_: Europe . Folle semaine pour des européens schizophrénes Affrontements sur le pacte , la constitution et l' élargissement . Les débats de la réunion de Naples où les Quinze se retrouvent pour examiner le projet de constitution s' annoncent très rudes après une semaine de tensions sur le pacte de stabilité et de débats tronqués sur l' élargissement où les contradictions de la construction libérale de l' UE apparaissent de plus en plus nettement . Les ministres des Affaires étrangères européens se rencontrent aujourd'hui et demain à Naples pour examiner les dernières propositions de la présidence italienne sur le projet de constitution . Après une semaine de tensions sur l' interprétation du pacte de stabilité , de débats tronqués sur l' élargissement et d' affrontements sur les compétences respectives de la Commission et de l' ECOFIN , la réunion napolitaine s' annonce musclée . José Maria Aznar , dont le pays s' est violemment opposé à l' interruption de la procédure de sanction pour déficit excessif lancée contre la France et l' Allemagne , a menacé de bloquer un accord sur la constitution . Pour le chef du gouvernement espagnol , " il est évident que cette décision aura des conséquences sur les négociations de la Conférence intergouvernementale " . Les querelles de pouvoir ne doivent pas tromper . Si Paris et Berlin , qui représentent 50 % du PIB de la zone euro , ont imposé une gestion plus " politique " du pacte de stabilité , ils n' en refusent pas la logique . Francis Mer estime , par exemple , que le " pacte a été respecté . Mais la commission n' a pas le monopole de proposition . Par rapport à sa manière d' avancer , le Conseil en a choisi une autre . Mais pour atteindre le même résultat " . Le dernier rapport de conjoncture de l' OCDE souligne d' ailleurs , concernant la France , que " le projet de budget 2004 implique un net resserrement de la politique budgétaire , principalement à travers un ralentissement de la progression des dépenses " . Le même constat est dressé pour l' Allemagne . Comment expliquer la suspension du pacte par ceux -là même qui l' ont rédigé ? Tout simplement par le fait que ledit pacte est inapplicable . D' autant moins dans des pays où la croissance sera à peine supérieure à 0 % cette année et n' excédera pas les 1 , 5 % à 1 , 7 % l' année prochaine , le tout avec un taux de chômage respectivement de 9 , 8 % en France et de 9 , 9 % en Allemagne . Chiffres qui , selon l' OCDE , devraient poursuivre leur progression jusqu'à la fin 2004 . En fait , le pacte est avant tout un cordon sanitaire protégeant la BCE de toute contamination sociale . L' euro doit rester le garant du fameux ROE ( Return on equity ) ; c' est-à-dire assurer aux actionnaires un retour sur capital au moins aussi élevé que ceux que l' on trouve en Bourse . On comprend que la BCE n' ait pas pris la suspension du pacte à la légère . Ses dirigeants , Jean-Claude Trichet en tête , ont multiplié les menaces . " Une telle situation pourrait conduire rapidement à des pressions inflationnistes malvenues , à moins d' être contrecarrées par la politique monétaire " , affirme son nouveau président . Traduction : au moment où les États-Unis amorcent un nouveau cycle de croissance en se servant , entre autres , de l' arme du dollar , la BCE menace de durcir l' accès au crédit . Là où il faudrait une politique monétaire favorisant une reprise durable ; c' est-à-dire riche en emplois impliquant une nouvelle sélectivité du crédit , la Banque centrale agite le spectre d' un mouvement à la hausse de ses taux d' intérêts . Nous touchons là au coeur du débat institutionnel . Pour la BCE , le fondement de sa mission repose sur " la stabilité des prix " . En d' autres termes , son rôle est de protéger les marchés des capitaux du cancer de l' inflation qui tue les plus-values et réduit les profits . À cette fin , comme l' affirmait , mercredi encore , Jean-Claude Trichet " des politiques budgétaires disciplinées , des revalorisations salariales ne dépassant pas la croissance de la productivité et des baisses d' impôts " sont des impératifs . Ce sont très exactement les politiques que mènent les grands pays de la zone euro avec comme conséquence un chômage de masse durable et une croissance molle . Elles ont pour nom " pacte de stabilité " . Ces orientations sont inscrites au chapitre des " politiques de l' Union " dans le projet de constitution . Il y a plus qu' un paradoxe à vouloir " constitutionnaliser " les principes d' un pacte intenable , comme en témoigne la crise provoquée par Paris et Berlin . Sous peine de schizophrénie , on ne peut donc être à la fois pour l' emploi - comme affirment Jean-Pierre Raffarin Raffarin et Pierre Moscovici - et pour le projet de constitution . La même contradiction est à l' oeuvre sur l' élargissement . Il ne s' agit pas tant de savoir s' il faut élargir mais de savoir comment . Pour les peuples des " nouveaux " pays , le besoin d' un développement stable implique un changement des institutions et singulièrement un retournement radical des orientations de la BCE . Le vrai débat sur l' élargissement renvoie ainsi à la promotion d' un modèle social humanisé , c' est-à-dire sécurisé en matière d' emploi , de formation , d' accès aux lieux de décision . Bref , l' élargissement devrait impliquer une remise à plat de l' ensemble des orientations européennes qui ont conduit à la crise actuelle et à l' impuissance en matière économique et sociale , voire en matière politique . La crise provoquée par la réunion de Bruxelles a eu au moins un mérite : elle a révélé le pacte de stabilité comme le faux nez de la BCE . Les citoyens européens peuvent donc s' impliquer dans le débat autour de la gestion de l' euro . Sortir de la schizophrénie , suppose de changer rapidement le statut de la Banque européenne . Le tabou de son l' indépendance - en fait de sa dépendance vis-à-vis des marchés financiers - commence d' ailleurs à être levé ouvrant la voie à la mise en place d' un contrôle politique et social .