_: Les inspecteurs onusiens à pied d' oeuvre Les inspections décidées par la résolution de l' ONU ont débuté hier à Bagdad . Il est à peine 8 h 30 , ce mercredi matin , lorsque de petits points bleus apparaissent à quelques centaines de mètres de la horde de journalistes qui fait le pied de grue depuis longtemps déjà . Ca y est , ils sont là , avec leurs casquettes aux couleurs onusiennes . Mouvement de foule habituel , enchevêtrement de fils de micros , caméras qui se heurtent , insultes aisément traduisibles , tout cela sous le regard mi-amusé mi-étonné des bagdadis qui passent en trombe en essayant de n' écraser personne . " On est sûr de rien , souligne Jacques Daute . Là encore , on est une organisation technique , mais évoluant dans un monde politique complexe . La décision au niveau irakien semble être prise de coopérer à tous les points de vue . La décision politique peut changer demain . De l' autre côté , l' interprétation des résultats de nos inspections sera la prorogative du Conseil de sécurité de l' ONU ou de certains de ses membres . " L' événement , c' est bien sûr la première sortie des inspecteurs de l' ONU , qui , ils l' ont fait savoir , ne tiennent pas spécialement à être accompagnés par les médias du monde entier . Les autorités irakiennes , en revanche , ont tout organisé pour que cameramen , photographes et rédacteurs puissent être les témoins oculaires - et à travers eux toute la planète - du travail de ces représentants des Nations unies , mandatés par le Conseil de sécurité et la résolution 1441 . Une résolution qui leur donne quasiment les pleins pouvoirs : Mission , qu' ils ont acceptée : déceler toute production actuelle ou passée d' armes de destruction massive , nucléaire , biologique et chimique . Les premiers 4 x 4 sortent à vive allure du bunker de l' ONU , officiellement baptisé " Canal Hôtel " . Ils sont immédiatement suivis des voitures de presse et des hommes en civil des services de sécurité irakiens . La destination est encore inconnue . La rumeur a juste rapporté qu' il y aurait deux groupes d' inspecteurs , l' un à Bagdad et l' autre loin de la capitale . Impossible de choisir . C' est quitte ou double . La ruée ne se fait pas sans casse . Certains véhicules finissent dans le cul d' un camion . D' autres , rattrapés par l' intense trafic routier de Bagdad , ne parviennent pas à suivre . Les tout-terrain de l' ONU tentent de semer leurs poursuivants en revenant sur leurs pas à plusieurs reprises . On est en plein western , mais la diligence ne serra pas attaquée . L' escorte sauvage a même gain de cause et c' est gentiment que la colonne d' une cinquantaine de voitures prend la direction de la banlieue nord-est de la capitale . L' endroit ne paie pas de mine . Un mur d' enceinte , surmonté de quelques barbelés dont on devine qu' ils ont été plus fringants , qui débouche finalement sur un portail métallique . À l' entrée du site est érigé un bas-relief montrant Saddam Hussein ceint d' un keffieh rouge . Devant un mirador , avec un soldat en faction , vite délogé par les caméras , au grand dam des officiers de service sortis en toute hâte pour tenter d' empêcher les journalistes de pénétrer . De quoi s' agit -il ? Impossible de le savoir sur le moment . " Une prison pour femmes " , se croit autorisé un journaliste ; " un site industriel appartenant au ministère de la Défense " , affirme un autre . La sécurité irakienne reste muette . En fait , il s' agit de hangars de l' organisme irakien de l' industrialisation militaire qui , dans le passé , avait servi de prison pour femmes ! Les inspecteurs qui sont entrés appartiennent à l' équipe de l' Agence internationale pour l' énergie atomique ( AIEA ) , c' est tout ce qu' il a été possible d' apercevoir sur le pare-brise d' un 4 x 4 . Pour le reste , personne d' autre n' a pu entrer , et tout le monde se perd en conjectures . Seule certitude , les autorités irakiennes coopèrent totalement , ainsi que l' a souligné Kofi Annan , secrétaire général de l' ONU . C' est sans doute ce que voulaient éviter les États-Unis , qui ont , jusqu'au dernier moment , tout fait pour retarder la venue des inspecteurs des Nations unies en Irak . En réalité , il faut bien l' avouer , on ne sait rien ou presque . La conférence de presse organisée la veille n' a pas apporté grand chose . Dimitri Perricos , qui dirige l' équipe de la Commission de contrôle , de vérification et d' inspection de l' ONU ( COCOVINU ) , a rappelé que " les inspections ont été planifiées à New York et à Vienne " et que , " pour chaque site , nous avons des images satellites permettant de connaître le nombre de sorties " et donc d' éviter que des éléments mobiles ne disparaissent opportunément lors des visites impromptues . Il a également annoncé que ses équipes n' hésiteraient pas à " geler " un site suspect , interdisant à tout équipement et à toute personne d' y entrer ou d' en sortir afin d' éviter toute interférence dans leur travail . Le sort des palais de Saddam Hussein est , à ses yeux , " réglé par la résolution 1441 . On ne les visitera pas en premier , mais on ne les visitera pas en dernier . " Ils auront des hélicoptères à leur disposition , ainsi que certains instruments pour sonder les sous-sols . " Nous voulons être certains que les fabriques de casseroles produisent des casseroles et pas des missiles " , dit -il . Il précise : " Nous n' allons par forcer les Irakiens à faire quoi que ce soit , c' est dans leur intérêt de coopérer . Ce n' est pas à nous de les persuader de montrer qu' ils n' ont rien . " Une dernière phrase qui s' adresse peut-être à George W. Bush . Avant même le début des inspections , le président américain a menacé Saddam de ne peut pas dire qu' il n' a plus d' armes de destruction massive . Il doit le prouver , dit en substance Bush Junior . Une idée vicieuse qui montre les volontés guerrières de Washington , mais qui met dans l' embarras des inspecteurs dont la tâche est justement de vérifier si les déclarations irakiennes sont exactes . Interrogé par l' Humanité sur cette antinomie entre les propos américains et le travail des inspecteurs , Jacques Daute , qui dirige l' équipe de l' AIEA , a eu cette réponse : " Les politiques disent ce qu' ils ont à dire . En ce qui nous concerne , nous sommes techniques , donc nous nous focaliserons sur les activités que nous avons à conduire , sur ce que les déclarations apportent quant à l' adoption des moyens techniques et de la stratégie que l' on doit mettre en oeuvre . Les rôles sont différents . Nous sommes techniques et nous le resterons . " On se souvient que la crise entre l' Irak et la dernière équipe d' inspection ( l' UNSCOM ) concernait justement le rôle de ces inspecteurs , dont il maintenant avéré que certains ont travaillé en direct pour les services de renseignements américains . Alors peut -on aujourd'hui être certain de l' impartialité des inspecteurs ?