . Il n' a rien à dire . On fait campagne pour lui , au point qu' il en viendra à déclarer cyniquement , faisant retour , que la lepénisation des esprits a gagné la France . Du même coup , ces derniers jours on vu a ressurgir le piège pourtant usé du vote utile , d' aucuns voyant dans la présence de Le Pen un argument pour faire voter Jospin au premier tour , zappant les choix permettant de peser sur une autre politique de la gauche . C' est là , bien sûr , qu' est le PCF . Robert Hue et les communistes ont à la fois relevé le bilan du gouvernement , là où des mesures positives ont été prises . Ils n' ont en rien , par ailleurs , à rougir du bilan des ministres communistes , qui , selon leur expression , ont été au gouvernement comme sont les communistes dans les entreprises , les institutions , " en se battant " . La SNCF , Air France ont enregistré respectivement 40 000 et 12 000 emplois nouveaux avec l' impulsion de Jean-Claude Gayssot . La bataille de Marie-George Buffet contre le dopage et la loi de l' argent dans le sport est largement reconnue . Dans le même temps , et Robert Hue n' a cessé de le répéter depuis les mois qu' il est entré en campagne : on est très loin du compte : " Il faut une autre politique à gauche . " Avec une gauche renouvelé , citoyenne , n' ayant pas peur du mouvement social , décidée à ne pas se laisser dominer par les marchés financiers , refusant l' hégémonie d' une formation . Les pressions libérales qui s' exercent sur le PS sont fortes . Le vote dit " utile " pour Jospin au premier tour serait le meilleur moyen de leur laisser libre cours . Ce qui peut bouger lundi dépendra du poids aujourd'hui du vote communiste .